Contes humoristiques - Tome I | Page 4

Alphonse Allais
gardai toujours, �� l'��gard de ce parchemin faussement surann��, un silence d'or.
(C'��tait un vieil ��l��ve de l'��cole des chartes, tomb�� dans une vie d'improbit�� crapuleuse, qui s'��tait adonn�� �� la fabrication de manuscrits carlovingiens--ne pas ��crire carnovingiens--et qui fournissait �� Desmachins des autographes des ��poques les plus recul��es).
L'ami qui m'apprenait le tr��pas de Desmachins, en tous ses p��nibles d��tails, semblait lutter contre un d��sir d'aveu.
�� la fin, il murmura:--Et ce qu'il y a de plus terrible, c'est que je suis un peu son assassin.
Du coup, ma douloureuse stupeur se teinta d'��tonnement.
--Oui continua-t-il, le pauvre Desmachins est mort sur mon conseil!
--Le guillotin�� par persuasion, quoi!
--Oh! ne ris pas, c'est une ��pouvantable histoire, et je vais te la conter.
Je pris l'attitude bien connue du gentleman �� qui on va conter une ��pouvantable histoire, et mon ami--car, malgr�� tout, c'est encore mon ami--me narra la chose en ces termes:
--Un jour, je rencontrai Desmachins enchant�� d'une nouvelle acquisition. Il venait d'acheter un os de mouton sur lequel ��tait inscrit, de la main m��me du Proph��te, un verset du Coran.
?--Et tu as pay�� ?a?... lui demandai-je.
?--Une bouch��e de pain, mon cher. C'est un vieux cheik arabe qui me l'a c��d��. Comme il avait absolument besoin d'argent, j'ai pu avoir l'objet pour 3000 francs.
?Matin! pensai-je, 3000 francs, une bouch��e de pain! ?a le remet cher la livre!?
?Et il m'emmena chez lui pour me faire admirer son nouveau classement. Il avait, disait-il, invent�� un nouveau classement dont il ��tait tr��s fier.
?La vue d'une lettre de N��laton me sugg��ra une id��e et, machinalement, je lui demandai:
?--Tu n'as pas d'autographe de Ricord?
?--Ricord?... Qui est-ce?
?--Comment! tu ne connais pas Ricord?
?Le malheureux... c'est-��-dire, non, le bienheureux... ou plut?t non, le malheureux ne connaissait pas Ricord.
?Alors, moi, je lui dis la gloire de Ricord, et Desmachins r��solut aussit?t d'avoir, en sa collection, un mot du c��l��bre sp��cialiste.
?D��s le lendemain, il alla chez ses fournisseurs ordinaires: pas le moindre Ricord.
?Chez ses fournisseurs extraordinaires, pas davantage.
?Desmachins se d��solait, s'impatientait. Car lui, si calme d'habitude, tournait facilement au fauve lorsqu'il s'agissait de sa collection.
?--Pourtant, rugissait-il, il y a des gens qui en ont, de ces autographes!
?--Oui, r��pliquai-je avec douceur, mais ceux qui les d��tiennent sont plus dispos��s �� les enfouir dans les plus intimes replis de leur portefeuille qu'�� en tirer une vanit�� frivole.
?--Tu me donnes une id��e! Puisque Ricord est m��decin, je vais aller le trouver, il me fera une ordonnance qu'il signera, et j'aurai un autographe!
?--C'est ing��nieux, mais malheureusement... ou plut?t heureusement, tu n'es pas malade.
?--J'ai un fort rhume de cerveau.... Tu vois, mon nez coule.
?--Ton nez....
?Je n'achevai pas, ayant toujours eu l'horreur des plaisanteries faciles, mais j'��clairai Desmachins sur le r?le de Ricord dans la soci��t�� contemporaine.
?Huit jours se pass��rent.
?Un matin, Desmachins entra chez moi, pale mais les yeux r��solus.
?--Tu sais, j'y suis d��cid��!
?--�� quoi?
?--�� aller chez Ricord.
?--Mais, encore une fois, tu n'es pas... malade.
?--Je le deviendrai!... Et pr��cis��ment, je viens te demander des d��tails.
?Je crus qu'il plaisantait, mais pas du tout! C'��tait une id��e fixe.
?Alors--et ce sera l'��ternel remords de ma vie--j'eus la faiblesse de lui fournir quelques explications. Je lui conseillai les Folies Berg��re, par exp��rience.
?La semaine d'apr��s, Desmachins m'envoyait un petit bleu ainsi con?u:
??Viens me voir. Je suis au lit. Mais qu'importe! JE L'AI!?
?Les trois derniers mots triomphalement soulign��s.
?Oui, termina tristement le narrateur, il l'avait, et c'est de ?a qu'il est mort?.

Colydor
Son parrain, un maniaque p��pini��riste de Meaux, avait exig�� qu'il s'appelat, comme lui, Polydore. Mais nous, ses amis, consid��rant �� juste titre que ce terme de Polydore ��tait supr��mement ridicule, avions vite affubl�� le brave gar?on du sobriquet de Colydor, beaucoup plus joli, euphonique et suggestif davantage.
Lui, d'ailleurs, ��tait ravi de ce nom, et ses cartes de visite n'en portaient point d'autre. ��galement on pouvait lire en belle gothique Colydor sur la plaque de cuivre de la porte de son petit rez-de-chauss��e, situ�� au cinqui��me ��tage du 327 de la rue de la Source (Auteuil).
Il exigeait seulement qu'on orthographiat son nom ainsi que je l'ai fait: un seul l, un y et pas d'e �� la fin.
Respectons cette inoffensive manie.
Je ne suis pas arriv�� �� mon age sans avoir vu bien des dr?les de corps, mais les plus dr?les de corps qu'il m'a ��t�� donn�� de contempler me semblent une pale gnognotte aupr��s de Colydor.
Quelqu'un, Victor Hugo, je crois, a appel�� Colydor le sympathique chef de l'��cole Loufoque, et il a eu bien raison.
Chaque fois que j'aper?ois Colydor, tout mon ��tre fr��mit d'all��gresse jusque dans ses fibres les plus intimes.
?Bon, me dis-je, voil�� Colydor, je ne vais pas m'emb��ter?.
Pronostic jamais d��?u.
Hier, j'ai re?u la visite de Colydor.
--Regarde-moi bien, m'a dit mon ami, tu ne me trouves rien de chang�� dans la physionomie?
Je contemplai la face de Colydor et rien de sp��cial ne m'apparut;
--Eh bien! mon vieux, reprit-il, tu n'es gu��re physionomiste. Je suis mari��!
--Ah bah!
--Oui, mon bonhomme! Mari��
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