Elle et lui

George Sand
Elle et lui, by George Sand

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Title: Elle et lui
Author: George Sand
Release Date: October 6, 2004 [EBook #13653]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK ELLE ET
LUI ***

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{~--- UTF-8 BOM ---~}ELLE ET LUI
par

GEORGE SAND

CALMANN-LÉVY, ÉDITEURS, PARIS, 3, RUE AUBER Droits de
reproduction et de traduction réservés.
[Note: La liste des oeuvres de George Sand publiées par Calmann-Lévy
est reportée à la fin du roman.]

ELLE ET LUI

A MADEMOISELLE JACQUES.
Ma chère Thérèse, puisque vous me permettez de ne pas vous appeler
mademoiselle, apprenez une nouvelle importante dans le monde des
arts, comme dit notre ami Bernard. Tiens! ça rime; mais ce qui n'a ni
rime ni raison, c'est ce que je vais vous raconter.
Figurez-vous qu'hier, après vous avoir ennuyée de ma visite, je trouvai,
en rentrant chez moi, un milord anglais... Après ça, ce n'est peut-être
pas un milord; mais, pour sûr, c'est un Anglais, lequel me dit en son
patois:
--Vous êtes peintre?
--Yes, milord.
--Vous faites la figure?
--Yes, milord.
--Et les mains?
--Yes, milord; les pieds aussi.
--Bon!

--Très-bons!
--Oh! je suis sûr!
--Eh bien, voulez-vous faire le portrait de moi?
--De vous?
--Pourquoi pas?
Le pourquoi pas fut dit avec tant de bonhomie, que je cessai de le
prendre pour un imbécile, d'autant plus que le fils d'Albion est un
homme magnifique. C'est la tête d'Antinoüs sur les épaules de... sur les
épaules d'un Anglais; c'est un type grec de la meilleure époque sur le
buste un peu singulièrement habillé et cravaté d'un spécimen de la
fashion britannique.
--Ma foi! lui ai-je dit, vous êtes un beau modèle, à coup sûr, et
j'aimerais à faire de vous une étude à mon profit; mais je ne peux pas
faire votre portrait.
--Pourquoi donc?
--Parce que je ne suis pas peintre de portraits.
--Oh!... Est-ce qu'en France vous payez une patente pour telle ou telle
spécialité dans les arts?
--Non; mais le public ne nous permet guère de cumuler. Il veut savoir à
quoi s'en tenir sur notre compte, quand nous sommes jeunes surtout; et,
si j'avais, moi qui vous parle et qui suis fort jeune, le malheur de faire
de vous un bon portrait, j'aurais beaucoup de peine à réussir à la
prochaine exposition avec autre chose que des portraits: de même que,
si je ne faisais de vous qu'un portrait médiocre, on me défendrait d'en
jamais essayer d'autres: on décréterait que je n'ai pas les qualités de
l'emploi, et que j'ai été un présomptueux de m'y risquer.
Je racontai à mon Anglais beaucoup d'autres sornettes dont je vous fais
grâce, et qui lui firent ouvrir de grands yeux; après quoi, il se mit à rire,

et je vis clairement que mes raisons lui inspiraient le plus profond
mépris pour la France, sinon pour votre petit serviteur.
--Tranchons le mot, me dit-il. Vous n'aimez pas le portrait.
--Comment! pour quel Welche me prenez-vous? Dites plutôt que je
n'ose pas encore faire le portrait, et que je ne saurais pas le faire, vu que,
de deux choses l'une: ou c'est une spécialité qui n'en admet pas d'autres,
ou c'est la perfection, et comme qui dirait la couronne du talent.
Certains peintres, incapables de rien composer, peuvent copier
fidèlement et agréablement le modèle vivant. Ceux-là ont un succès
assuré, pour peu qu'ils sachent présenter le modèle sous son aspect le
plus favorable, et qu'ils aient l'adresse de l'habiller à son avantage tout
en l'habillant à la mode; mais, quand on n'est qu'un pauvre peintre
d'histoire, très-apprenti et très-contesté, comme j'ai l'honneur d'être, on
ne peut pas lutter contre des gens du métier. Je vous avoue que je n'ai
jamais étudié avec conscience les plis d'un habit noir et les habitudes
particulières d'une physionomie donnée. Je suis un malheureux
inventeur d'attitudes, de types et d'expressions. Il faut que tout cela
obéisse à mon sujet, à mon idée, à mon rêve, si vous voulez. Si vous
me permettiez de vous costumer à ma guise, et de vous poser dans une
composition de mon cru... Encore, tenez, cela ne vaudrait rien, ce ne
serait pas vous. Ce ne serait pas un portrait à donner à votre maîtresse...
encore moins à votre femme légitime. Ni l'une ni l'autre ne vous
reconnaîtraient. Donc,
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