HOTSPUR.--Le rebelle Mortimer! C'est par les hasards seuls de la 
guerre, mon souverain, qu'il est tombé entre les mains de l'ennemi, et il 
suffit d'une seule langue pour faire parler en témoignage de cette vérité 
toutes ses blessures comme autant de bouches. Ces blessures qu'il a 
reçues en brave, lorsque sur les bords de la douce Severn, seul contre 
seul, fer contre fer, il a passé la meilleure partie d'une heure à faire
échange de courage avec le puissant Glendower. Trois fois ils ont repris 
haleine, et trois fois, d'un mutuel accord, ils ont bu les eaux de la rapide 
Severn, qui, effrayée alors de leurs sanguinaires regards, a fui pleine de 
crainte à travers ses roseaux tremblants, et a caché sa tête ondoyante 
dans les profondeurs de son lit tout ensanglanté par ces valeureux 
combattants. Jamais une politique basse et corrompue ne colora ses 
oeuvres de blessures si mortelles, et jamais le noble Mortimer n'eût pu 
en recevoir un si grand nombre, le tout volontairement. Qu'on ne le 
flétrisse donc pas du nom de rebelle. 
LE ROI.--Tu le montres ce qu'il n'est pas, Percy, tu le montres ce qu'il 
n'est pas: jamais il ne s'est mesuré avec Glendower. Je te dis, moi, qu'il 
aurait aussi volontiers risqué de se trouver tête à tête avec le diable, 
qu'en face d'Owen Glendower. N'as-tu pas honte?--Mais, jeune homme, 
que désormais je ne vous entende plus dire un mot de Mortimer. 
Envoyez-moi vos prisonniers par la voie la plus prompte, ou vous aurez 
de mes nouvelles d'une manière qui pourra vous déplaire.--Milord 
Northumberland, vous pouvez partir avec votre fils.--Envoyez-nous vos 
prisonniers, ou vous en entendrez parler. 
(Sortent le roi, Blount et la suite.) 
HOTSPUR.--Et quand le diable voudrait rugir ici pour les avoir, je ne 
les enverrai pas.--Je veux le suivre à l'instant, et le lui dire; je veux 
soulager mon coeur, fût-ce au péril de ma tête. 
NORTHUMBERLAND.--Quoi, tout ivre de colère?--Arrêtez et 
attendez un moment. Voici votre oncle. 
(Entre Worcester.) 
HOTSPUR.--Ne plus parler de Mortimer! mordieu! j'en parlerai. Et que 
mon âme n'ait jamais miséricorde si je ne me joins pas à lui! Oui, 
j'épuiserai en sa faveur toutes ces veines, je répandrai tout mon sang le 
plus précieux goutte à goutte sur la poussière, ou j'élèverai Mortimer, 
qu'on foule aux pieds, aussi haut que ce roi oublieux, cet ingrat et 
pervers Bolingbroke.
NORTHUMBERLAND, à Worcester.--Mon frère, le roi a fait perdre la 
raison à votre neveu. 
WORCESTER.--Qui donc a allumé toute cette fureur depuis que je suis 
sorti? 
HOTSPUR.--Il veut réellement avoir tous mes prisonniers, et lorsque je 
suis venu à lui reparler de la rançon du frère de ma femme, ses joues 
ont pâli, et il a tourné sur moi un oeil de mort; il tremblait au seul nom 
de Mortimer. 
WORCESTER.--Je ne puis le blâmer. Mortimer n'a-t-il pas été déclaré 
publiquement par Richard, qui aujourd'hui n'est plus, le plus proche du 
trône après lui? 
NORTHUMBERLAND.--Rien n'est plus vrai; j'ai entendu la 
déclaration: ce fut lorsque notre malheureux roi (Dieu veuille nous 
pardonner nos torts envers lui!) partit pour son expédition d'Irlande; il y 
fut intercepté, et n'en revint que pour être déposé, et bientôt après 
assassiné. 
WORCESTER.--Et à cause de cette mort, la voix générale de l'univers 
nous diffame et parle de nous avec opprobre. 
HOTSPUR.--Mais, doucement, je vous en prie; le roi Richard a donc 
déclaré mon frère, Edmond Mortimer, l'héritier de la couronne? 
NORTHUMBERLAND.--Il l'a déclaré; moi-même je l'ai entendu. 
HOTSPUR.--Vraiment, je ne puis blâmer le roi, son cousin, de désirer 
qu'il meure de faim sur les montagnes stériles. Mais sera-t-il dit que 
vous, qui avez posé la couronne sur la tête de cet homme ingrat, et qui, 
pour son profit, portez la tache détestable d'un assassinat payé.... 
sera-t-il dit que vous subissiez patiemment un déluge de malédictions, 
en demeurant simplement des agents de meurtre, des instruments 
secondaires, les cordes, l'échelle, ou plutôt le bourreau....--Oh! 
pardonner si je descends si bas pour vous montrer en quel rang et en 
quelle catégorie vous vous placez sous ce roi artificieux.--N'avez-vous
pas de honte, qu'on puisse raconter à nos temps, ou étaler un jour dans 
les chroniques, que des hommes de votre noblesse et de votre puissance 
se sont engagés tous deux dans une cause injuste (comme, Dieu vous le 
pardonne! vous l'avez fait tous deux), pour abattre Richard, cette douce 
et belle rose, et planter à sa place cette épine, ce chardon, ce 
Bolingbroke? Et pour comble d'opprobre, sera-t-il dit encore que vous 
aurez été joués, écartés, rejetés par celui pour qui vous vous êtes 
soumis à toutes ces ignominies? Non, il est temps encore de racheter 
vos honneurs perdus, et de vous rétablir dans l'estime de l'univers. 
Vengez-vous des insultants et dédaigneux mépris de ce roi orgueilleux, 
jour et nuit occupé des moyens de se débarrasser de sa dette envers    
    
		
	
	
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