Wilson, qui a nettement dévoilé les spéculations fantastiques dont s'échauffe le patriotisme des promoteurs de l'expédition sud-africaine, fanatiques défenseurs des Uitlanders, ces intéressants millionnaires, dont la ?lande natale? est le parquet de la Bourse, comme le dit, dans le Truth, M. Labouchère, qui para?t être, lui aussi, fort bien renseigné sur l'homme du jour, sur sa participation personnelle aux petites et aux grandes affaires du Transvaal et de la Chartered, aussi bien qu'aux opérations fructueusement liquidées, grace à lui, par la Compagnie Royale du Niger.
Voici l'horoscope que M. Labouchère tirait, il y a quelques mois, sur ce grand entrepreneur de spéculation à main armée:
Si lord Salisbury ne surveille pas avec soin son secrétaire d'état, nous nous trouverons engagés dans une guerre, au Sud-Africain, et non avec le seul Transvaal,--guerre dans laquelle les sympathies de la majorité des habitants du Cap seront tournées vers nos adversaires,--guerre qui n'aura d'autre but que de satisfaire la rancune de M. Chamberlain contre le président Krüger.
M. Chamberlain n'est pas un homme d'état. Hors du pouvoir, ses projets apparaissent et disparaissent comme les averses d'avril. Une, fois au pouvoir, son grand but est de mettre ses collègues dans l'embarras. Si on l'avait laissé faire, nous aurions eu la guerre avec la Russie, la France, les états-Unis et l'Allemagne... Dans ma conviction, M. Chamberlain est le plus dangereux ministre impérial qui ait jamais dirigé le département des Colonies. Si lord Salisbury n'avait pas énergiquement retenu M. Chamberlain, nos colonies en arriveraient bient?t à abhorrer le lien qui les attache à nous, et l'avidité pour les annexions africaines nous aurait déjà jetés dans un conflit avec une ou plusieurs puissances européennes.?
Cette page prophétique marque une des escarmouches de la guerre de broussailles qui se poursuit au jour le jour entre le lyrisme brutal de Kipling, d'Austin et des pourvoyeurs de music halls, enr?lés avec eux sous la bannière de l'Impérialisme, et l'humour acéré du vieil esprit critique anglais, dont le directeur du Truth est le protagoniste le plus brillant et le plus redouté.
Sa causticité ronge le foie des puritains d'état qui out engagé l'honneur de l'Angleterre dans une guerre effroyable, dont le principe est ce qu'il appelle en argot de bourse un ?slump in Kafftirs?--un coup sur les Cafres,--et dont le but humanitaire est de secourir contre les sataniques fermiers boers ces petits agneaux de financiers des mines d'or, ?les ilotes du Rand? comme les appelle sir Alfred Milner. Il est vrai que cette qualification avait été utilisée, trois ans auparavant par M. Léonard, l'audacieux mais fugitif entrepreneur de la révolution de Johannesburg, ce soulèvement imprévu des misères capitalistes, qui a inspiré à M. Cecil Rhodes devant la commission d'enquête parlementaire ce mot d'une profondeur vertigineuse: ?J'ai fourni des fonds pour la révolution de Johannesburg, mais pas tous; ce n'est pas mon affaire de dire qui a fourni le reste. C'était, je le reconnais, une révolution subventionnée, comme toutes les révolutions!?
Cet aveu du dictateur de l'Impérialisme sud-africain en dit plus que tous les sarcasmes de ses adversaires sur une politique dont on trouverait la clé dans une citation de l'économiste Nébénius: ?La guerre est le temps de moisson des capitalistes.? écrit-il dans ses Considérations sur la situation économique, de la Grande-Bretagne.
Voilà sans doute pourquoi la sanglante expédition engagée contre le Transvaal soulève l'enthousiasme de la bourgeoisie anglaise, composée de businessmen, dont M. Chamberlain est le type le plus accompli; voilà pourquoi, d'autre part, elle a fait retentir jusque dans l'enceinte du Parlement la protestation discrète et résignée de lord Kimberley et de sir Campbell Bannerman, la réprobation formelle de sir William Harcourt et l'indignation de John Morley, que toute l'Angleterre appelait honest John quand elle n'avait pas encore perdu la notion de l'honnêteté.
M. Chamberlain est l'ennemi personnel du genre humain, mais sa combativité s'est revêtue d'une armure de prudence en Extrême-Orient, où il a trouvé à qui parler: inquiétants partenaires auprès desquels il fallait être le convive ?à la longue cuiller?, adversaires plus redoutables encore, en face desquels on devrait sortir des armes d'une taille proportionnée à la cuiller en question. Là, tout s'est borné de sa part à quelques écarts de langage, à des provocations purement verbales pour amuser la galerie.
C'est ainsi qu'il fut amené à tourner ses batteries sur l'Afrique, où ne se trouvait devant lui qu'un compétiteur en pleine croissance territoriale mais moralement amoindri par une démoralisation politique qui laissait à la merci du quidam assez audacieux pour en imposer à un esprit affaibli, tout le bénéfice du travail vaillamment et persévéramment accompli par des membres alertes et vigoureux.
Et l'oeuvre réalisée en vingt ans d'une initiative coloniale aussi heureuse que vaillante, et favorisée contre toute attente par un esprit de suite qui faisait défaut partout alentour, s'est trouvée compromise par l'effet de la volonté d'un gouvernement incapable d'étendre son application à d'autres objets que ceux

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