Influence morale des sports athlétiques | Page 4

Henri Didon
docteur
Tissié. Elles doivent apprendre à se gouverner pour connaître la
responsabilité, et je laisserai au besoin la faute s'accomplir parce qu'elle
permet de donner une leçon. Je n'aime pas les élèves impeccables, je
préfère ceux qu'on peut corriger et instruire à l'occasion d'une faute, de
même qu'on corrige le bon cheval à l'occasion d'un faux pas.
Il faut donc laisser à ces associations le soin de leur bourse pour leur
apprendre à s'en servir, à bien choisir quand elles achètent, et à payer le
moins cher possible les objets dont elles ont besoin. Elles doivent

s'administrer librement, sans entrave de la part de l'autorité.
Il y a toujours, dans les établissements d'enseignement, des censeurs
austères, sévères, qui rappellent que telle chose ne doit être faite qu'à 2
heures et demie.--Mais la bataille est à 2 heures!--La bataille, je ne
connais pas cela. Je ne connais que l'heure fixée: 2 heures et demie.
(Rires.)
Il faut faire disparaître ces entraves et dire aux jeunes gens: Allez au
combat, battez bien l'adversaire et, quand vous reviendrez, ayant
remporté la victoire, avec un rayon de gloire sur le front, vous
travaillerez mieux. (Applaudissements.)
Voici donc comment je comprends le rôle, l'attitude des directeurs
d'établissements vis-à-vis de ces associations sportives et athlétiques
d'après la réserve que j'ai faite hier. Ce rôle se résume en un patronage
bienveillant, encourageant, fortifiant, prévoyant. C'est tout ce qu'on
peut se permettre vis-à-vis d'êtres libres. L'être libre, à moins d'un ordre
qui lui est donné, est un être affranchi, à qui l'on doit laisser la liberté.
On ne doit lui parler que comme à un être souverain, voilà la formule.
(Nouveaux applaudissements.)
Je vais encore faire une réserve; il faut que ces associations soient
absolument respectueuses des heures d'études.
Il est évident que, si une association athlétique passe toute la journée à
faire des sports, le latin, le grec, l'histoire, les mathématiques ne
tomberont pas par une infusion supérieure dans ces jeunes têtes. Il faut
donc faire une part équitable du travail et des jeux, et je serais bien de
l'avis de M. Godart, dont l'expression nette et sage a été si bien résumée
dans le Vélo par son envoyé spécial, M. Frantz Reichel, ici présent.
C'est-à-dire je voudrais voir donner le temps qui lui est dû à l'activité
physique et même l'augmenter, mais je n'irais pas jusqu'à la superstition
des trois-huit. (On rit.) Il est certain que huit heures d'études intensives
donneraient un meilleur résultat qu'un plus grand nombre d'heures
d'étude consacrées à un travail relâché. Il est bien sûr, toutefois, qu'en
développant les muscles, en les faisant solides, on obtiendrait une
circulation cérébrale plus active. On arriverait, comme l'a si bien

démontré M. Tissié, à des produits littéraires et scientifiques supérieurs.
Et j'estime que les vainqueurs du football ont bien des chances d'être les
lauréats de demain dans les concours intellectuels.
Et pour que les associations sportives produisent tous leurs effets, je
voudrais qu'elles fussent absolument intransigeantes sur le point
d'honneur et sur la dignité de l'athlète. Pas de compromis.--Monsieur,
vous avez violé la loi, vous êtes disqualifié.--Monsieur, vous avez
menti, vous êtes disqualifié.--Monsieur, vous avez maltraité votre
adversaire, vous êtes disqualifié. Un point, c'est tout. Avec des moeurs
pareilles, nous irons peut-être avec succès à l'encontre de ces
consciences de caoutchouc que la politique a malheureusement tendu à
développer, parce que la politique étant faite d'intérêts pousse au
compromis, et que le compromis est toujours une entorse faite à la
conscience. (Vive approbation.) Que les associations sportives arborent
donc le drapeau de l'intransigeance sur les questions d'honneur et
lorsqu'elles entreront sur un terrain où les compromis sont pratiqués,
qu'on les voie gagner la bataille avec une conscience irréductible contre
les consciences souples, car les premières gagnent aussi les batailles
politiques beaucoup mieux que les consciences habiles. (Vifs
applaudissements.)
Il est un point d'ordre civique sur lequel je dois m'expliquer. Quel que
soit l'habit que je porte, l'habit n'est rien, et si l'habit ne fait pas le
moine, il n'empêche pas de faire L'homme. (Nouveaux
applaudissements.) Nous ne pouvons pas oublier que nous vivons dans
une vaste démocratie, non pas seulement française, mais universelle.
Qu'on vive sous un monarque ou un président de République, on n'en
est pas moins un citoyen libre. Mais l'avantage d'une démocratie
comme la nôtre, c'est que l'individu participe à la direction générale. Il
faut donc, dans une démocratie, former des hommes éclairés et
capables d'initiative. Si vous formez des êtres passifs, n'agissant que par
la seule impulsion du pouvoir, comment constituerez-vous une
démocratie sérieuse? Vous n'aurez que des gens en tutelle, qui seront
battus à tous les coups, comme sera battu par l'athlète celui qui n'aura
reçu aucune éducation athlétique. Dans une démocratie, les citoyens
devraient donner à tous l'exemple du respect de l'autorité de celui qu'ils

ont élu, de celui qu'ils ont consacré
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