du froid, se servait de la main pour reconnaître la température du bain, 
et refusait d'y entrer quand il n'était que médiocrement chaud. La même 
cause lui fit bientôt apprécier l'utilité des vêtemens, qu'il n'avait 
supportés jusque-là qu'avec beaucoup d'impatience. Cette utilité une 
fois connue, il n'y avait qu'un pas à faire pour le forcer à s'habiller 
lui-même. On y parvint au bout de quelques jours, en le laissant chaque 
matin exposé au froid à côté de ses habillemens, jusqu'à ce qu'il sût 
lui-même s'en revêtir. Un expédient à-peu-près pareil suffît pour lui 
donner en même-tems des habitudes de propreté; au point que la 
certitude de passer la nuit dans un lit froid et humide l'accoutuma à se 
lever pour satisfaire à ses besoins. 
[8] Lacase: Idée de l'homme physique et moral.--Laroche: Analyse des 
fonctions du systême nerveux.--Fouquet, article Sensibilité de 
l'Encyclopédie par ordre alphabétique. 
[9] Montesquieu: Esprit des Lois, livre XIV. 
Je fis joindre à l'administration des bains, l'usage des frictions sèches le 
long de l'épine vertébrale, et même des chatouillemens dans la région 
lombaire. Ce dernier moyen n'était pas un des moins excitans; je me vis 
même contraint de le proscrire, quand ses effets ne se bornèrent plus à 
produire des mouvemens de joie, mais parurent s'étendre encore aux 
organes de la génération, et menacer d'une direction fâcheuse les 
premiers mouvemens d'une puberté déjà trop précoce. 
À ces stimulans divers, je dûs joindre encore ceux, non moins excitans, 
des affections de l'âme. Celles dont il était susceptible à cette époque se 
réduisaient à deux: la joie et la colère. Je ne provoquais celle-ci qu'à des 
distances éloignées, pour que l'accès en fut plus violent, et toujours 
avec une apparence bien évidente de justice. Je remarquais quelquefois 
alors que dans le fort de son emportement, son intelligence semblait 
acquérir une sorte d'extension qui lui fournissait, pour le tirer d'affaire, 
quelque expédient ingénieux. Une fois que nous voulions lui faire 
prendre un bain qui n'était encore que médiocrement chaud, et que nos
instances réitérées avaient violemment allumé sa colère, voyant que sa 
gouvernante était peu convaincue par les fréquentes épreuves qu'il 
faisait lui-même, de la fraîcheur de l'eau avec le bout de ses doigts, il se 
retourne vers elle avec vivacité, se saisit de sa main, et la lui plonge 
dans la baignoire. 
Que je dise encore un trait de cette nature. Un jour qu'il était dans mon 
cabinet, assis sur une ottomane, je vins m'asseoir à ses côtés, et placer 
entre nous une bouteille de Leyde légèrement chargée. Une petite 
commotion qu'il en avait reçue la veille, lui en avait fait connaître 
l'effet. À voir l'inquiétude que lui causait l'approche de cet instrument, 
je crus qu'il allait l'éloigner en le saisissant par le crochet. Il prit un 
parti plus sage: ce fut de mettre ses mains dans l'ouverture de son gilet, 
et de se reculer de quelques pouces, de manière que sa cuisse ne 
touchât plus au revêtement extérieur de la bouteille. Je me rapprochai 
de nouveau, et la replaçai encore entre nous. Autre mouvement de sa 
part; autres dispositions de la mienne. Ce petit manège continua jusqu'à 
ce que, rencoigné à l'extrémité de l'ottomane, se trouvant borné en 
arrière par la muraille, en avant par une table, et de mon côté par la 
fâcheuse machine, il ne lui fut plus possible d'exécuter un seul 
mouvement. C'est alors que saisissant le moment où j'avançais mon 
bras pour amener le sien, il m'abaissa très-adroitement le poignet sur le 
crochet de la bouteille. J'en reçus la décharge. 
Mais si quelquefois, malgré l'intérêt vif que m'inspirait ce jeune 
orphelin, je prenais sur moi d'exciter sa colère, je ne laissais passer 
aucune occasion de lui procurer de la joie; et certes il n'était besoin 
pour y réussir d'aucun moyen difficile ni coûteux. Un rayon de soleil, 
reçu sur un miroir, réfléchi dans sa chambre et promené sur le plafond; 
un verre d'eau que l'on faisait tomber goutte à goutte et d'une certaine 
hauteur, sur le bout de ses doigts, pendant qu'il était dans le bain; alors 
aussi un peu de lait contenu dans une écuelle de bois que l'on plaçait à 
l'extrémité de sa baignoire, et que les oscillations de l'eau faisaient 
dériver peu à peu, au milieu des cris de joie, jusqu'à la portée de ses 
mains: voilà à-peu-près tout ce qu'il fallait pour récréer et réjouir, 
souvent jusqu'à l'ivresse, cet enfant de la nature.
Tels furent, entre une foule d'autres, les stimulans, tant physiques que 
moraux, avec lesquels je tâchai de développer la sensibilité de ses 
organes. J'en obtins, après trois mois, un excitement général de toutes 
les forces sensitives. Alors le toucher se montra sensible à l'impression 
des corps chauds ou froids, unis ou raboteux, mous ou résistans. Je 
portais, en ce tems-là, un pantalon de velours, sur lequel il semblait 
prendre    
    
		
	
	
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