Niels Henrik Abel | Page 3

G. Mittag-Leffler
d'Abel à l'université, et pour lequel il
manifesta toujours une amitié attentive, devint prêtre comme le père et
le grand- père, et laissa une descendance nombreuse. Lui aussi paraît
avoir été, dès l'enfance, adonné à la boisson. Outre les quatre frères, il y
avait encore une soeur, Elisabeth, tendrement aimée de ce frère illustre,
dont l'affectueuse sollicitude réussit à la sauver de la malheureuse
maison paternelle, et à l'introduire de bonne heure dans un milieu d'une
toute autre tenue morale. On célèbre sa beauté, son intelligence, et la
noblesse de son caractère. Quatre ans après la mort d'Abel elle épousa
le directeur de mines d'argent Boebert; sa fille, Thekla Lange, veuve
d'un homme politique, qui fut ministre, vit encore aujourd'hui. John
Aas, successeur du père d'Abel dans sa paroisse, fit graver sur la croix
de sa tombe:
Arrête-toi ici, voyageur, que cette tombe te rappelle Que parfois le
sourire du bonheur finit en larmes. Bien que la vie se fût levée douce
comme le soleil, Soupirs et pleurs en furent le dernier destin.
Sur ce fond lamentable se dessinent l'enfance et la première jeunesse

d'Abel. Il était le second des six enfants et naquit le 5 août 1802. Il
reçut le premier enseignement de son père, chez lui, mais fut mis en
novembre 1815, à l'âge de treize ans, à l'école cathédrale de Kristiania.
L'école était assez médiocre, et les professeurs en général relâchés et
abrutis par l'alcool. Le professeur de mathématiques alla un jour si loin
en punissant un élève que celui-ci en mourut. Le professeur fut aussitôt
suspendu, et à sa place fut nommé professeur de mathématiques un
jeune homme, Berndt Michael Holmboe, né en 1795, qui n'avait que
sept ans de plus qu'Abel. Sans avoir été lui-même un mathématicien
d'un sérieux mérite, Holmboe s'est acquis à tout jamais une place
glorieuse dans les fastes mathématiques, comme celui qui le premier à
découvert le génie d'Abel, et a été son premier protecteur. Holmboe eut
l'honneur impérissable de savoir attirer l'attention d'Abel sur les auteurs
vraiment classiques, en sorte que, sous son influence, Euler fut le
premier maître d'Abel, comme déjà il avait été celui de Gauss. Abel
serait certes parvenu aussi loin, quel qu'eût été son point de départ,
mais sa vie ayant été si courte, il était de la plus grande importance qu'il
entrât de bonne heure en rapport avec les problèmes de la science, et
non des livres d'enseignement. Les secs procès-verbaux d'examen de
l'école cathédrale donnent la preuve touchante de l'idée qu'Holmboe se
faisait de son grand élève. Ainsi en 1820 il a écrit sur Abel: « Au génie
le plus remarquable il joint un goût et une ardeur insatiables pour les
mathématiques, et certainement il deviendra, s'il vit, un grand
mathématicien. » Au lieu des trois derniers mots, il y avait
primitivement « le plus grand mathématicien du monde », lesquels
mots ont été grattés. Les autres professeurs n'ont pas été aussi
enthousiastes, bien que les capacités d'Abel se fissent sentir dans toutes
les branches. Le goût, du moins, n'y était pas au même degré. Le
professeur de latin Riddervold, qui devint plus tard un homme politique
notoire, trouva un jour sur son pupître cette note: « Riddervold croit
que j'ai écrit ma composition latine, il se trompe pas mal. Abel. »
Lorsqu'en juillet 1821 Abel passa l'examen d'étudiant, il était comme
mathématicien au courant de l'éducation scientifique de son temps.
Mais il était absolument sans ressources. Le père était mort depuis 1820,
et la mère n'avait rien à donner. La réputation d'Abel à l'école l'avait
heureusement précédé à l'université, et dès septembre 1821 il obtint une

place gratuite à la fondation universitaire de Regentsen, mais, est-il dit
dans une note du collège académique, comme ce secours ne pouvait pas
être suffisant pour un jeune homme qui manquait de tout, quelques
professeurs de l'université s'étaient concertés pour lui procurer à leurs
frais une subvention plus complète, et ainsi « conserver à la science ses
rares dispositions pour la science, attention dont son assiduité au travail
et ses bonnes moeurs le rendaient d'autant plus digne ».
Bien que des paroles de regret aient été prononcées en Norvège sur le
peu d'encouragements qu'Abel aurait reçus de son pays, il me semble
que cela est très exagéré. La Norvège se trouvait à un moment difficile,
particulièrement sous le rapport économique, mais nous verrons
combien, malgré cela, Abel a cependant constamment trouvé, pendant
sa courte vie, des aides qui surent le délivrer des soucis les plus graves.
Ce sera toujours l'honneur de ces aides que, sans comprendre l'oeuvre
d'Abel -- car il n'y a guère qu'Holmboe qui l'ait comprise, et même lui,
très incomplètement -- ils comprirent du moins son génie, et firent de
leur mieux pour le conserver à la science et à la patrie.
La subvention qu'Abel reçut
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