par le passé, aux révoltes et aux 
perpétuelles menaces ayant pour motif ou pour prétexte les questions du droit des 
nationalités, de l'autonomie macédonienne et des réformes. 
Aujourd'hui, la politique panslaviste, en partie paralysée, cherche à gagner du temps et se 
voit obligée de se mettre momentanément d'accord avec la politique pangermaniste par 
l'entente austro-russe de 1898,--les puissances européennes ayant reconnu à l'Autriche et
à la Russie des «intérêts supérieurs» dans la péninsule balkanique et leur laissant le soin 
de poursuivre en Turquie le rétablissement de l'ordre et l'application des réformes, sous 
condition de maintenir le statu quo. 
Il est probable, toutefois, que la Russie encourage secrètement une alliance entre les trois 
États slaves de la Péninsule (Bulgarie, Serbie et Monténégro), et que l'Autriche 
s'efforcera d'opérer un nouveau rapprochement entre la Roumanie et la Grèce. Au surplus, 
il ne doit faire de doute pour personne que si ces deux empires arrivaient un jour à se 
partager la péninsule balkanique, ce ne serait jamais d'une façon pacifique et durable[2]. 
[Note 2: L'entente austro-russe laisse entrevoir comme un vague dessein de partager en 
sphères territoriales d'influence la péninsule balkanique, la Russie se réservant la partie 
orientale et abandonnant la partie occidentale à l'Autriche-Hongrie.] 
Le gouvernement austro-hongrois profitera évidemment des embarras de la Russie pour 
accentuer son propre rôle; il en faut voir une première preuve dans les crédits 
considérables qu'il vient de demander aux Délégations pour l'armée et la marine. 
Après Sadowa, comme compensation de la défaite qu'il lui avait infligée, Bismarck 
poussa l'Autriche vers l'Orient et l'opposa à la politique d'expansion panslavisme en lui 
ouvrant des perspectives sur l'Adriatique. 
Seule parmi les grands États européens, l'Autriche-Hongrie n'a pas de colonies; aussi 
convoite-t-elle la péninsule balkanique, comme son véritable terrain d'expansion[3]. 
Grâce à de gros sacrifices, cette puissance s'est fortement établie en Bosnie et en 
Herzégovine, où l'administration de feu Kallay a tendu à préparer son oeuvre de 
pénétration vers le Sud. Elle cherche, sous l'impulsion du Drang nach dem Mittelmeer, à 
étendre son influence vers l'Archipel et considère la possession de certaines provinces 
comme une question pour ainsi dire vitale. Elle espère utiliser la ligne qui reliera bientôt 
Vienne à Salonique, pour affirmer sa domination, économique d'abord, politique ensuite, 
sur l'Albanie et la Macédoine. Les progrès, surtout en Albanie, de ses émissaires, de ses 
consuls, secondés par ses prêtres catholiques, troublent singulièrement les combinaisons 
des petits États des Balkans, qui comprennent bien qu'il leur faudra se défendre contre 
une rivale redoutable. 
[Note 3: La Wiener allgemeine Zeitung disait, il y a quelques années, à propos des 
affaires d'Extrême-Orient: «L'Autriche, ayant rendu sa part de services à la civilisation 
par l'occupation de la Bosnie-Herzégovine, peut se dispenser de concourir au règlement 
de la question chinoise.»] 
L'Autriche, craignant en effet qu'une alliance des trois peuples slaves-balkaniques ne lui 
ferme la route du Sud, s'est fait reconnaître au Congrès de Berlin le droit d'occuper 
l'ancien sandjak de Novi-Bazar, entre la Serbie et le Monténégro; elle s'y comporte 
comme chez elle, y construit des fortifications et des chemins stratégiques, et, par la ligne 
ferrée qui fonctionnera dans un délai assez rapproché entre Sérajévo et Mitrovitza, elle 
séparera le Monténégro de la Serbie et barrera à celle-ci la route de l'Adriatique. 
Ce tronçon, qui se raccordera, à Mitrovitza, en Macédoine, avec la ligne déjà existante
Mitrovitza-Salonique[4], aura ce grand avantage pour la monarchie dualiste de déboucher 
directement de Bosnie sur le territoire ottoman et de prendre à revers l'Albanie[5]. 
[Note 4: Cette dernière ligne relève de la haute direction financière de la Deutsche Bank 
de Berlin.] 
[Note 5: Le tracé, long de 250 kilomètres, suit, en partant de Sérajévo, la vallée du Lim, 
passe à Gorasde, puis à Plevje et Prielopje dans l'ancien sandjak de Novibazar, pour 
aboutir à Mitrovitza en territoire turc.] 
Toutefois l'Italie, très attentive aux progrès de son alliée dans la Péninsule, ne pourra 
permettre, sous peine de se voir enlever la prééminence sur l'Adriatique, que 
l'Autriche-Hongrie établisse sa suprématie en Albanie. Le gouvernement de Rome est 
décidé à y défendre sa sphère d'intérêts. Les Italiens ne peuvent oublier que la mer 
Adriatique s'appelait, aux quinzième et seizième siècles, il golfo di Venezia ou même «il 
Golfo» tout court, et qu'au Congrès de Berlin il avait été déjà question de leur laisser 
occuper l'Albanie, comme compensation du magnifique territoire livré à l'Autriche en 
Bosnie-Herzégovine. 
La ligne qui fonctionnera directement entre Vienne et Salonique inquiète surtout l'Italie, 
qui craint de voir détourner le trafic de la malle des Indes de Brindisi, où elle passe 
depuis 1871. La nouvelle voie (Ostende, l'Allemagne, l'Autriche et la Bosnie) 
raccourcirait en effet d'une quinzaine d'heures le trajet entre Londres et Port-Saïd. Cette 
concurrence éventuelle, inquiétante pour les intérêts français et italiens, appelle donc 
comme réponse la ligne de l'Adriatique au Danube, qui intéresserait également la Russie 
et les peuples balkaniques.    
    
		
	
	
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