Germaine | Page 2

Edmond About
?Ma caisse d'��pargne, �� moi, la voici. C'est l�� que j'ai toujours plac�� mes fonds, et je m'en suis bien trouv��. Pas vrai, p��re Altroff??
Le p��re Altroff, suisse de profession, Alsacien de naissance, grand, vigoureux, ossu, pansu, large des ��paules, ��norme de la t��te, et aussi rubicond qu'un jeune hippopotame, sourit du coin de l'oeil et fit avec sa langue un petit bruit qui valait un long po��me.
Le jardinier, fine fleur de Normand, fit sonner son argent dans sa main, et r��pondit �� l'honorable pr��opinant: ?Allais, marchais! ce qu'on a bu, on ne l'a plus. Il n'est tel placement qu'une bonne cachette dans un vieux mur ou dans un arbre creux. Argent bien enfouie, les notaires ne la mangent point!?
L'assembl��e se r��cria sur la na?vet�� du bonhomme qui enterrait ses ��cus tout vifs, au lieu de les faire travailler. Quinze ou seize exclamations s'��lev��rent en m��me temps. Chacun dit son mot, trahit son secret, enfourcha son dada, secoua sa marotte. Chacun frappa sur sa poche et caressa bruyamment les esp��rances certaines, le bonheur clair et liquide qu'il avait embours�� le matin. L'or m��lait sa petite voix aigu? �� ce concert de passions vulgaires; et le cliquetis des pi��ces de vingt francs, plus capiteux que la fum��e du vin ou l'odeur de la poudre, enivrait ces pauvres cervelles et acc��l��rait le battement de ces coeurs grossiers.
Au plus fort du tumulte, une petite porte s'ouvrit sur l'escalier, entre le rez-de-chauss��e et le premier ��tage. Une femme, v��tue de haillons noirs, descendit vivement les degr��s, traversa le vestibule, ouvrit la porte vitr��e et disparut dans la cour.
Ce fut l'affaire d'une minute, et pourtant cette sombre apparition ��teignit la joie de tous ces valets en belle humeur. Ils se lev��rent sur son passage avec les marques d'un profond respect. Les cris s'arr��t��rent dans leur gosier, et l'or ne sonna plus dans leurs poches. La pauvre femme avait laiss�� derri��re elle comme une tra?n��e de silence et de stupeur.
Le premier qui se remit fut le valet de chambre, un esprit fort.
?Sapristi! cria-t-il, j'ai cru voir passer la mis��re en personne. Voil�� mon jour de l'an gat�� d��s le matin. Vous verrez que rien ne me r��ussira jusqu'�� la Saint-Sylvestre. Brrr! j'ai froid dans le dos.
--Pauvre femme! dit le ma?tre d'h?tel. ?a a eu des mille et des cents, et puis voil��! Qui est-ce qui croirait que c'est une duchesse?
--C'est son gueux de mari qui lui a tout mang��.
--Un joueur!
--Un homme sur sa bouche!
--Un coureur qui trotte du matin au soir, avec ses vieilles jambes, �� la suite de tous les cotillons!
--C'est pas lui qui m'int��resse: il n'a que ce qu'il m��rite.
--Sait-on comment va Mlle Germaine?
--Leur n��gresse m'a dit qu'elle ��tait au plus bas. Elle crache le sang �� plein mouchoir.
--Et pas de tapis dans sa chambre! Cette enfant-l�� ne gu��rirait que dans les pays chauds, �� Florence ou en Italie.
--?a fera un ange au ciel du bon Dieu.
--C'est ceux qui restent qui sont �� plaindre!
--Je ne sais pas comment la duchesse sortira de l��. Des comptes �� n'en plus finir chez tous les fournisseurs! Le boulanger parle de leur refuser cr��dit.
--Combien ont-ils de loyer l��-haut?
--Huit cents. Mais je m'��tonne si monsieur �� jamais vu la couleur de leur argent.
--Si j'��tais de lui, j'aimerais mieux laisser le petit appartement vacant que de garder des personnes qui font tache dans l'h?tel.
--Es-tu b��te! Pour qu'on ramasse sur le pav�� le duc de La Tour d'Embleuse et sa famille? Ces mis��res-l��, vois-tu, c'est comme les plaies du faubourg: nous avons tous int��r��t �� les cacher.
--Tiens! dit le marmiton, je m'en moque pas mal! Pourquoi qu'ils ne travaillent pas? Les ducs sont des hommes comme les autres.
--Gar?on! reprit gravement le ma?tre d'h?tel, tu dis des choses incoh��rentes. La preuve qu'ils ne sont pas des hommes comme les autres, c'est que moi, ton sup��rieur, je ne serai pas seulement baron pendant une heure de ma vie. D'ailleurs la duchesse est une femme sublime, et elle fait des choses dont ni toi ni moi ne serions capables. Mangerais-tu du bouilli pendant un an �� tous tes repas?
--Dame! ?a n'est pas amusant, le bouilli!
--Eh bien! la duchesse met le pot-au-feu tous les deux jours, parce que son mari n'aime pas la soupe maigre. Monsieur d?ne d'un bon tapioca au gras, avec un bifteck ou une paire de c?telettes, et la pauvre sainte femme avale jusqu'au dernier morceau de g?te qui se bouillit dans la maison. Est-ce beau, cela??
Le marmiton fut touch�� dans l'ame. ?Mon bon monsieur Tournoy, dit-il au ma?tre d'h?tel, c'est des gens bien int��ressants. Est-ce qu'on ne pourrait pas leur faire passer quelques douceurs, en s'entendant avec leur n��gresse?
--Ah bien oui! elle est aussi fi��re qu'eux; elle ne voudrait rien de nous. Et cependant m'est avis qu'elle ne d��jeune pas tous les jours.?
Cette conversation aurait pu durer longtemps, si M. Anatole
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