Scènes de mer, Tome II

Édouard Corbière
Scènes de mer, Tome II

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Title: Scènes de mer, Tome II
Author: Édouard Corbière
Release Date: May 1, 2006 [EBook #18296]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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DE MER, TOME II ***

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SCÈNES DE MER.
CAPITAINE-NOIR.

--RENCONTRE--
Par Edouard Corbière.
2.
PARIS. HIPPOLYTE SOUVERAIN, ÉDITEUR, RUE DES
BEAUX-ARTS, 3 BIS. 1835.

IV.
Le Capitaine-Noir.
Un grand navire anglais, couvert de passagers abrités sous de larges
tentes à demi usées par le soleil dévorant de la ligne, flottait immobile
sur les mers inanimées de l'équateur. Depuis un mois et demi, ces
calmes, qui sont le néant de la mer, ces calmes, cent fois plus redoutés
des marins que les tempêtes, qui ne sont qu'un combat pour eux,
enchaînaient au même lieu, au même point, le Mascarenhas.
Les vents légers qui l'avaient conduit jusque dans cette partie de
l'Océan s'étaient dissipés aussitôt dans l'air torréfiant, une fois qu'ils
semblèrent avoir attiré le rapide bâtiment dans ces parages comme dans
un piége fatal. Les premiers jours de cette cruelle station au milieu des
ondes, les jeunes passagers s'étaient amusés à jeter dans l'eau, que
n'effleurait déjà plus la brise, quelques morceaux de papier ou de bois
légers que devait bientôt emporter le sillage du bâtiment; mais depuis
un mois ces tristes indices étaient restés le long du navire, à la place
même où ils étaient tombés, et les passagers voyaient chaque matin
avec effroi, en sortant de leurs chambres, ce signe effrayant de
l'immobilité du navire qui les portait!
Pour comble de maux et d'épouvante, une maladie épidémique,
engendrée par la privation d'eau et favorisée par le désespoir des marins
et des voyageurs accumulés à bord, avait étendu ses ravages sur
l'équipage. Le chirurgien du bord, en prodiguant ses soins aux malades
placés sur le pont, avait déjà succombé à l'excès de ses fatigues; et son

cadavre, lancé dans les flots, était devenu la pâture des requins, dont les
gueules béantes paraissaient attendre et demander à la mort une proie
nouvelle et d'autres victimes.
Le capitaine, livré à la plus profonde tristesse, avait en vain promis à
ses passagers et à ses matelots abattus une brise favorable ou un
changement de temps qui pût tempérer la chaleur insupportable qu'un
ciel d'airain ne se lassait pas de faire descendre sur eux. Chaque matin
au lever du soleil il leur répétait: Voilà à l'horizon des nuages qui nous
annoncent de l'eau ou du vent. Et tous les yeux se ranimaient pour
s'arrêter avec avidité sur les nuages dans le sein desquels le capitaine
semblait avoir placé la dernière espérance de tant de malheureux. Mais
chaque jour le soleil en se dégageant des vapeurs de l'horizon
recommençait sa course brûlante au milieu de l'immuable azur
qu'aucun nuage ne venait voiler, qu'aucun souffle de vent ne venait
ranimer.
Les gémissemens seuls des malades troublaient le silence de cette scène
d'horreur, que l'astre du jour paraissait éclairer comme pour augmenter
l'épouvante et les souffrances des infortunés que la nature semblait
avoir condamnés à périr au sein des flots et au milieu d'une solitude
cent fois plus épouvantable que le cachot le plus affreux.
Le quarante-sixième jour de leur supplice, les matelots du Mascarenhas
crurent enfin que la Providence avait pris pitié de leurs longs tourmens.
Un navire parut à l'horizon.
--Victoire! victoire! s'écria le capitaine en apercevant le bâtiment; ce
navire n'a pu nous approcher qu'au moyen d'une brise, et bientôt sans
doute le vent qu'il a éprouvé enflera enfin nos voiles devenues depuis si
long-temps inutiles.
En un instant toutes les peines furent oubliées. Les parens et les amis
des victimes que la mort avait frappées et que l'onde venait d'engloutir
ne versèrent plus que des larmes de joie. A la mer, espérer c'est ne plus
souffrir, c'est même ne plus avoir souffert.
Mais cet espoir, accueilli avec tant d'enthousiasme, se dissipa bientôt

comme celui que chaque matin le capitaine avait voulu faire renaître
dans le coeur de ses gens, en regardant le soleil se lever! Le bâtiment en
vue, séparé encore du Mascarenhas par une grande distance, s'arrêta
avec le souffle de vent qui l'avait conduit jusqu'au point où il avait
apparu aux hommes du trois-mâts anglais.
Il fallut se résigner à aller le chercher et à communiquer
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