Souvenirs de voyage | Page 3

M. et Mme Mercier-Thoinnet
d'urbanité et de bon ton. La prétendue Église Française, le
Saint-Simonisme s'élèvent... à peine s'ils trouvent un peu de
retentissement et quelques échos. La pompe religieuse est moins dans
nos moeurs; les arguments théologiques ne sont plus accompagnés du
glaive, le Mahométisme lui-même ne fait plus de prosélytes avec le
cimeterre. L'hypocrisie, le fanatisme disparaissent pour faire place à

l'amour de Dieu et du prochain, qui a fait surgir cette belle pensée:
«Je crains Dieu, cher Abner, et n'ai point d'autre crainte.»
Nous nous arrêtons à Rochefort, jolie ville bâtie sur la rive droite de la
Charente, un des cinq grands ports militaires de France. Les maisons
sont élégantes et simples, les rues bien pavées, larges et coupées à
angles droits. L'hôpital peut rivaliser avec celui, de Plymouth. Les
chantiers de construction, les bassins de carénage; la corderie, le bagne
dans l'arsenal sont fort curieux à voir. Les remparts forment une jolie
promenade ainsi que le Cours d'Ablois.
Les femmes portent sur le cou des vases d'eau parlé moyen d'un levier,
et leurs coëffes, modestement canoniques descendent à triple étage
comme le menton trinitaire des chanoines de Boileau. Dans les
campagnes de la Charente, on voit beaucoup de moutons mérinos dont
la laine est si précieuse; mais je ne pense pas qu'on en retire plus de
profit que de ceux des bords de la Loire.
Nous voyons Saintes, remarquable par des antiquités qui intéressent
l'archéologue, surtout par des arènes en ruines, à droite de
Saint-Eutrope, inférieures à celles de Nîmes. Saintes est une ville fort
curieuse et fort commerçante; vingt-cinq voitures publiques y passent
chaque jour; tout y est en abondance: il y a du vin rouge à vingt francs
la barrique.
L'arc de triomphe est sur le pont de la Charente avec des inscriptions à
Germanicus Tibère, etc.
À quelque distance de Saintes, se trouvent les restes d'un ancien temple
païen.
Nous voulons explorer l'embouchure de la Gironde; nous arrivons à
Blaye, si célèbre par une illustre captive. Sur la terrasse de la forteresse,
on avait dressé un pavillon chinois, où la Duchesse de Berri pouvait
jouir de l'aspect de la mer; là, l'oeil s'étend au loin sur Lesparre, Pouliac,
Plassac, Château de Barbe, Laroch, Médoc, Château Margo, etc.

Le marché offre de l'intérêt et de la variété. Il y a un bassin où les
femmes, pour laver, se mettent dans des espèces de boîtes; un beau
pont au bout d'une jolie promenade nouvellement plantée, s'élève en
forme d'embarcadaire pour les bateaux à vapeur.
Près Barbe, sur la rive droite, quantité de maisons sont taillées dans le
roc; les sites en sont enchanteurs; ce sont des bois de chênes verts; cette
côte me paraît égaler en beauté la Tourraine. On découvre des
excavations de pierres à bâtir, des bancs de sable, des groupes de jolies
maisons couvertes en tuiles et fort commerçantes, et l'on y voit même
des canons laissés du temps des invasions des Sarrasins.
La côte de Médoc, située sur la rive gauche, se prolonge jusqu'à
Bordeaux: des collines parsemées des plus charmantes habitations et
qu'ombragent une foule de bosquets, offrent une perspective tout à fait
pittoresque.
Partout on aperçoit des vaches bretonnes pas plus grosses que des
chèvres, très-estimées et d'un bon produit.
Les malheureux ont pour ressource de se creuser des logements dans le
tuf;
«Et dans le roc qui cède et se coupe aisément, Chacun peut de sa main
creuser son logement.»
Après le rocher de pain de sucre, vient la tête de Buch. Voici l'endroit
où la Garonne et la Dordogne mêlent leurs eaux et forment la Gironde,
ou plutôt la Gironde est séparée en deux par le bec d'Ambez, pour
former d'un côté la Dordogne, et de l'autre la Garonne. Le site
n'approche pas des beautés de la Dordogne, qui possède Sainte-Croix,
d'où sort le vin de la plus haute réputation, Bergerac, Saint-Émilion.
En approchant de Bordeaux, on voit le château de M. de Peyronnet, la
maison de M. Cheniau, constructeur, sur le Mont Ferrand, et la maison
de M. Ferrière, près de laquelle, comme par enchantement, est un
bassin qui enlève les navires.

CHAPITRE II.
De Bordeaux au Canal du Languedoc.
Sitôt débarqués à Bordeaux, des commissionnaires nous présentent des
cartes de traiteurs, et nous invitent à les suivre: nous sommes ainsi
harcelés par ce nouveau genre de Cosaques jusqu'à notre hôtel, rue
Saint-Remi, n.° 14, chez Mme Fonteneau, où nous nous trouvâmes très
bien pendant notre séjour.
Nous n'avons pu nous lasser d'admirer les allées de Tourny, les plus
jolies promenades de la ville: les Quinquonces élevés sur les débris du
Château Trompette, qui aboutissent d'un côté au Jardin public, et de
l'autre aux bords de la Garonne; partout sont de belles maisons. Les
rues Saint-Remi, Sainte-Catherine, le Chapeau-Rouge sont magnifiques.
Le pont Saint-Esprit, qui conduit à la Bastide, est un des plus
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