armoire vitrée où brillaient des verres et des tasses; un 
coucou suspendu au mur; trois ou quatre estampes coloriées, 
représentant l'histoire de l'Enfant Prodigue; une dizaine de livres usés 
(probablement de vieux livres de classe); sur la tablette de la cheminée 
un petit crucifix entre deux perroquets de plâtre; dans un coin un 
carreau à faire de la dentelle, et beaucoup d'autres choses encore qu'on 
trouve dans presque toutes les maisons de paysans ou d'artisans qui ne 
sont pas dans la misère. 
Une porte latérale donnait accès de plain-pied à la chambre à coucher
du vieux charpentier Jean Wouters. A côté du lit très propre pendaient 
quelques vêtements d'homme très soignés--ses habits du dimanche, 
sans doute--sur lesquels tranchait désagréablement un chapeau roux, 
déteint et bossué. Dans un coin on voyait un bac en bois contenant une 
couple de rabots, quelques ciseaux, un maillet et un marteau et une scie 
à main. 
La fille du charpentier, qui était veuve, dormait probablement avec son 
unique enfant, une fille, dans une petite chambre sous le toit; car, 
hormis la laverie et l'étable, il n'y avait pas d'autre pièce dans la maison. 
Cette humble demeure de travailleur devint, dans le cours de cette 
année 1865, le théâtre de certains événements qui valent peut-être la 
peine qu'on les raconte. 
Un jour du commencement de mai, à la tombée de la nuit, une femme 
était occupée à préparer le repas du soir sur le petit poêle. Cette 
occupation n'exigeait pas une grande tension d'esprit; car le fricot 
qu'elle remuait ne consistait qu'en quelques pommes de terre avec des 
morceaux de lard, restes du repas précédent. 
Cette femme pouvait être âgée de quarante-cinq ans. Son visage pâle et 
ses joues creuses lui donnaient une apparence maladive. 
Des idées sérieuses devaient préoccuper son esprit; car, par moments, 
elle oubliait de remuer sa cuiller et secouait la tête d'un air pensif. 
Pendant ce temps on entendait résonner au fond de la maison la voix 
fraîche d'une jeune fille qui accompagnait le grondement de sa baratte 
d'une chanson au rythme vif et sautillant et, quoique la vache mêlât 
constamment au refrain joyeux de la chanson la dissonnance de ses 
beuglements, la jeune fille ne se laissa pas troubler dans l'épanchement 
de sa gaieté. 
A la fin la chanson joyeuse avait cessé de résonner dans la laverie et 
l'on n'y entendait plus que le bruit d'un tonneau que l'on déplaçait avec 
effort.
--Pour l'amour de Dieu, Lina, cesse maintenant, cria la femme. Tu as 
travaillé toute la journée au jardin et voilà que tu continues à trimer 
sans relâche dans l'obscurité. 
--Tout de suite, mère, répondit la voix. Le beurre est fait, je vais 
m'essuyer les mains. 
Un instant après la jeune fille entra dans la pièce. 
--Lina, Lina, pourquoi n'écoutes-tu pas mon conseil? dit la femme avec 
un accent de reproche. Depuis ce matin tu retournes la terre et tu traînes 
la brouette comme un journalier. Ce n'est pourtant pas là un ouvrage 
pour une jeune fille telle que toi. 
--Mais, ma mère, si je ne le fais pas, qui est-ce qui le fera? Vous devez 
vous soigner pour le ménage, et d'ailleurs, quand même le bon Dieu 
exaucerait mes prières et vous procurerait la guérison, vous êtes encore 
trop faible, ma chère mère... Grand-père, n'est-ce pas? Avant d'aller à 
son ouvrage de tous les jours ou après en être revenu. Je ne veux pas 
qu'il s'échine encore comme un esclave après avoir travaillé toute la 
sainte journée. 
--Grand-père est un homme et il est encore robuste, mon enfant. En 
retournant tous les jours un peu la terre, il en aurait fini en peu de temps 
sans trop se fatiguer. Ne t'a-t-il pas dit qu'il terminerait cette semaine le 
travail du jardin et que tu ne dois pas y mettre la main? 
--Oui, je le sais bien, dit Lina en riant. Mais ce qui est fini, grand-père 
ne le recommencera pas. 
--Enfant, enfant, tu te fatigueras à travailler, soupira la femme. Et si tu 
savais combien c'est pénible d'être malade. 
--Eh bien, chère mère, travailler est sain, dit Lina. Quand je puis me 
remuer ainsi toute la journée, je me sens heureuse, et il me semble que 
je danserais de contentement. Venez, je vais vous aider à couvrir la 
table.
Caroline Wouters était encore très jeune et n'était ni très grande ni très 
forte; mais ses joues rondes et fleuries, et ses bras musculeux, l'air de 
santé que présentait toute sa personne étaient bien en harmonie avec 
l'idée de courage et d'énergie qu'exprimaient ses paroles. Elle avait la 
bouche remarquablement petite, le sourire ouvert, l'air ingénu, et toute 
sa personne respirait un parfum de fraîcheur virginale. 
--Grand-père reste longtemps dehors aujourd'hui, dit-elle. Il sera allé, 
sans doute, chez Coba, le jardinier, chercher des échalas pour les pois. 
Voulez-vous que j'aille l'appeler? 
--Je comprends    
    
		
	
	
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