Eric le Mendiant | Page 2

Pierre Zaccone
allait �� travers la ville comme le voyageur �� travers les for��ts vierges de l'Am��rique, ��coutant avec ravissement les douces harmonies de la nature, admirant les merveilles de cette vigoureuse et f��conde v��g��tation, s'oubliant, enfin, dans la contemplation de sublimes beaut��s que l'art ne peut ��galer.
Marga?t ne se doutait pas m��me des am��res douleurs qui peuvent faire la vie triste et d��sesp��r��e, et elle buvait sans crainte �� la coupe d'or des joies terrestres dans laquelle, jusqu'alors, aucune larme n'��tait encore tomb��e de ses beaux yeux!
Depuis quelque temps cependant Marga?t grandissait �� vue d'oeil, ses formes se d��veloppaient avec grace, ses ��paules s'arrondissaient comme sous l'amoureux ciseau d'un sculpteur invisible, une flamme discr��te brillait sous ses paupi��res brunies.
La pauvre enfant ne comprenait pas bien encore ce qui se passait dans son coeur; elle s'��tonnait na?vement de ces changements merveilleux, et s'effrayait m��me quelquefois, en admirant le triple diad��me de jeunesse, de grace et de candeur dont la nature couronnait son beau front.
Le vieux Tanneguy et sa fille march��rent ainsi pendant une heure environ, le premier, saluant de la voix et du geste les paysans que l'aube matinale appelait aux champs, la seconde, envoyant un bonjour et un sourire aux jeunes filles du bourg qui partaient pour le march��. -- Toutefois, il est bon de remarquer que ces ��changes de politesse empruntaient, de la part des passants, un caract��re particulier de contrainte et de froideur; mais le p��re Tanneguy n'y prit point garde... Peu �� peu, la route devint plus solitaire; ils ne rencontr��rent, �� de longs intervalles, que quelques voyageurs isol��s, dont le visage leur ��tait inconnu, et quand le soleil s'��leva �� l'horizon, ils se trouv��rent seuls, �� un endroit o�� la route se bifurque tout d'un coup.
Il y a, en cet endroit deux chemins qui conduisent par des d��tours diff��rents, �� un m��me but. L'un, plus roide et plus rocailleux, offre au voyageur les sites pittoresques, mais nus et d��sol��s de la c?te; l'autre, qui n'est qu'un petit sentier creux, descend par une pente insensible jusqu'�� la mer.
Le vieux Tanneguy se tourna alors vers sa fille, et lisant d'avance dans ses yeux:
-- Marga?t, lui dit-il, avec un tendre et paternel sourire, quel chemin prendrons-nous aujourd'hui?...
Marga?t battit des mains sans r��pondre, frappa la terre de ses petits pieds impatients, et s'��lan?a en poussant un doux cri de joie vers le chemin creux.
Le vieux Breton la regarda un moment s'enfoncer et dispara?tre dans le sentier plein d'ombre, puis, ayant secou�� sur son pouce la cendre de sa pipe ��teinte, il serra le peu-bas qu'il tenait �� la main, et pressa le pas pour rejoindre sa fille.
Le soleil s'��tait lev��, et sa vive lumi��re semblait tomber en pluie d'or, �� travers les branches d'arbres qui s'arrondissaient en berceau au-dessus du sentier: les oiseaux cach��s sous les feuilles vertes saluaient les premi��res splendeurs du printemps; et les deux ruisseaux qui c?toient le sentier, passaient en chantant, sous les fleurs embaum��es de leurs rives!
La nature a un langage inconnu et m��lodieux qui remue profond��ment le coeur et fait doucement r��ver.
Le vieux Tanneguy sentit une singuli��re tristesse s'emparer de son esprit, et il laissa sa pens��e s'envoler un moment vers les mondes infinis de l'imagination.
Quant �� Marga?t, elle ��tait d��j�� loin!...
Elle avait d��tach�� le chapeau de paille aux larges bords, par lequel elle avait remplac�� ce jour-l�� la coiffe traditionnelle des filles de Bretagne; ses longs cheveux flottaient au vent sur ses ��paules, et la blonde enfant courait devant elle, avec un fol enivrement.
De temps en temps seulement, quand apr��s avoir arrach�� aux revers du chemin, bon nombre de fleurs bleues et jaunes, elle se retournait tout �� coup, et n'apercevait plus derri��re elle la silhouette aim��e du vieux Tanneguy, elle remontait en courant la pente qu'elle venait de descendre et s'empressait de reprendre, pour un moment, sa place accoutum��e aupr��s de son p��re.
Ce n'est pas que Marga?t e?t peur de se trouver ainsi seule au milieu du sentier; Marga?t n'avait peur que des farfadets et des sorci��res, et elle savait bien que les sorci��res et les farfadets ne battent pas la campagne pendant le jour. Mais Marga?t aimait son p��re, et quand les papillons, la brise ou les fleurs ne lui inspiraient plus de graves distractions, son coeur tout entier revenait �� son p��re bien-aim��!
C'��tait une noble enfant que Marguerite, et le vieux Tanneguy n'ignorait pas quel pur tr��sor Dieu lui avait envoy��!...
Dans un de ces moments, o�� emport��e loin de son p��re, par l'��lan de sa course, la blonde enfant ne songeait plus qu'�� pourchasser les papillons et les vertes demoiselles, elle atteignit un endroit solitaire o�� la route se d��gage tout �� coup des petites haies vives qui jusque-l�� masquent l'horizon et permet au regard de planer au loin sur les vastes gr��ves de l'Oc��an.
Soit que Marguerite se sent?t touch��e de
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