Les mille et une nuits | Page 4

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ces noirs, et c'est un détail qu'il n'est pas besoin de faire; il suffit de dire que Schahzenan en vit assez pour juger que son frère n'était pas moins à plaindre que lui. Les plaisirs de cette troupe amoureuse durèrent jusqu'à minuit. Ils se baignèrent tous ensemble dans une grande pièce d'eau qui faisait un des plus beaux ornements du jardin; après quoi, ayant repris leurs habits, ils rentrèrent par la porte secrète dans le palais du sultan; et Masoud, qui était venu de dehors par-dessus la muraille du jardin, s'en retourna par le même endroit.
Comme toutes ces choses s'étaient passées sous les yeux du roi de la Grande Tartarie, elles lui donnèrent lieu de faire une infinité de réflexions: ?Que j'avais peu raison, disait-il, de croire que mon malheur était si singulier! C'est sans doute l'inévitable destinée de tous les maris, puisque le sultan mon frère, le souverain de tant d'états, le plus grand prince du monde, n'a pu l'éviter. Cela étant, quelle faiblesse de me laisser consumer de chagrin! C'en est fait: le souvenir d'un malheur si commun ne troublera plus désormais le repos de ma vie.? En effet, dès ce moment il cessa de s'affliger; et comme il n'avait pas voulu souper qu'il n'e?t vu toute la scène qui venait de se jouer sous ses fenêtres, il fit servir alors, mangea de meilleur appétit qu'il n'avait fait depuis son départ de Samarcande, et entendit même avec quelque plaisir un concert agréable de voix et d'instruments dont on accompagna le repas.
Les jours suivants il fut de très-bonne humeur; et lorsqu'il sut que le sultan était de retour, il alla au-devant de lui, et lui fit son compliment d'un air enjoué. Schahriar d'abord ne prit pas garde à ce changement; il ne songea qu'à se plaindre obligeamment de ce que ce prince avait refusé de l'accompagner à la chasse; et sans lui donner le temps de répondre à ses reproches, il lui parla du grand nombre de cerfs et d'autres animaux qu'il avait pris, et enfin du plaisir qu'il avait eu. Schahzenan, après l'avoir écouté avec attention, prit la parole à son tour. Comme il n'avait plus de chagrin qui l'empêchat de faire para?tre combien il avait d'esprit, il dit mille choses agréables et plaisantes.
Le sultan, qui s'était attendu à le retrouver dans le même état où il l'avait laissé, fut ravi de le voir si gai: ?Mon frère, lui dit-il, je rends graces au ciel de l'heureux changement qu'il a produit en vous pendant mon absence: j'en ai une véritable joie; mais j'ai une prière à vous faire, et je vous conjure de m'accorder ce que je vais vous demander. - Que pourrais-je vous refuser? répondit le roi de Tartarie. Vous pouvez tout sur Schahzenan. Parlez; je suis dans l'impatience de savoir ce que vous souhaitez de moi. - Depuis que vous êtes dans ma cour, reprit Schahriar, je vous ai vu plongé dans une noire mélancolie, que j'ai vainement tenté de dissiper par toutes sortes de divertissements. Je me suis imaginé que votre chagrin venait de ce que vous étiez éloigné de vos états; j'ai cru même que l'amour y avait beaucoup de part, et que la reine de Samarcande, que vous avez d? choisir d'une beauté achevée, en était peut-être la cause. Je ne sais si je me suis trompé dans ma conjecture; mais je vous avoue que c'est particulièrement pour cette raison que je n'ai pas voulu vous importuner là-dessus, de peur de vous déplaire. Cependant, sans que j'y aie contribué en aucune manière, je vous trouve à mon retour de la meilleure humeur du monde et l'esprit entièrement dégagé de cette noire vapeur qui en troublait tout l'enjouement: dites-moi, de grace, pourquoi vous étiez si triste, et pourquoi vous ne l'êtes plus.?
à ce discours, le roi de la Grande Tartarie demeura quelque temps rêveur, comme s'il e?t cherché ce qu'il avait à y répondre. Enfin il repartit dans ces termes: ?Vous êtes mon sultan et mon ma?tre; mais dispensez-moi, je vous supplie, de vous donner la satisfaction que vous me demandez. - Non, mon frère, répliqua le sultan; il faut que vous me l'accordiez: je la souhaite, ne me la refusez pas.? Schahzenan ne put résister aux instances de Schahriar: ?Hé bien! mon frère, lui dit-il, je vais vous satisfaire, puisque vous me le commandez.? Alors il lui raconta l'infidélité de la reine de Samarcande; et lorsqu'il en eut achevé le récit: ?Voilà, poursuivit-il, le sujet de ma tristesse; jugez si j'avais tort de m'y abandonner. - ? mon frère! s'écria le sultan d'un ton qui marquait combien il entrait dans le ressentiment du roi de Tartarie, quelle horrible histoire venez- vous de me raconter! Avec quelle impatience je l'ai écoutée jusqu'au bout! Je vous loue d'avoir puni les tra?tres qui vous ont fait
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