vie de ces troupes arm��es que, chaque jour, pousseront sur nous tous les Pouvoirs qui se succ��deront, nous trouverons bien, il est vrai, que, comme je l'ai dit, l'existence du Soldat est (apr��s la peine de mort) la trace la plus douloureuse de barbarie qui subsiste parmi les hommes, mais aussi que rien n'est plus digne de l'int��r��t et de l'amour de la Nation que cette famille sacrifi��e qui lui donne quelquefois tant de gloire.
CHAPITRE III
DE LA SERVITUDE DU SOLDAT ET DE SON CARACT��RE INDIVIDUEL
Les mots de notre langage familier ont quelquefois une parfaite justesse de sens. C'est bien servir, en effet, qu'ob��ir et commander dans une Arm��e. Il faut g��mir de cette Servitude, mais il est juste d'admirer ces esclaves. Tous acceptent leur destin��e avec toutes ses cons��quences, et, en France surtout, on prend avec une extr��me promptitude les qualit��s exig��es par l'��tat militaire. Toute cette activit�� que nous avons se fond tout �� coup pour faire place �� je ne sais quoi de morne et de constern��.
La vie est triste, monotone, r��guli��re. Les heures sonn��es par le tambour sont aussi sourdes et aussi sombres que lui. La d��marche et l'aspect sont uniformes comme l'habit. La vivacit�� de la jeunesse et la lenteur de l'age m?r finissent par prendre la m��me allure, et c'est celle de l'arme. L'arme o�� l'on sert est le moule o�� l'on jette son caract��re, o�� il se change et se refond pour prendre une forme g��n��rale imprim��e pour toujours. L'Homme s'efface sous le Soldat.
La servitude militaire est lourde et inflexible comme le masque de fer du prisonnier sans nom, et donne �� tout homme de guerre une figure uniforme et froide.
Aussi, au seul aspect d'un corps d'arm��e, on s'aper?oit que l'ennui et le m��contentement sont les traits g��n��raux du visage militaire. La fatigue y ajoute ses rides, le soleil ses teintes jaunes, et une vieillesse anticip��e sillonne des figures de trente ans. Cependant une id��e commune �� tous a souvent donn�� �� cette r��union d'hommes s��rieux un grand caract��re de majest��, et cette id��e est l'Abn��gation.
L'Abn��gation du Guerrier est une croix plus lourde que celle du Martyr. Il faut l'avoir port��e longtemps pour en savoir la grandeur et le poids.
Il faut bien que le Sacrifice soit la plus belle chose de la terre, puisqu'il a tant de beaut�� dans des hommes simples qui, souvent, n'ont pas la pens��e de leur m��rite et le secret de leur vie. C'est lui qui fait que de cette vie de g��ne et d'ennuis il sort, comme par miracle, un caract��re factice mais g��n��reux, dont les traits sont grands et bons comme ceux des m��dailles antiques.
L'Abn��gation compl��te de soi-m��me, dont je viens de parler, l'attente continuelle et indiff��rente de la mort, la renonciation enti��re �� la libert�� de penser et d'agir, les lenteurs impos��es �� une ambition born��e, et l'impossibilit�� d'accumuler des richesses, produisent des vertus qui sont plus rares dans les classes libres et actives.
En g��n��ral, le caract��re militaire est simple, bon, patient; et l'on y trouve quelque chose d'enfantin, parce que la vie des r��giments tient un peu de la vie des coll��ges. Les traits de rudesse et de tristesse qui l'obscurcissent lui sont imprim��s par l'ennui, mais surtout par une position toujours fausse vis-��-vis de la Nation, et par la com��die n��cessaire de l'autorit��.
L'autorit�� absolue qu'exerce un homme le contraint �� une perp��tuelle r��serve. Il ne peut d��rider son front devant ses inf��rieurs, sans leur laisser prendre une familiarit�� qui porte atteinte �� son pouvoir. Il se retranche l'abandon et la causerie amicale, de peur qu'on ne prenne acte contre lui de quelque aveu de la vie ou de quelque faiblesse qui serait de mauvais exemple. J'ai connu des officiers qui s'enfermaient dans un silence de trappiste, et dont la bouche s��rieuse ne soulevait la moustache que pour laisser passage �� un commandement. Sous l'Empire, cette contenance ��tait presque toujours celle des officiers sup��rieurs et des g��n��raux. L'exemple en avait ��t�� donn�� par le ma?tre, la coutume s��v��rement conserv��e, et �� propos; car �� la consid��ration n��cessaire d'��loigner la familiarit��, se joignait encore le besoin qu'avait leur vieille exp��rience de conserver sa dignit�� aux yeux d'une jeunesse plus instruite qu'elle, envoy��e sans cesse par les ��coles militaires, et arrivant toute bard��e de chiffres, avec une assurance de laur��at que le silence seul pouvait tenir en bride.
Je n'ai jamais aim�� l'esp��ce des jeunes officiers, m��me lorsque j'en faisais partie. Un secret instinct de la v��rit�� m'avertissait qu'en toute chose la th��orie n'est rien aupr��s de la pratique, et le grave et silencieux sourire des vieux capitaines me tenait en garde contre cette pauvre science qui s'apprend en quelques jours de lecture. Dans les r��giments o�� j'ai servi, j'aimais �� ��couter ces vieux officiers dont le dos vo?t�� avait encore l'attitude d'un dos de soldat, charg�� d'un sac

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