proposées par un de nos honorables 
confrères, qui joint à sa profession d'architecte une profonde 
connaissance de l'histoire de son art, d'examiner, disons-nous, si, à 
l'époque où nous sommes, au XIXe siècle de l'ère chrétienne, il 
convenait de bâtir des églises dans le style de l'architecture dite 
gothique. 
Cette question principale, résolue négativement par l'auteur de la 
proposition, devait naturellement provoquer des explications de plus 
d'un genre dans une réunion d'artistes, où tout ce qui touche aux intérêts 
de l'art, à ses principes, à ses traditions, excite des sympathies si
puissantes et si éclairées. Ainsi posée devant l'Académie, la question du 
gothique a donc été envisagée sous toutes ses faces par les honorables 
membres qui ont pris part à cette discussion, soit de vive voix, soit par 
écrit: et lorsqu'à la suite de débats si intéressants, l'opinion de 
l'Académie s'est prononcée d'une manière si imposante, il importe qu'il 
reste dans ses archives un témoignage de cette discussion, ne fût-ce que 
pour servir d'avertissement ou du protestation, dans le cas possible 
d'une faute du pouvoir ou d'une erreur de l'opinion. 
L'intérêt qu'excitent les beaux édifices gothiques de notre pays ne 
pouvait manquer de trouver dans l'Académie de nombreux et 
d'éloquents interprètes. Ces édifices, dont les plus parfaits rappellent 
l'un des plus grands siècles de notre histoire, celui de Philippe-Auguste 
et de saint Louis, captivent au plus haut degré le sentiment religieux; ils 
élèvent, à l'aspect de leurs voûtes sublimes, la pensée chrétienne vers le 
ciel; ils plaisent à l'imagination; ils agissent même sur les sens par 
l'effet de leurs brillants vitraux, où tous les mystères de l'Église se 
montrent étincelants de l'éclat des plus vives couleurs, et ils réalisent 
ainsi, à l'oeil et à l'esprit, l'image de cette Jérusalem céleste vers 
laquelle aspire la foi du chrétien. À ne les juger que par les impressions 
qu'elles produisent, impressions toutes de respect, de recueillement et 
de piété, les églises gothiques charment et touchent profondément; et 
c'est vainement que la froide et sévère raison s'efforce de détruire un 
effet qui s'adresse au goût et au sentiment. 
Mais aussi n'est-il pas question ni de contester cet effet, ni de combattre 
ce sentiment, en ce qui regarde les édifices de ce style qui couvrent 
notre pays, et qui sont les monuments sacrés de notre culte, les témoins 
respectables de notre histoire; loin de là: il s'agit de les entourer de tous 
les soins que leur vieillesse exige, que leur caducité réclame; il s'agit de 
les conserver, de les perpétuer, s'il est possible, aussi longtemps que les 
glorieux souvenirs qui les consacrent, aussi longtemps que vivra la 
langue et le génie de la France; et, pour cela, l'état dans lequel ils se 
trouvent aujourd'hui ne fournira malheureusement que trop d'occasions 
de se signaler au zèle patriotique, pourvu de toutes les ressources d'une 
nation telle que la nôtre. Que l'on répare donc les édifices gothiques, 
sur lesquels s'est si sensiblement appesanti le poids de huit siècles, joint
à trois siècles d'indifférence et d'abandon; qu'on les répare avec ce 
respect de l'art qui est aussi une religion, c'est-à-dire avec cette 
profonde intelligence de leur vrai caractère, qui n'y ajoute aucun 
élément étranger, qui n'en altère aucune forme essentielle; c'est ce que 
demande la raison, c'est ce que conseille le goût, c'est ce que veut 
l'Académie. 
La question se présente tout autrement, si l'on propose de bâtir de 
nouvelles églises dans le style gothique, c'est-à-dire de rétrograder de 
plus de quatre siècles en arrière, et de donner, pour expression 
monumentale à une société qui a ses besoins, ses moeurs, ses habitudes 
propres, une architecture née des besoins, des moeurs, des habitudes de 
la société du XIIe siècle; en un mot, il s'agit de savoir si, au sein d'une 
nation telle que la nôtre, en présence d'une civilisation qui n'a plus rien 
de celle du moyen âge, il est convenable, je dirai même s'il est possible 
de construire des églises qui seraient une singularité, un anachronisme, 
une bizarrerie; qui apparaîtraient comme un accident au milieu de tout 
un système de société nouvelle, puisqu'elles ne pourraient prétendre à 
passer pour une relique d'une société défunte; qui formeraient un 
contraste choquant avec tout qui se bâtirait, avec tout ce qui se ferait 
autour d'elles, et qui, par cette contradiction seule, élevée a la puissance 
d'un monument, blesseraient la raison, le goût, et surtout le sentiment 
religieux. Envisagée sous ce point de vue, la question a paru à 
l'Académie digne d'être sérieusement approfondie, et tout ce qu'elle a 
entendu de considérations alléguées de part et d'autre sur ce sujet, n'a 
pu que la confirmer dans l'opinion qu'elle s'était faite. 
Il importe d'écarter d'abord de cette grave discussion un de ces préjugés, 
nés d'un sentiment respectable, mais qui ne saurait résister au plus léger 
examen, l'idée que l'architecture gothique serait l'expression propre du 
christianisme, qu'elle serait,    
    
		
	
	
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