Othello | Page 2

William Shakespeare
Disd��mona d'adult��re aupr��s de son mari, et de faire croire �� ce dernier que l'officier ��tait son complice... Cela ��tait difficile, et il fallait une occasion... Peu de temps apr��s, l'officier ayant frapp�� de son ��p��e un soldat en sentinelle, le More lui ?ta son emploi. Disd��mona en fut afflig��e et chercha plusieurs fois �� le r��concilier avec son mari. Le More dit un jour �� l'enseigne que sa femme le tourmentait tellement pour l'officier qu'il finirait par le reprendre.--Peut-��tre, dit le perfide, que Disd��mona a ses raisons pour le voir avec plaisir.--Et pourquoi, reprit le More?--Je ne veux pas mettre la main entre le mari et la femme; mais si vous tenez vos yeux ouverts, vous verrez vous-m��me.--Et quelques efforts que f?t le More, il ne voulut pas en dire davantage[1].?
[Note 1: _Hecatommythi ovvero cento novelle di G.-B. Giraldi Cinthio_ part. I, d��cad. III, nov. 7, pages 313-321; ��dition de Venise, 1508.]
Le romancier continue et raconte toutes les pratiques du perfide enseigne pour convaincre Othello de l'infid��lit�� de Desd��mona. Il n'est pas, dans la trag��die de Shakspeare, un d��tail qui ne se retrouve dans la nouvelle de Cinthio: le mouchoir de Desd��mona, ce mouchoir pr��cieux que le More tenait de sa m��re, et qu'il avait donn�� �� sa femme pendant leurs premi��res amours; la mani��re dont l'enseigne s'en empare, et le fait trouver chez l'officier qu'il veut perdre; l'insistance du More aupr��s de Desd��mona pour ravoir ce mouchoir, et le trouble o�� la jette sa perte; la conversation artificieuse de l'enseigne avec l'officier, �� laquelle assiste de loin le More, et o�� il croit entendre tout ce qu'il craint; le complot du More tromp�� et du sc��l��rat qui l'abuse pour assassiner l'officier; le coup que l'enseigne porte par derri��re �� celui-ci, et qui lui casse la jambe; enfin tous les faits, consid��rables ou non, sur lesquels reposent successivement toutes les sc��nes de la pi��ce, ont ��t�� fournis au po?te par le romancier, qui en avait sans doute ajout�� un grand nombre �� la tradition historique qu'il avait recueillie. Le d��no?ment seul diff��re; dans la nouvelle, le More et l'enseigne assomment ensemble Desd��mona pendant la nuit, font ��crouler ensuite sur le lit o�� elle dormait le plafond de la chambre, et disent qu'elle a ��t�� ��cras��e par cet accident. On en ignore quelque temps la vraie cause. Bient?t le More prend l'enseigne en aversion, et le renvoie de son arm��e. Une autre aventure porte l'enseigne, de retour �� Venise, �� accuser le More du meurtre de sa femme. Ramen�� �� Venise, le More est mis �� la question et nie tout; il est banni, et les parents de Desd��mona le font assassiner dans son exil. Un nouveau crime fait arr��ter l'enseigne, et il meurt bris�� par les tortures. ?La femme de l'enseigne, dit Giraldi Cinthio, qui avait tout su, a tout rapport��, depuis la mort de son mari, comme je viens de le raconter.?
Il est clair que ce d��no?ment ne pouvait convenir �� la sc��ne; Shakspeare l'a chang�� parce qu'il le fallait absolument. Du reste il a tout conserv��, tout reproduit; et non-seulement il n'a rien omis, mais il n'a rien ajout��; il semble n'avoir attach�� aux faits m��mes presque aucune importance; il les a pris comme ils se sont offerts, sans se donner la peine d'inventer le moindre ressort, d'alt��rer le plus petit incident.
Il a tout cr���� cependant; car, dans ces faits si exactement emprunt��s �� autrui, il a mis la vie qui n'y ��tait point. Le r��cit de Giraldi Cinthio est complet; rien de ce qui semble essentiel �� l'int��r��t d'une narration n'y manque; situations, incidents, d��veloppement progressif de l'��v��nement principal, cette construction, pour ainsi dire ext��rieure et mat��rielle, d'une aventure path��tique et singuli��re, s'y rencontre toute dress��e; quelques-unes des conversations ne sont m��me pas d��pourvues d'une simplicit�� na?ve et touchante. Mais le g��nie qui, �� cette sc��ne, fournit des acteurs, qui cr��e des individus, impose �� chacun d'eux une figure, un caract��re, qui fait voir leurs actions, entendre leurs paroles, pressentir leurs pens��es, p��n��trer leur sentiments; cette puissance vivifiante qui ordonne aux faits de se lever, de marcher, de se d��ployer, de s'accomplir; ce souffle cr��ateur qui, se r��pandant sur le pass��, le ressuscite et le remplit en quelque sorte d'une vie pr��sente et imp��rissable; c'est l�� ce que Shakspeare poss��dait seul; et c'est avec quoi, d'une nouvelle oubli��e, il a fait Othello.
Tout subsiste en effet et tout est chang��. Ce n'est plus un More, un officier, un enseigne, une femme, victime de la jalousie et de la trahison. C'est Othello, Cassio, Jago, Desd��mona, ��tres r��els et vivants, qui ne ressemblent �� aucun autre, qui se pr��sentent en chair et en os devant le spectateur, enlac��s tous dans les liens d'une situation commune, emport��s tous par le m��me ��v��nement, mais ayant chacun sa nature personnelle, sa physionomie
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