parents. 
Parmi ces derniers il y avait une famille tout récemment arrivée de 
France et qui accepta très-volontiers la pressante invitation que lui fit 
M. de Courval d'aller passer une partie de l'été avec lui. Monsieur et 
madame Lubois vinrent donc, amenant avec eux deux jeunes enfants, 
âgés respectivement de sept et neuf ans, ainsi que leur gouvernante. 
Cette dernière, Geneviève Audet, était une jeune fille de frêle 
apparence, aux traits délicats et aux manières timides, possédant une 
éducation suffisante pour l'humble poste que'elle occupait, mais en 
réalité n'ayant pas de grandes connaissances en dehors de cette sphère. 
Elle était un cousine éloignée sans fortune de la famille avec laquelle 
elle vivait, et ainsi que cela arrive souvent, ces liens de la parenté 
vis-à-vis d'elle. ON ignorait généralement ce fait, pendant 
qu'elle-même n'y faisait pas souvent allusion; cela cependant 
l'empêchait de chercher à se faire une position meilleure en demandant 
de l'emploi dans d'autres familles, parce que agir ainsi aurait été jeter 
du discrédit sur cette parenté qui était pour elle un honneur si stérile.
Paul Durand allait souvent chez M. de Courval, partie parce que, 
ayant ensemble acheté à un prix nominal une vaste étendue de terrains 
marécageux qu'ils étaient en train d'utiliser par l'assèchement, ils 
avaient en commun quelques intérêts, et partie parce que ses visites 
offraient une source de jouissances réelles à M. de Courval qui était en 
théorie aussi bon agriculteur que Durand dans la pratique et qui 
prenait un véritable plaisir à causer de moissons, d'assèchements, de 
tout ce qui concerne une ferme, avec quelqu'un dont les succès dans ces 
spécialités étaient une preuve frappante de la justesse de ses propres 
opinions. Quand il venait au Manoir, s'il arrivait que le seigneur eut 
alors des visiteurs, tous deux se rendaient dans la chambre qui servait 
au double usage de bibliothèque et de bureau, et là ils causaient à 
l'aise en fumant l'excellent tabac de M. de Courval. 
Celui-ci aurait volontiers présenté Paul à ses amis les plus distingués, 
car il l'estimait et le respectait; mais Durand évitait naturellement une 
société où les conversations portaient sur des sujets de la ville qui lui 
étaient parfaitement étrangers, et dont ceux qui y prenaient part 
avaient quelque peine à cacher l'espèce de mépris qu'ils éprouvaient à 
l'égard de sa position sociale. 
Dans ses allées et venues il lui arrivait souvent de rencontrer 
Geneviève Audet avec ses petits élèves et quelquefois il était peiné, 
d'autres fois irrité en voyant l'espèce de tyrannie que ces enfants gâtés 
et rebelles paraissaient exercer sur leur infortunée gouvernante. 
Simple et droit en toutes choses, il communiqua un jour ses impressions 
à ce sujet à M. de Courval, et sans remarquer l'éclair de plaisir qui 
rayonna tout-à-coup dans les yeux de ce monsieur, il se prit à écouter 
placidement l'éloquent panégyrique qu'il lui fit des vertus de 
mademoiselle Audet, en accompagnant ces éloges de quelques 
touchantes allusions aux épreuves et aux peines qui de fait 
l'accablaient; puis, M. de Courval l'invita à aller visiter avec lui ses 
magnifiques betteraves à vaches. Soit hasard ou autrement, ils 
s'avancèrent vers l'endroit où Geneviève, assise sous un érable dont les 
larges branches fournissaient beaucoup d'ombre, engageait ses élèves 
indociles à apprendre que le Canada n'était pas en Afrique, ainsi qu'ils 
persistaient à le dire. Quoi de plus naturel qu'il présentât son
compagnon à la gouvernante? C'est ce qu'il fit; et pendant que ces 
deux derniers changeaient ensemble quelques paroles, il se mit à 
cajoler les enfants qui l'accablèrent aussitôt de leurs babils enfantins. 
Les manières de Geneviève n'avaient que peu de cette vivacité qui 
caractérise généralement les Françaises, et la triste expérience dont sa 
jeune existence était remplie avait imprimé à son langage un ton 
réservé, presque froid. Cependant, Paul se sentit singulièrement attiré 
vers elle. Elle était si délicate, elle avait l'air si faible, et en réalité elle 
était si désolée, si malheureuse, qu'il ne put s'empêcher de ressentir 
cette espèce d'impulsion intérieure qui possède les hommes de coeur en 
présence de la faiblesse opprimée et qui les pousse à la protéger et à la 
secourir. 
L'entrevue avait duré plus longtemps qu'il avait cru, tant elle avait été 
intéressante; et ce ne fut pas la dernière, car deux jours après M. de 
Courval le fit mander pour examiner un légume monstre sous la forme 
d'un énorme navet, capable de remporter le prix, non seulement par sa 
grosseur, mais encore pour sa difformité et son infériorité au double 
point de vue du goût et des qualités nutritives. Ils examinèrent donc la 
curiosité et firent sur son compte toutes sortes de commentaires; puis 
en causant, ils se promenèrent. M. de Courval ayant soin de diriger les 
pas précisément au même endroit où se trouvait mademoiselle Audet, 
comme la première fois. Le bon seigneur se mit encore à amuser les 
enfants,    
    
		
	
	
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