Simone

Victor Tissot
Simone

The Project Gutenberg EBook of Simone, by Victor Tissot This eBook
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Title: Simone Histoire d'une jeune fille moderne
Author: Victor Tissot
Release Date: February 7, 2006 [EBook #17696]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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SIMONE
HISTOIRE D'UNE JEUNE FILLE MODERNE

Par VICTOR TISSOT

Paris E. Dentu, Éditeur 3, Place Du Palais-Royal, 3
* * * * *

PREMIÈRE PARTIE

I
«Ça marche! Ça marche! Enfoncées les poupées anglaises! Ce gamin
de Bamberg est étonnant avec ses trucs. N'a-t-il pas imaginé de
remplacer les yeux de verre, des yeux fixes, des yeux bêtes par des
petites sphères, grosses comme des noisettes, qui pivotent sur
elles-mêmes dès que l'on appuie sur un levier minuscule dissimulé sous
le chignon? Une pression sur la nuque et hop! les yeux bleus
s'enfoncent sous la paupière supérieure pendant qu'apparaissent des
yeux noirs. Ce petit ingénieur est extraordinaire en machinations.
«L'hiver prochain je vais doubler ma vente. Ma petite Simone, qui est
une habilleuse plus forte que Worth, chiffonnera du satin autour de mes
princesses. Et allez donc ne pas acheter des bébés qui, vêtus comme des
princes, ont des yeux de rechange!
«Et allez donc ne pas acheter...» Dans la joie de son triomphe sur les
fabricants de poupées anglaises, M. Gosselet, gesticulant, avec sa canne,
faillit casser le bras à un Amour en plâtre qui tirait des flèches tout en
se tenant en équilibre sur un orteil,--ce qui est une bien mauvaise
position pour un tireur, même pour un tireur d'arc.
M. Gosselet qui accouchait, bon an mal an, de trois à quatre cent mille
poupées, se sentait les reins assez robustes pour enfanter un million de
bébés, maintenant qu'il pouvait leur donner des yeux de rechange.

Brusquement il s'arrêta, se gratta le bout du nez, devint grave et se mit à
palper tous les doigts de sa main gauche entre le pouce et l'index de sa
main droite comme pour s'assurer de la souplesse de ses articulations.
En réalité M. Gosselet se livrait à un calcul très compliqué et se servait
de ses phalanges, de ses phalanges seulement, alors que d'autres
emploient des tables de logarithmes. Il parlait haut puis murmurait, puis
poussait de petits grognements quand l'opération se brouillait comme
un quadrille dansé par des jeunes gens frais échappés du collège.
--A cent francs la douzaine, prix de revient... A mille francs la douzaine,
prix de vente, je gagne...
Le gain prévu par M. Gosselet était si considérable, qu'il enjamba, par
distraction, les petits arcs en bois qui bordaient l'allée sablée de jaune et
fit deux ou trois enjambées dans le gazon. Or le gazon de M. Gosselet
était de ces gazons bourgeois que nul pied ne doit fouler, gazons faits
pour la joie de l'oeil comme les petits sapins que les enfants exhument
des boîtes de jouets.
Le marchand de poupées regagna vite l'allée, confus d'avoir été surpris
en ce mauvais pas par Tant-Seulement, le jardinier.
En effet, à dix mètres de là, Tant-Seulement, qui taillait au cordeau des
buis de bordure, regardait son patron bouche bée. M. Gosselet lui
faisait chausser des espadrilles deux fois par an, pour la tondaison de la
pelouse, prétextant que les sabots de bois du bonhomme creusaient des
trous dans le sol, et voilà que le fabricant de poupées foulait l'herbe
haute comme un poulain lâché!
Tant-Seulement--on avait affublé Jean Patard de ce sobriquet, parce
qu'il avait la manie de mettre beaucoup d'adverbes dans les phrases
qu'il adressait aux bourgeois, pour cacher son ignorance, comme les
mauvaises cuisinières prodiguent les oignons dans leurs plats pour
dissimuler la fadeur de l'apprêt,--Tant-Seulement était stupéfait. M.
Gosselet vint à lui, souriant:
--Mon pauvre Tant-Seulement, il faut que j'augmente tes gages. Tout

pousse à souhait, ici. Le gazon--je l'ai mesuré--me monte jusqu'au
genou! Tes mosaïques de fleurs sont d'une couleur et d'un dessin
merveilleux. As-tu débarbouillé au papier de verre les deux Neptunes
du bassin? Ma femme prétend que les teintes sales et les moisissures
leur siéent bien, mais je veux, moi, que mes statues soient blanches
comme neige.
--Oui, monsieur. Mais je ne peux plus toucher à l'enfant nu qui lance
des flèches. La fossette du menton s'en va. Encore un tant-seulement
petit peu et il va devenir maigre.
--Bien, tu le frotteras moins fort, mon garçon. On a l'habitude de voir
des enfants
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