trouver Abbas-Pacha; et, comme s'il ignorait l'arrivée du 
malencontreux animal à Boulacq, il annonça au pacha qu'il venait de 
recevoir des nouvelles du gouvernement français, lequel, éprouvant le 
besoin d'avoir au Jardin des Plantes un hippopotame mâle, faisait 
demander au consul s'il n'y aurait pas moyen de se procurer au Caire un 
animal de ce sexe et de cette espèce. 
Vous comprenez... 
Abbas-Pacha trouvait le placement de son hippopotame, et était en 
même temps agréable à un gouvernement allié. 
Il n'y avait pas moyen de faire donner la bastonnade à des gens qui 
avaient été au-devant des désirs du consul d'une des grandes puissances 
européennes. 
D'ailleurs, la question était presque résolue: en vertu de l'entente 
cordiale qui existait entre les deux gouvernements, il était évident qu'à 
un moment donné, ou la France prêterait son hippopotame mâle à 
l'Angleterre, ou l'Angleterre prêterait son hippopotame femelle à la 
France. 
Delaporte remercia Abbas-Pacha en son nom et au nom de Geoffroy 
Saint-Hilaire, donna une magnifique prime aux quatre pêcheurs, et 
s'occupa du transport en France de sa ménagerie. 
D'abord, il crut la chose facile: il pensait avoir _l'Albatros_ à sa 
disposition; mais _l'Albatros_ reçut l'ordre de faire voile pour je ne sais 
plus quel port de l'Archipel. 
Force fut à Delaporte de traiter avec un bateau à vapeur des 
Messageries impériales. 
Ce fut une grande affaire: l'hippopotame avait quelque chose comme 
cinq ou six mois; il avait énormément profité; il pesait trois ou quatre 
cents, exigeait un bassin d'une quinzaine de pieds de diamètre. 
On lui fit confectionner le susdit bassin, qui fût aménagé à l'avant du 
bâtiment; on transporta à bord cent tonnes d'eau du Nil afin qu'il eût 
toujours un bain doux et frais; en outre, on embarqua quarante chèvres, 
pour subvenir à sa nourriture. 
Quatre Arabes, un pêcheur, un preneur de lions, un preneur de girafes 
et un preneur de singes furent embarqués avec les animaux qu'ils 
avaient amenés. 
Le tout arriva en seize jours à Marseille.
Il va sans dire que Delaporte n'avait pas perdu de vue un instant sa 
première cargaison. 
À Marseille, il mit sur des trues appropriés à cette destination 
l'hippopotame et sa suite. 
Les trente, quadrupèdes, dont vingt quadrumanes, arrivèrent à Paris 
aussi heureusement qu'ils étaient arrivés à Marseille. 
À leur arrivée j'allai leur faire visite. Grâce à Delaporte je fus admis à 
l'honneur de saluer les lions, de présenter mes respects à l'hippopotame, 
de caresser les antilopes, de passer entre les jambes des girafes, et 
d'offrir des noix et des pommes aux singes. 
Le domestique de Delaporte, qui était le favori de tous ces animaux, 
semblait jaloux de me voir ainsi fraterniser avec eux. 
À propos, laissez-moi vous dire un seul petit mot du domestique de 
Delaporte. 
C'est un magnifique enfant du Darfour, noir comme un charbon et qui a 
déjà l'air d'un homme, quoiqu'il n'ait, selon toute probabilité, que onze 
ou douze ans. Je dis _selon toute probabilité_, parce qu'il n'y a pas 
d'exemple qu'un nègre sache son âge. Celui-là... Pardon, j'oubliais de 
vous dire son nom. Il se nomme Abailard. En outre,--chose assez 
commune, au reste, d'un nègre à l'égard de son maître,--il appelle 
Delaporte papa. 
Vous allez voir pourquoi il se nomme Abailard et appelle Delaporte 
papa. 
Abailard, qui, en ce temps-là, n'avait pas encore de nom, ou qui en 
avait un dont il ne se souvient plus, fut fait prisonnier, avec sa mère, 
par une tribu en guerre avec la sienne. 
Sa mère avait quatorze ans, et lui en avait deux. 
On les sépara et on les vendit. 
La mère fut vendue à un Turc, l'enfant à un négociant chrétien. 
Nul ne sait ce que devint la mère. 
Quant à l'enfant, son maître habitait Kenneh; il vint à Kenneh avec son 
maître. 
Nous avons dit que son maître était négociant; mais nous avons oublié 
de spécifier l'objet de son commerce. 
Il vendait des étoffes. 
Un jour, il s'aperçut qu'une pièce d'étoffe lui manquait, et il soupçonna 
le pauvre petit, alors âgé de six ans, de l'avoir volée.
Le procès est vite fait dans toute l'Égypte, et dans la haute Égypte 
surtout, entre un maître et un esclave. 
Le marchand d'étoffes coucha l'enfant sur le dos, lui passa les jambes 
dans des entraves et lui appliqua lui-même, afin d'être sûr qu'il n'y 
aurait point de tricherie, cinquante coups de bâton sous la plante des 
pieds. 
Puis, comme le sang s'y était naturellement amassé et que l'on craignait 
des abcès, qui se terminent souvent par la gangrène, on fit venir un 
barbier qui entailla chaque plante des pieds de deux ou trois coups de 
rasoir, lesquels permirent au sang de s'épancher. 
L'enfant fut un mois sans pouvoir marcher et boita deux mois. 
Au bout de ces trois mois, le malheur voulut qu'il cassât une soupière. 
Cette fois, comme le négociant avait reconnu qu'il y    
    
		
	
	
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