fenêtre ouverte
Ecoutaient sur la rive 
expirer l'onde verte.
Heureux et souriants ils se parlaient d'amour,
En regardant les flots qui chantaient tout à tour,
Et les rubans de feu 
sur l'écume des vagues;
La lune qui veillait, et les bruines vagues
Qui traînaient mollement leurs robes sur les prés
Et les étoiles d'or 
dans les cieux empourprés. 
Ainsi passait le soir dans la joie et l'ivresse,
Et le temps paraissait 
redoubler de vitesse.
Tout à coup l'on ouït, dans le beffroi voisin,
La cloche qui vibrait sous le marteau d'airain.
On entendit neuf coups; 
elle sonnait neuf heures;
C'était le couvre-feu de toutes les demeures.
Basile et son ami se serrèrent la main
Et se dirent adieu pour 
jusqu'au lendemain.
Bien des mots de douceur, bien de tendres
paroles,
Paroles d'amitié charmantes et frivoles,
S'échangèrent tout 
bas entre les deux amants,
Et de leurs coeurs émus calmèrent les 
tourments.
Nul bruit dans la maison ne se fit plus entendre.
Les 
charbons du foyer furent mis sous la cendre.
Après quelque instants le 
vieux et bon fermier
Fit du bruit de ses pas retentir l'escalier.
Tenant dans sa main blanche une lampe de verre
Sa fille le suivit 
gracieuse et légère
Ainsi qu'une gazelle aux lisières des bois.
Une 
douce lueur éclaira les parois
Quand la vierge monta les degrés de la 
rampe;
Ce n'était point alors sa radieuse lampe,
Mais son regard 
serein que versait la clarté.
Elle entra dans sa chambre. Un châssis, 
d'un côté,
Y laissait du soleil pénétrer la lumière.
Une chaise et le lit 
de la jeune fermière,
Une table, une image une croix seulement,
Voilà ce qu'on voyait dans cet appartement.
Mais on trouvait, au fond 
dans un vieux garde-robe,
Des pièces de flanelle et d'étoffe à la mode,
Ouvrage ingénieux, tissu fin et parfait,
Et qu'elle allait offrir pour 
dot en mariage,
Parce qu'il ferait voir la femme de ménage
Mieux 
que ne le ferait les plus riches troupeaux.
Elle éteignit sa lampe. 
Inondant les carreaux
Les reflets argentés de la paisible lune
Dormaient sur le tapis tissé de laine brune;
Et le sein de la vierge 
agité par l'espoir,
Au pouvoir merveilleux du bel astre du soir
Obéit 
doucement comme l'onde et la nue;
Quand son voile glissa de son 
épaule nue;
Quand de son fin soulier sortit son beau pied blanc;
Quand ses longs cheveux noirs tombèrent sur son flanc,
Qu'elle parut 
charmante! Et, dans sa rêverie,
Elle s'imagina qu'au bord de la prairie,
Amoureux et rusé, Gabriel son amant,
En silence épiait le fortuné 
moment
Où devant les rideaux de l'étroite fenêtre,
Il pourrait voir 
son ombre un instant apparaître.
Or l'ombre d'un nuage effleura les 
cloisons
Que la lune éclairait de ses moelleux rayons.
D'une grande 
noirceur la chambre fut remplie
Un sentiment de crainte et de 
mélancolie
Saisit Evangéline. Elle eut comme un remords,
Entr'ouvrit sa fenêtre et regarda dehors.
La lune s'échappait, souriante 
et volage.
Les plis mystérieux d'un vagabond nuage.
Une étoile aux 
cils d'or la suivait dans le ciel.
De même qu'autrefois le petit Ismaël
Suivait Agar sa mère en sa lointaine marche,
Après qu'elle eut quitté 
le toit du Patriarche. 
IV 
Le lendemain matin, au lever du soleil,
Quand le bourg de Grand-Pré 
sortit de son sommeil,
Un océan de pourpre entourait les collines;
Les ruisseaux babillaient; et le Bassin des Mines,
Légèrement ridé par 
l'haleine du vent,
Réfléchissait l'éclat du beau soleil levant;
Et, sur 
les flots d'azur, les barques aux flancs sombres
Berçaient avec fierté 
leurs gigantesques ombres. 
Après un court repos le Travail vint encor
Du matin radieux ouvrir les 
portes d'or.
Proprement revêtus des habits du dimanche
Les joyeux 
paysans à l'allure humble et franche
Arrivèrent bientôt des villages 
voisins.
Ici quelques vieillards sur le bord des chemins,
S'aidant de 
leurs bâtons, venaient par petits groupes.
Là, les gars éveillés, en 
turbulentes troupes,
Passaient à travers champs, suivant, le long du 
clos,
Le sillon qu'avaient fait les pesants chariots,
Au temps de la 
moisson, dans l'herbe verte et tendre.
On grondait le amis qui se 
faisaient attendre;
Chacun fumait, causait, riait de toute part.
Les 
groupes arrivés aux groupes en retard
Criaient mille bons mots, mille 
plaisanteries.
Les maisons ressemblaient à des hôtelleries.
Assis 
devant les seuils sur de vieux bancs de bois,
Se chauffant au soleil, 
les simples villageois
Discouraient du danger qui menaçait leur tête.
La maison de Benoit avait un air de fête.
Là plus vive qu'ailleurs 
on trouvait la gaîté,
Et plus charmante aussi l'humble hospitalité:
Evangéline était au milieu des convives;
Et son regard modeste et ses 
grâces naïves
Avaient, ce matin-là, pour eux bien plus d'attrait
Que 
le verre enivrant que sa main leur offrait. 
On fit dans le verger les chastes fiançailles:
De l'odeur des fruits mûrs 
l'air était parfumé;
Le ciel brillait d'un feu tout inaccoutumé.
Le 
prêtre dut conduit à l'ombre du feuillage
Avec le vieux Leblanc
notaire du village.
Du bonheur des amants s'entretenant tous deux
Basile et le fermier étaient assis près d'eux.
Et contre le pressoir et les 
ruches d'abeille,
Avec les jeunes gens aux figures vermeilles
Etait 
le vieux Michel joueur de violon.
Charmant diseur de riens, beau 
chanteur de chanson
Qui tenait bien l'archet et battait la mesure
En 
frappant du talon le tapis de verdure.
Sur ses cheveux de neige on 
voyait, tout à tour,
L'ombre de quelque feuilles ou les reflets du jour
Passer quand les rameaux se berçaient à la brise.
Son visage riant 
avec sa barbe grise
Brillait comme un    
    
		
	
	
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