Cymbeline | Page 2

William Shakespeare
la même veine d'esprit.
PERSONNAGES
CYMBELINE, roi de la Grande-Bretagne.
CLOTEN, fils de la reine,
du premier lit.
LEONATUS POSTHUMUS, chevalier, marié
secrètement à la princesse Imogène. BELARIUS, seigneur, exilé par
Cymbeline, et déguisé sous le nom de Morgan. GUIDÉRIUS. }fils de
Cymbeline, et
ARVIRAGUS, }crus fils de Bélarius
}sous les noms de Polydore et
}de Cadwal.
PHILARIO, ami de
Posthumus, }
IACHIMO, ami de Philario, }Italiens
UN
FRANÇAIS, ami de Philario.
CAIUS-LUCIUS, général de l'armée
romaine.
UN OFFICIER ROMAIN.
PISANIO, attaché au service
de Posthumus.
CORNÉLIUS, médecin.
DEUX
GENTILSHOMMES.
DEUX GEOLIERS.
DEUX OFFICIERS
ANGLAIS.
LA REINE, femme de Cymbeline.
IMOGÈNE, fille de
Cymbeline, de son premier mariage.
HÉLÈNE, suivante d'Imogène.

LORDS, LADYS, SÉNATEURS, ROMAINS,
TRIBUNS,
APPARITIONS, UN DEVIN,
UN GENTILHOMME
HOLLANDAIS, UN
GENTILHOMME ESPAGNOL,
MUSICIENS,
OFFICIERS, CAPITAINES, SOLDATS,
MESSAGERS.
La scène est tantôt dans la Grande-Bretagne, tantôt en Italie.
ACTE PREMIER
SCÈNE I
La Grande-Bretagne.--Jardin derrière le palais de Cymbeline.

_Entrent_ DEUX GENTILSHOMMES.
LE PREMIER GENTILHOMME.--Vous ne rencontrez ici personne
qui ne fronce le sourcil. Nos visages n'obéissent pas plus que nos
courtisans aux lois du ciel. Tous retracent la tristesse peinte sur le
visage du roi.
LE SECOND.--Mais quel est le sujet?...
LE PREMIER.--L'héritière de son royaume, sa fille qu'il destinait au
fils unique de sa femme (une veuve qu'il vient d'épouser), s'est donnée
à un pauvre, mais digne gentilhomme: elle est mariée;--son époux est
banni, elle emprisonnée. Tout présente les dehors de la tristesse; pour le
roi, je le crois, il est affligé jusqu'au fond du coeur.
LE SECOND.--Personne autre que le roi?
LE PREMIER.--Celui aussi qui a perdu la princesse; la reine aussi, qui
souhaitait le plus cette alliance; mais il n'est pas un des courtisans,
quoiqu'ils portent des visages composés sur celui du roi, qui n'ait le
coeur joyeux de ce dont ils affectent de paraître mécontents.
LE SECOND.--Et pourquoi cela?
LE PREMIER.--L'homme à qui la princesse échappe est un être trop
mauvais pour une mauvaise réputation; mais celui qui la possède (je
veux dire celui qui l'a épousée, ah! l'honnête homme! et qu'on bannit
pour cela), c'est une créature si accomplie qu'on aurait beau chercher
son pareil dans toutes les régions du monde, il manquerait toujours
quelque chose à celui qu'on voudrait lui comparer. Je ne pense pas
qu'un extérieur aussi beau et une âme aussi noble se trouvent réunis
dans un autre homme.
LE SECOND.--Vous le vantez beaucoup.
LE PREMIER.--Je ne le vante, seigneur, que d'après l'étendue de son
mérite; je le rapetisse plutôt que je ne le déroule tout entier.

LE SECOND.--Quel est son nom, sa naissance?
LE PREMIER.--Je ne puis remonter jusqu'à sa première origine.
Sicilius était le nom de son père, qui s'unit avec honneur à Cassibelan
contre les Romains. Mais il reçut ses titres d'honneur de Ténantius, qu'il
servit avec gloire et avec un succès admiré, et il obtint le surnom de
Léonatus. Il eut, outre le chevalier en question, deux autres fils qui,
dans les guerres de ce temps, moururent l'épée à la main. Leur père,
vieux alors et aimant ses enfants, en conçut tant de chagrin qu'il quitta
la vie: son aimable épouse, alors enceinte du gentilhomme dont nous
parlons, mourut en lui donnant le jour. Le roi prit l'enfant sous sa
protection, lui donna le nom de Posthumus, l'éleva, et l'attacha à sa
chambre: il l'instruisit dans toutes les sciences dont son âge pouvait être
susceptible; et il les reçut comme nous recevons l'air aussitôt qu'elles
lui furent offertes; dès son printemps, il porta une moisson: il vécut à la
cour loué et aimé (chose rare), modèle des jeunes gens, miroir redouté
des hommes d'un âge mûr; et pour les vieillards, un enfant qui guidait
les radoteurs. Quant à sa maîtresse, pour laquelle il est banni
aujourd'hui, ce qu'elle lui a donné proclame le cas qu'elle faisait de sa
personne et de ses vertus. On peut lire dans son choix, et juger au vrai
quel homme est Posthumus.
LE SECOND.--Je l'honore sur votre seul récit. Mais, dites-moi, je vous
prie, la princesse est-elle le seul enfant du roi?
LE PREMIER.--Son seul enfant. Il avait deux fils; et si ce détail vous
intéresse, écoutez-moi. Tous deux furent dérobés de leur chambre;
l'aîné à l'âge de trois ans, et l'autre encore au maillot; jusqu'à cette heure,
pas la moindre conjecture sur ce qu'ils sont devenus.
LE SECOND.--Combien y a-t-il de cela?
LE PREMIER.--Vingt ans environ.
LE SECOND.--Qu'on enlève ainsi les enfants d'un roi! qu'ils fussent si
négligemment gardés, et qu'on ait été si lent dans les recherches qu'on
n'ait pu retrouver leur trace!

LE PREMIER.--Quelque étrange que cela vous semble, et quoique
cette négligence soit vraiment ridicule, le fait est vrai, seigneur.
LE SECOND.--Je vous crois.
LE PREMIER.--Il faut nous taire, voici Posthumus, la reine et la
princesse.
(Ils sortent.)
(La reine, Posthumus, Imogène entrent avec leur suite.)
LA REINE.--Non; soyez-en sûre, ma fille, vous ne trouverez jamais en
moi, comme on le reproche à la plupart des marâtres, un oeil
malveillant pour
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