de la langue d'Erin, mais reprenant aussitôt la mer, grâce à l'entremise de 
Bioern, & emportant de la part du vieil exilé un anneau d'or pour sa bien-aimée Thurida, 
& une épée pour Kiartan, le fils qu'il avait eu d'elle. 
A côté de ces vestiges des anciennes émigrations transatlantiques des Irlandais, leurs 
voisins les Gallois ont peut-être aussi une place à revendiquer pour eux-mêmes: du moins 
se conserve-t-il chez eux une certaine tradition des navigations occidentales de Madoc, le 
second des fils d'Owen Guynedd, un de leurs princes; fuyant les discordes intestines de sa 
propre famille, il partit en 1170 pour aller à la découverte vers ces lointains parages, y 
choisit un lieu à sa convenance où il débarqua cent vingt hommes, & revint équiper en 
Europe une flottille de dix navires pour transporter dans ce nouvel établissement tous les 
éléments d'une colonie permanente; mais là s'arrête la vieille légende, & quelques vers 
gallois du quinzième siècle ont seuls tardivement consacré le souvenir de l'entreprise de 
Madoc ap Owen. 
III 
Les établissements scandinaves offrent à notre investigation plus de certitude, de suite & 
de durée. L'islandais Biarne Hériulfson, écarté pendant une brume intense de sa route 
vers le Groenland où il allait retrouver son père, avait aperçu & côtoyé en 896 des terres 
inconnues vers l'occident, d'où il avait regagné en cinq journées de mer la demeure 
paternelle; le récit qu'il en faisait un jour, après plusieurs années, à la cour de Norvège, fit 
naître le regret qu'il n'eût pas effectué une reconnaissance plus exacte de ces contrées 
nouvelles; si bien qu'un de ses compagnons, Leif Erikson ayant résolu d'aller compléter 
sa découverte, lui acheta son navire, y embarqua trente-cinq hommes au printemps de l'an 
1000, & vint atterrir à la côte signalée par Biarne, au point où celui-ci l'avait perdue de 
vue: ce n'était qu'un plateau rocheux & aride, Helluland, où l'érudition moderne a cru 
reconnaître Terre-Neuve; on reprit la mer, & l'on vint descendre, au bout de trois journées 
au sud-ouest, sur une terre plate & boisée, Markland, signalée par la blancheur des sables 
du rivage, telle que les instructions nautiques représentent l'Acadie; puis navigant encore 
deux journées au sud-ouest, on atteignit une ile, près de laquelle une péninsule s'avançait 
à l'est & au nord, comme on voit aujourd'hui le cap Cod dépasser au nord-est l'île 
Nantucket; Leif s'engagea dans le détroit, puis trouvant au-delà un lieu favorable, il forma 
près d'une petite rivière un établissement pour explorer à son aise le pays; & comme on 
rencontra dans les environs de Leifsbudir, la vigne croissant spontanément, on donna à 
cette contrée le nom de Vinland; c'est aujourd'hui le Rhode-Island & la région voisine. 
Après avoir pris un chargement de bois de construction, Leif revint au printemps de 1001
au Groenland, & pendant une douzaine d'années encore les frères Thorwald & Thorstein, 
sa belle-soeur Gudrida remariée à Thorfinn Karlsefne, & enfin sa vaillante soeur Freydisa, 
firent diverses expéditions semblables au Vinland; mais l'hostilité des sauvages indigènes 
les fit renoncer à poursuivre ces armements périodiques. D'autres, sans doute, les 
reprirent à leur tour, & les établissements fondés par Leif & par Thorfinn se 
développèrent à la longue d'une manière permanente, puisque l'évêque groenlandais Erik 
s'y rendit lui-même, en 1121 afin de pourvoir aux besoins spirituels de la colonie. 
Les sagas du Nord ont conservé quelques autres traces des relations qui se continuèrent 
entre le Groenland & la côte opposée: en 1266 des navires furent envoyés en 
reconnaissance par delà les stations de pêche les plus avancées, jusqu'à la hauteur, 
pense-t-on, du détroit de Barrow; en 1285 deux ecclésiastiques islandais, Adalbrand & 
Thorwald Helgason, naviguaient à l'ouest jusqu'à Terre-Neuve, désignée en cette 
circonstance par les chroniqueurs sous le nom de Fundu-nyia-land, qui se retrouve tout 
entier dans la forme anglaise actuelle de New-Foundland; enfin, en 1347, un voyage de 
dix-sept Groenlandais au Markland fut contrarié au retour par une tempête qui entraîna le 
navire en Islande; & la narration qu'on en faisait en 1356 montre que le pays de Markland 
était alors encore fréquenté par les Scandinaves. Mais il n'en est plus question dans leurs 
histoires ultérieures. 
IV 
Un récit vénitien, venu à la lumière après un trop long oubli, peut néanmoins, sans trop 
de scrupule, être admis en appendice à la suite de ces souvenirs des navigations 
scandinaves; je veux parler des lambeaux d'une correspondance de famille émanée des 
frères Nicolas & Antoine Zéni, qui s'étaient établis vers 1390 aux Faer-oer, ou comme on 
disait alors, en Frislande, & naviguèrent successivement pendant une quinzaine d'années 
dans ces mers septentrionales. 
Le dernier y recueillit, de la bouche d'un vieux pêcheur, la notice d'une terre lointaine 
dans l'ouest, nommée Estotiland, où vingt-six ans auparavant (vers 1380 à ce qu'il 
semble), il avait été jeté par une furieuse tempête; les habitants conservaient des rapports    
    
		
	
	
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