comme on voudrait l'appeler, l'art chrétien 
par excellence. Il suffit, pour réfuter cette idée, de la plus simple 
connaissance de l'histoire de notre religion, considérée, comme le 
peuvent faire les artistes, dans les monuments de son culte. S'il est un 
fait avéré par les travaux de tant d'hommes habiles, Français, 
Allemands, Italiens, Anglais, qui ont étudié l'architecture gothique dans 
toutes ses formes, qui en ont recherché l'origine, qui en ont suivi, sur le
terrain et dans le temps, les développements successifs et les phases 
diverses, c'est que cette architecture s'est formée à la fin du XIIe siècle, 
à la suite d'une lutte qui avait commencé, un siècle auparavant, entre 
l'arc cintré, principal élément de l'architecture romaine, et l'arc ogive, 
conception de toute une société nouvelle, plutôt qu'invention de tel 
peuple ou de telle époque. S'il est aussi une notion familière aux artistes, 
tels que ceux qui remplissent l'Académie, c'est que l'architecture 
gothique, à quelques exceptions près, absolument sans conséquence, n'a 
jamais pénétré à Rome, dans le centre même du catholicisme. Rome, la 
ville chrétienne par excellence. Rome la grande ville, la ville éternelle, 
possède des monuments de toutes les époques du christianisme, depuis 
ceux des Catacombes, qui ont été son berceau, jusqu'à ceux du Vatican, 
qui offrent le plus haut degré de sa magnificence et de son génie; elle 
montre, à côté des premières basiliques élevées par Constantin et ses 
successeurs, une longue suite d'édifices chrétiens, qui expriment chacun 
la physionomie de chaque âge, et qui aboutissent à l'immense et 
superbe basilique où s'est imprimé le siècle de Jules II et de Léon X, 
par la main de Bramante et de Michel-Ange, et Rome n'a rien de 
gothique. Cette architecture, née dans les siècles du moyen âge, par des 
causes qui ont dû produire alors leur effet et qui ont cessé plus tard 
d'avoir leur action, n'est donc, en réalité, ni une ancienne forme, ni un 
type exclusivement propre de l'art chrétien; c'est l'expression d'une 
partie de la société chrétienne du moyen âge, très-respectable sans 
doute à ce titre, mais non pas au point de constituer à elle seule une 
règle absolue du génie chrétien. 
Il y a plus, et c'est sur ce point surtout qu'il importe de réfuter un 
préjugé qui ne repose sur aucune base historique. On ferait tort au 
christianisme, on méconnaîtrait tout à fait son esprit, si l'on croyait qu'il 
ait besoin d'une forme d'art particulière pour exprimer son culte. Le 
christianisme, cette religion du genre humain, appartient à tous les 
temps, à tous les pays, à toutes les sociétés; il ne se renferme pas plus 
dans telle forme de société, de politique et d'art, que dans telle contrée 
ou dans telle époque; immuable dans sa doctrine, il se modifie dans les 
monuments extérieurs de son culte, suivant les besoins de chaque âge et 
les convenances de chaque pays. S'il corrige, s'il adoucit la barbarie, il 
provoque, il favorise la civilisation; et s'il s'est réfléchi dans le gothique
du XIIIe siècle, il s'est imprimé dans la renaissance du XVIe. Ce qui est 
sensible, ce qui éclate dans l'histoire du christianisme, ce qui est le 
signe de sa divinité et le garant de sa durée, c'est que partout il a 
marché avec l'esprit humain: c'est qu'à toutes les époques il s'est servi 
de tous les matériaux qu'il avait à sa portée; c'est qu'il a employé à son 
usage, en les marquant de son empreinte, non-seulement des éléments 
de l'architecture antique, des colonnes, des chapiteaux, des 
entablements restés sans emploi sur le sol païen, mais des édifices 
antiques tout entiers, dans les deux Églises d'Orient et d'Occident, à 
Athènes aussi bien qu'à Rome. Le christianisme n'a donc jamais été 
exclusif, en fait d'art ni en rien de ce qui touche au régime des sociétés 
humaines; il s'accommode à tous les besoins, il se prête à tout les 
progrès; et soutenir qu'il n'a que le gothique pour expression de son 
culte, ce serait vouloir que l'esprit humain n'ait d'autre société possible 
que celle du XIIème siècle. 
Si ces considérations sont fondées, et elles ont paru telles à l'Académie, 
elles s'appliquent naturellement à l'abus, que l'on a reproché à l'art 
moderne, de faire de l'architecture grecque et romaine dans la 
construction de nos églises; car cet abus, s'il existe en effet, n'est pas 
moins condamné par l'esprit du christianisme que par le sentiment de 
l'art, et l'Académie n'est pas plus d'avis que l'on refasse le Parthénon 
que la Sainte-Chapelle. Les monuments, qui appartiennent à tout un 
système de croyance, de civilisation et d'art qui a fourni sa carrière et 
accompli sa destinée, doivent rester ce qu'ils sont, l'expression d'une 
société détruite, un objet d'étude et de respect, suivant ce qu'ils ont en 
eux-mêmes de mérite propre ou d'intérêt national, et non en objet 
d'imitation servile et de contrefaçon impuissante. Ressusciter un art    
    
		
	
	
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