Trois contes

Gustave Flaubert

Trois contes, by Gustave Flaubert

The Project Gutenberg EBook of Trois contes, by Gustave Flaubert This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this eBook or online at www.gutenberg.net
Title: Trois contes
Author: Gustave Flaubert
Release Date: April 17, 2004 [EBook #12065] [Date last updated: September 23, 2004]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK TROIS CONTES ***

Produced by Tonya Allen, Renald Levesque and the Online Distributed Proofreading Team. This file was produced from images generously made available by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr.,

GUSTAVE FLAUBERT

TROIS CONTES
UN COEUR SIMPLE LA LéGENDE DE SAINT-JULIEN L'HOSPITALIER HéRODIAS

CINQUIèME éDITION 1877

UN COEUR SIMPLE

I
Pendant un demi-siècle, les bourgeoises de Pont-l'évêque envièrent à Mme Aubain sa servante Félicité.
Pour cent francs par an, elle faisait la cuisine et le ménage, cousait, lavait, repassait, savait brider un cheval, engraisser les volailles, battre le beurre, et resta fidèle à sa ma?tresse,--qui cependant n'était pas une personne agréable.
Elle avait épousé un beau gar?on sans fortune, mort au commencement de 1809, en lui laissant deux enfants très-jeunes avec une quantité de dettes. Alors elle vendit ses immeubles, sauf la ferme de Toucques et la ferme de Geffosses, dont les rentes montaient à 8,000 francs tout au plus, et elle quitta sa maison de Saint-Melaine pour en habiter une autre moins dispendieuse, ayant appartenu à ses ancêtres et placée derrière les halles.
Cette maison, revêtue d'ardoises, se trouvait entre un passage et une ruelle aboutissant à la rivière. Elle avait intérieurement des différences de niveau qui faisaient trébucher. Un vestibule étroit séparait la cuisine de la salle où Mme Aubain se tenait tout le long du jour, assise près de la croisée dans un fauteuil de paille. Contre le lambris, peint en blanc, s'alignaient huit chaises d'acajou. Un vieux piano supportait, sous un baromètre, un tas pyramidal de bo?tes et de cartons. Deux bergères de tapisserie flanquaient la cheminée en marbre jaune et de style Louis XV. La pendule, au milieu, représentait un temple de Vesta;--et tout l'appartement sentait un peu le moisi, car le plancher était plus bas que le jardin.
Au premier étage, il y avait d'abord la chambre de ?Madame?, très-grande, tendue d'un papier à fleurs pales, et contenant le portrait de ?Monsieur? en costume de muscadin. Elle communiquait avec une chambre plus petite, où l'on voyait deux couchettes d'enfants, sans matelas. Puis venait le salon, toujours fermé, et rempli de meubles recouverts d'un drap. Ensuite un corridor menait à un cabinet d'étude; des livres et des paperasses garnissaient les rayons d'une bibliothèque entourant de ses trois c?tés un large bureau de bois noir. Les deux panneaux en retour disparaissaient sous des dessins à la plume, des paysages à la gouache et des gravures d'Audran, souvenirs d'un temps meilleur et d'un luxe évanoui. Une lucarne au second étage éclairait la chambre de Félicité, ayant vue sur les prairies.
Elle se levait dès l'aube, pour ne pas manquer la messe, et travaillait jusqu'au soir sans interruption; puis, le d?ner étant fini, la vaisselle en ordre et la porte bien close, elle enfouissait la b?che sous les cendres et s'endormait devant l'atre, son rosaire à la main. Personne, dans les marchandages, ne montrait plus d'entêtement. Quant à la propreté, le poli de ses casseroles faisait le désespoir des autres servantes. économe, elle mangeait avec lenteur, et recueillait du doigt sur la table les miettes de son pain,--un pain de douze livres, cuit exprès pour elle, et qui durait vingt jours.
En toute saison elle portait un mouchoir d'indienne fixé dans le dos par une épingle, un bonnet lui cachant les cheveux, des bas gris, un jupon rouge, et par-dessus sa camisole un tablier à bavette, comme les infirmières d'h?pital.
Son visage était maigre et sa voix aigu?. A vingt-cinq ans, on lui en donnait quarante. Dès la cinquantaine, elle ne marqua plus aucun age;--et, toujours silencieuse, la taille droite et les gestes mesurés, semblait une femme en bois, fonctionnant d'une manière automatique.
II
Elle avait eu, comme une autre, son histoire d'amour.
Son père, un ma?on, s'était tué en tombant d'un échafaudage. Puis sa mère mourut, ses soeurs se dispersèrent, un fermier la recueillit, et l'employa toute petite à garder les vaches dans la campagne. Elle grelottait sous des haillons, buvait à plat ventre l'eau des mares, à propos de rien était battue, et finalement fut chassée pour un vol de trente sols, qu'elle n'avait pas commis. Elle entra dans une autre ferme, y devint fille de basse-cour, et, comme elle plaisait aux patrons, ses camarades la jalousaient.
Un soir du mois d'ao?t (elle avait alors dix-huit ans), ils l'entra?nèrent à l'assemblée de Colleville. Tout de suite elle fut étourdie, stupéfaite par le tapage des ménétriers, les lumières dans
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 39
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.