il ��tait perdu; sa vie d��pendait donc du hasard.
Comme la plupart de ceux qui n'ont point eu encore le coeur bris�� par la perte d'une personne aim��e, L��on repoussait l'id��e de la mort pour les siens; que ceux qui nous sont indiff��rents meurent, cela nous para?t tout naturel, non ceux que nous aimons.
Et il aimait son oncle, bien qu'en ces derniers temps, par suite de la rupture survenue entre les deux fr��res, il e?t cess�� de le voir. Pourquoi son oncle et son p��re s'��taient-ils fach��s? Il le savait �� peine. Ils avaient eu de s��rieuses raisons sans doute, aussi bonnes probablement pour l'un que pour l'autre; mais pour lui il n'avait jamais voulu prendre parti dans cette rupture, qui n'avait chang�� en rien les sentiments d'affectueuse tendresse et de respect qu'il avait, d��s son enfance, con?us pour cet oncle si bon, si jeune de coeur, si pr��venant, si indulgent pour les jeunes gens dont il savait se faire le camarade et l'ami avec tant de bonne grace.
Et, entra?n�� par les souvenirs que la lecture de cette lettre venait de r��veiller en lui, il revint �� ce temps de sa jeunesse.
Il retourna �� Rouen et se retrouva dans cette petite maison du quai des Curandiers o�� il avait eu tant de journ��es de gaiet�� et de libert��. Il la revit avec sa parure de plantes grimpantes dont le feuillage jauni par les premiers brouillards de septembre produisait de si curieux effets dans la Seine, quand le soleil couchant les frappait de ses rayons obliques. Devant ses yeux passa tout une flotte de grands navires arrivant de la mer avec le flot; ceux-ci carguant leurs voiles et jetant l'ancre devant l'?le du Petit-Gay; ceux-l�� continuant leur route pour aller s'amarrer au quai de la Bourse.
�� son oreille retentit la voix claire de Madeleine comme au moment o�� surprise par le sifflet d'un remorqueur ou du bateau de La Bouille, elle appelait son cousin pour qu'il v?nt avec elle au bord de la rivi��re; sans l'attendre, elle courait jusqu'�� l'extr��mit�� de la berge, et quand le remous des eaux soulev�� par les roues du vapeur arrivait frang�� d'��cume, elle se sauvait devant cette vague en poussant des petits cris joyeux, ses cheveux dor��s flottant au vent.
Le soir, quelques amis sonnaient �� la porte verte; quand tous ceux qu'on attendait ��taient venus, le p��re prenait son violon, la fille s'asseyait au piano et l'on faisait de la musique. Bien que Madeleine ne f?t encore qu'une enfant, elle chantait, parfois seule, parfois tenant sa partie dans un ensemble o�� se trouvaient de v��ritables artistes aupr��s desquels elle savait se faire applaudir; car elle ��tait d��j�� tr��s-bonne musicienne et sa voix ��tait charmante. Vers dix heures, ces amis s'en allaient, on les reconduisait en suivant la rivi��re dont le courant miroitait sous les reflets de la lune ou du gaz, et on ne les quittait que quand ils s'embarquaient dans un de ces lourds bachots recouverts d'un carrosse �� peu pr��s comme les gondoles de Venise, mais qui, pour le reste, ne ressemblent pas plus aux barques l��g��res de la lagune que le ciel bleu de la reine de l'Adriatique ne ressemble au ciel brumeux de la capitale de la Normandie.
Cette existence modeste et tranquille, dans laquelle les plaisirs intellectuels occupaient une juste place, n'avait rien de la vie affair��e que ses parents menaient �� Paris, et c'��tait justement pour cela qu'elle avait eu tant de charmes pour lui: elle avait ��t�� une r��v��lation et, par suite, un sujet de r��verie et de comparaison; il n'y avait donc pas que l'argent et les affaires en ce monde; on pouvait donc causer d'autre chose que d'��ch��ances et de recouvrements; il y avait donc des p��res qui faisaient passer avant tout l'��ducation de leurs enfants!
De souvenir en souvenir, il en revint aux discussions qui tant de fois s'��taient engag��es entre sa soeur et lui, alors qu'elle l'accompagnait �� Rouen.
Autant il avait de plaisir �� passer quelques semaines dans la maison du quai des Curandiers, autant Camille avait d'ennui; elle la trouvait mis��rablement bourgeoise, cette maisonnette; son mobilier ��tait d��mod��; les gens qui la fr��quentaient ��taient vulgaires, communs, sans nom; Madeleine s'habillait mesquinement, le blond de ses cheveux ��tait fade, ses mani��res ne seraient jamais nobles. Que le mobilier f?t d��mod��, il avouait cela; mais les tableaux, les dessins, les gravures, les objets d'art, sculptures, fa?ences, antiquit��s, curiosit��s qui couvraient les murs, n'��taient-ils pas d'une tout autre importance que des fauteuils ou des tables? Que Madeleine s'habillat sans coquetterie, il le conc��dait encore, mais non que ses mani��res ne fussent pas nobles: Pas noble, Madeleine! Mais en v��rit�� elle ��tait la noblesse m��me, ayant re?u sa distinction de race de sa m��re, qui descendait des conqu��rants normands, ainsi que le prouvait d ailleurs son nom de Valletot, venant

Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.