Influence morale des sports athlétiques | Page 2

Henri Didon
pénétrante action sur la jeunesse.
J'espère y arriver, car je vois que vous êtes très ouverts à la vérité, et
par conséquent très disposés à m'aider dans cette démonstration qui est
tout à fait digne de l'attention la plus sérieuse. (Applaudissements.)
Les résultats obtenus par la pratique constante et habituelle des
exercices de plein air et des sports athlétiques sont nombreux: je vous
signalerai les principaux.
Le premier, c'est le développement, la multiplication de l'activité
physique. Mais, direz-vous, ce n'est pas là une vertu morale! Comment,
Messieurs, l'activité physique n'est pas une vertu morale? Convenez du
moins qu'elle est la condition de grandes vertus morales? N'a-t-on pas
dit spirituellement et en toute vérité que la propreté et l'hygiène étaient
des vertus? Pourquoi, alors, n'en pourrait-on pas dire autant de l'activité
physique? Quand vous verrez des enfants inertes, paresseux
physiquement, soyez certains qu'ils le sont moralement, et quand vous
voyez des enfants actifs jusqu'à la turbulence, soyez sûrs qu'il y a en
eux des vertus en germe. Eh bien! cette mise en activité des vertus
physiques par les exercices de plein air, voilà le premier résultat obtenu
par les sports athlétiques.
Le second, c'est l'esprit de combativité et de lutte.
De même que dans la plupart des enfants, Mesdames, vous observez
une paresse native qu'il faut vaincre à tout prix, parce que cette paresse
native se répand dans toutes les facultés et les endort, de même vous
surprenez en eux une lâcheté originelle. L'enfant commence par avoir
peur: l'humanité est d'abord craintive et timide. Il faut qu'elle fasse
preuve de vaillance, et pour cela il est nécessaire de développer l'esprit
de combativité. (Vifs applaudissements.)

Ne vous effrayez pas de cet esprit. Peut-être, direz-vous, nous ne
pourrons plus tenir nos enfants, ils seront toujours ivres de luttes,
toujours rêvant plaies et bosses. N'oubliez donc jamais que les
combatifs sont les forts, que les forts sont les bons, mais que les
paresseux sont les rusés et les faibles, et que les faibles sont dangereux,
parce qu'ils sont traîtres. (Applaudissements.)
Développons donc l'esprit de combativité, c'est-à-dire l'amour de la
lutte: tel est le but. Il y a un obstacle, renversons-le! Mais si nous le
tournions, ne pouvant le renverser? Soit! Mais si, en le tournant, nous
sommes poursuivis, ne craignons pas d'attaquer. Voilà l'esprit combatif,
voilà une des plus belles vertus physico-morales de l'homme, car si
l'homme contient en germe une lâcheté native, il possède également en
germe une bravoure native. Et il s'agit de savoir qui l'emportera, de la
lâcheté ou de la bravoure. Les sports font prédominer l'esprit de
combativité, c'est-à-dire l'esprit de vaillance et de bravoure originelles
qui dorment chez l'enfant. Les sports font de l'enfant un adolescent
vaillant, qui ne sait pas se détourner devant l'obstacle et qui n'a de
tranquillité qu'après l'avoir brisé, dompté, vaincu.
Le troisième résultat consiste à donner la force ou l'endurance.
L'être fort, c'est celui qui sait endurer, ce n'est pas toujours celui qui
attaque,--l'être fort se révèle bien plus par l'endurance et la
patience,--c'est celui qui ne recule jamais. Voilà l'adolescent qu'il faut
fabriquer, et, certes, il n'est pas difficile d'en fabriquer de semblables
dans le pays des Gaulois. Ce ne sont pas les Gaulois qui sont des
paresseux, ils sont trop gais, trop expansifs. Ce sont toujours ceux qui
ne craignaient rien qu'une chose: «que le ciel ne tombât sur leurs têtes.»
Ils poussaient la force jusqu'à la présomption. Eh bien, je le déclare
hautement, je préfère les présomptueux aux timides.
(Applaudissements.)
Je vais dire quelque chose qui va plaire aux mères françaises, que je
crois bien connaître. Elles ont toujours peur, les mères françaises, elles
ont le génie de la préservation. Permettez-moi donc de vous donner,
Mesdames, un moyen de préserver vos fils, c'est-à-dire d'en faire des
tempérants qui n'aiment ni le vin ni l'alcool, qui ne commencent pas à

fumer à douze ans, qui savent mettre le plaisir à sa place.
J'ai observé et j'observe tous les jours que, dans le milieu où il nous a
été donné à M. de Coubertin et moi d'organiser ces associations
athlétiques, ces jeunes gens ne fument presque pas, ne vont pas sur les
champs de courses pour parier; qu'ils sont très modérés et qu'en fait de
plaisirs, ils pourraient arriver à donner des leçons, non seulement à
Épicure qui était un raffiné de modération, mais à l'autre, le chef des
stoïques, qui était un austère, et j'ai observé aussi qu'ils savaient se
priver, se condamner même à une dure hygiène dans un but supérieur.
Pour compléter ces résultats d'ordre moral et psychique, je vous en
signalerai un autre d'ordre civique.
Les sports, en groupant la jeunesse pour un but qui répond à sa nature,
à son besoin de mouvement, font les natures unies et préparent le bon
groupement de l'école. S'il m'est permis de parler de
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