Consuelo, Tome 3

George Sand
Consuelo Volume 3 (1861), by
George Sand

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Title: Consuelo Volume 3 (1861)
Author: George Sand
Release Date: September 5, 2004 [EBook #13374]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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CONSUELO VOLUME 3 (1861) ***

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CONSUELO

PAR
GEORGE SAND

MICHEL LÉVY FRÈRES, LIBRAIRES-ÉDITEURS, RUE
VIVIENNE 2 BIS, PARIS Tous droits réservés
1861
TOME TROISIÈME

[Note: l'orthographe originale de George Sand a été conservée tout au
long de ce document: ex.: poëte, rhythme, très-bien, etc.]
LXXIII.
Dès que le comte Hoditz se trouva seul avec ses musiciens, il se sentit
plus à l'aise et devint tout à fait communicatif. Sa manie favorite était
de trancher du maître de chapelle, et de jouer le rôle d'impressario. Il
voulut donc sur-le-champ commencer l'éducation de Consuelo.
«Viens ici, lui dit-il, et assieds-toi. Nous sommes entre nous, et l'on
n'écoute pas avec attention quand on est à une lieue les uns des autres.
Asseyez-vous aussi, dit-il à Joseph, et faites votre profit de la leçon. Tu
ne sais pas faire le moindre trille, reprit-il en s'adressant de nouveau à
la grande cantatrice. Écoutez bien; voici comment cela se fait.»
Et il chanta une phrase banale où il introduisit d'une manière fort
vulgaire plusieurs de ces ornements. Consuelo s'amusa à redire la
phrase en faisant le trille en sens inverse.
«Ce n'est pas cela! cria le comte d'une voix de Stentor en frappant sur la
table. Vous n'avez pas écouté.»
Il recommença, et Consuelo tronqua l'ornement d'une façon plus
baroque et plus désespérante que la première fois, en gardant son

sérieux et affectant un grand effort d'attention et de volonté. Joseph
étouffait, et feignait de tousser pour cacher un rire convulsif.
«La, la, la, trala, tra la! chanta le comte en contrefaisant son écolier
maladroit et en bondissant sur sa chaise, avec tous les symptômes d'une
indignation terrible qu'il n'éprouvait pas le moins du monde, mais qu'il
croyait nécessaire à la puissance et à l'entrain magistral de son
caractère.»
Consuelo se moqua de lui pendant un bon quart d'heure, et, quand elle
en eut assez, elle chanta le trille avec toute la netteté dont elle était
capable.
«Bravo! bravissimo! s'écria le comte en se renversant sur sa chaise.
Enfin! c'est parfait! Je savais bien que je vous le ferais faire! qu'on me
donne le premier paysan venu, je suis sûr de le former et de lui
apprendre en un jour ce que d'autres ne lui apprendraient pas dans un
an! Encore cette phrase, et marque bien toutes les notes. Avec légèreté,
sans avoir l'air d'y toucher ... C'est encore mieux, on ne peut mieux!
Nous ferons quelque chose de toi!»
Et le comte s'essuya le front quoiqu'il n'y eût pas une goutte de sueur.
«Maintenant, reprit-il, la cadence avec chute et tour de gosier! Il lui
donna l'exemple avec cette facilité routinière que prennent les moindres
choristes à force d'entendre les premiers sujets, n'admirant dans leur
manière que les jeux du gosier, et se croyant aussi habiles qu'eux parce
qu'ils parviennent à les contrefaire. Consuelo se divertit encore à mettre
le comte dans une de ces grandes colères de sang-froid qu'il aimait à
faire éclater lorsqu'il galopait sur son dada, et finit par lui faire entendre
une cadence si parfaite et si prolongée qu'il fut forcé de lui crier:
«Assez, assez! C'est fait; vous y êtes maintenant. J'étais bien sûr que je
vous en donnerais la clef! Passons donc à la roulade, vous apprenez
avec une facilité admirable, et je voudrais avoir toujours des élèves
comme vous.»
Consuelo, qui commençait à sentir le sommeil et la fatigue la gagner,

abrégea de beaucoup la leçon de roulade. Elle fit toutes celles que lui
prescrivit l'opulent pédagogue, avec docilité, de quelque mauvais goût
qu'elles fussent, et laissa même résonner naturellement sa belle voix, ne
craignant plus de se trahir, puisque le comte était résolu à s'attribuer
jusqu'à l'éclat subit et à la pureté céleste que prenait son organe de
moment en moment.
«Comme cela s'éclaircit, à mesure que je lui montre comment il faut
ouvrir la bouche et porter la voix! disait-il à Joseph en se retournant
vers lui d'un air de triomphe. La clarté de l'enseignement, la
persévérance, l'exemple, voilà les trois choses avec lesquelles on forme
des chanteurs et des déclamateurs en peu de temps.
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