avait prodigalité à 
endommager la plante des pieds d'un nègre, les blessures le rendant 
impropre au travail pendant trois mois, ce fut sur une autre partie du 
corps qu'il lui appliqua les cent coups. 
Les nègres ont cette partie du corps, que nous ne nommerons pas, fort 
sensible, à ce qu'il paraît; la punition fut donc encore plus douloureuse 
à l'enfant que la première; si douloureuse, qu'au risque de ce qui 
pourrait lui arriver, le lendemain de la punition, il s'enfuit de la maison 
et se réfugia chez l'oncle de son maître. 
L'oncle était un brave homme, qui garda le fugitif jusqu'à ce qu'il fût 
guéri, c'est-à-dire environ un mois. 
Au bout d'un mois, il lui annonça qu'il pouvait rentrer chez son maître. 
Çelui-ci avait juré qu'il ne lui serait rien fait, et même il avait poussé la 
déférence pour son oncle jusqu'à lui promettre que son protégé serait 
vendu dans les vingt-quatre heures. 
Or, la promesse de cette vente était une bonne nouvelle pour le 
malheureux enfant. Il ne croyait pas, à quelque maître qu'on le vendît, 
qu'il pût rien perdre à changer de condition. 
En effet, aucune punition ne fut appliquée au fugitif, et, le lendemain, 
un homme jaune étant venu et l'ayant examiné avec un soin méticuleux, 
après quelques débats, le prix fut arrêté à mille piastres turques, 
c'est-à-dire à deux cents francs, à peu près. Les mille piastres furent 
comptées et l'homme jaune emmena l'enfant. 
Celui-ci suivit sans défiance son nouveau maître, qui demeurait dans un 
quartier éloigné de la ville; ou plutôt à un jet de flèche de la dernière
maison de la ville. 
Cependant, arrivé à-la maison, une certaine répugnance instinctive le 
tirait en arrière; mais son maître lui envoya un vigoureux coup de pied, 
dans une partie encore mal cicatrisée. L'enfant poussa un cri et entra 
dans la maison. 
Il lui sembla que des cris plaintifs répondaient à son cri. 
Il regarda derrière lui si la porte était encore ouverte. La porte était 
fermée et la barre déjà mise. 
Il se prit à trembler de tous ses membres. 
Les cris qu'il avait cru entendre devenaient plus distincts. 
Il n'y avait pas à en douter, on infligeait un supplice quelconque à un ou 
plusieurs individus. 
Son nouveau maître, au frisson qui parcourait son corps et au 
claquement de ses dents, devina ce qui se passait en lui. 
Il le prit par le bras et le poussa dans la chambre d'où partaient les cris. 
Une douzaine d'enfants de six à sept ans étaient attachés sur des 
planches comme des pigeons à la crapaudine; le barbier qui avait déjà 
ouvert la plante des pieds du pauvre petit esclave était là, son rasoir 
ensanglanté à la main. 
Le négociant chrétien avait tenu, parole à son oncle: il avait, comme il 
le lui avait promis, vendu son esclave; seulement, il l'avait vendu à un 
marchand d'eunuques! 
En jetant les yeux autour de lui, en voyant le sort qui lui était réservé, 
l'enfant se trouva mal. 
Le barbier jugea la disposition mauvaise pour faire l'opération, et il 
invita le négociant en chair humaine à la remettre au lendemain. 
Le maître, qui craignait de perdre les mille piastres, y consentit. 
Il lâcha l'enfant, qui tomba à terre évanoui. 
L'enfant était tombé près de la porte. 
Quand il revint à lui, il conserva l'immobilité de l'évanouissement. 
Il espérait que cette porte s'ouvrirait, et que, par cette porte, il pourrait 
fuir. 
Il avait remarqué un escalier éclairé par le haut; il calcula que cet 
escalier devait donner sur une terrasse. 
La porte s'ouvrit; l'enfant ne fit qu'un bond, gagna l'escalier, monta les 
degrés quatre à quatre, gagna la terrasse élevée de quinze ou dix-huit 
pieds, sauta de la terrasse à terre, et, avec la rapidité du vent, se dirigea
vers la ville. 
Son maître l'avait poursuivi; mais il n'osa faire le même saut que lui. Il 
fut obligé de descendre et de le poursuivre par la porte. 
Pendant ce temps, le fugitif avait gagné plus de deux cents pas. 
Son maître était résolu à le rattraper; lui, tenait à ne pas se laisser 
reprendre. 
Au reste, sa course avait un but: il s'enfuyait du côté du consulat 
français. 
Le beau nom, que le nom de France, qui, quelque part qu'il soit 
prononcé, signifie liberté! 
L'enfant se précipita haletant dans la cour. 
Aveuglé par son avarice, le marchand d'eunuques l'y suivit. 
Or, de même que le pape Grégoire XVI a rendu un décret qui défend de 
faire des castrats à Rome, Méhémet-Ali a rendu un décret qui défend de 
faire des eunuques dans ses États. 
L'enfant n'eut donc qu'à dire à quel péril il venait d'échapper pour que 
Delaporte, qui par hasard voyageait dans la haute Égypte et se trouvait 
chez son collègue de Kenneh, le prît sous sa protection. 
D'abord, et avant tout, il    
    
		
	
	
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