Sapho

Alphonse Daudet
Sapho

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Title: Sapho
Author: Alphonse Daudet
Release Date: October 21, 2004 [EBook #13825]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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Alphonse Daudet
SAPHO (1884)
Table des matières
I II III IV V VI VII VIII IX X XI XII XIII XIV XV
I
-- Regardez-moi, voyons... J’aime la couleur de vos yeux...
-- Comment vous appelez-vous?
-- Jean.

-- Jean tout court?
-- Jean Gaussin.
-- Du Midi, j’entends ça... Quel âge?
-- Vingt et un ans.
-- Artiste?
-- Non, madame.
-- Ah! tant mieux...
Ces bouts de phrases, presque inintelligibles au milieu des cris, des
rires, des airs de danse d’une fête travestie, s’échangeaient -- une nuit
de juin -- entre un pifferaro et une femme fellah dans la serre de
palmiers, de fougères arborescentes, qui faisait le fond de l’atelier de
Déchelette.
Au pressant interrogatoire de l’Égyptienne, le pifferaro répondait avec
l’ingénuité de son âge tendre, l’abandon, le soulagement d’un
Méridional resté longtemps sans parler. Étranger à tout ce monde de
peintres, de sculpteurs, perdu dès en entrant dans le bal par l’ami qui
l’avait amené, il se morfondait depuis deux heures, promenant sa jolie
figure de blond hâlé et doré par le soleil, les cheveux en frisons serrés
et courts comme la peau de mouton de son costume; et un succès, dont
il ne se doutait guère, se levait et chuchotait autour de lui.
Des épaules de danseurs le bousculaient brusquement, des rires de
rapins blaguaient la cornemuse qu’il portait tout de travers et sa
défroque de montagne, lourde et gênante dans cette nuit d’été. Une
Japonaise aux yeux de faubourg, des couteaux d’acier tenant son
chignon remonté, fredonnait en l’agaçant: _Ah! qu’il est beau, qu’il est
beau, le postillon...[1]_; tandis qu’une novio espagnole en blanches
dentelles de soie, passant au bras d’un chef apache, lui fourrait
violemment sous le nez son bouquet de jasmins blancs.
Il ne comprenait rien à ces avances, se croyait extrêmement ridicule et
se réfugiait dans l’ombre fraîche de la galerie vitrée, bordée d’un large
divan sous les verdures. Tout de suite cette femme était venue s’asseoir
près de lui.
Jeune, belle? Il n’aurait su le dire... Du long fourreau de lainage bleu où
sa taille pleine ondulait, sortaient deux bras, ronds et fins, nus jusqu’à
l’épaule; et ses petites mains chargées de bagues, ses yeux gris larges
ouverts et grandis par les bizarres ornements de fer lui tombant du front,
composaient un ensemble harmonieux.

Une actrice sans doute. Il en venait beaucoup chez Déchelette; et cette
pensée n’était pas pour le mettre à l’aise, ce genre de personnes lui
faisant très peur. Elle lui parlait de tout près, un coude au genou, la tête
appuyée sur la main, avec une douceur grave, un peu lasse... «Du Midi
vraiment?... Et des cheveux de ce blond-là!... Voilà une chose
extraordinaire.»
Et elle voulait savoir depuis combien de temps il habitait Paris, si
c’était très difficile cet examen pour les consulats qu’il préparait, s’il
connaissait beaucoup de monde et comment il se trouvait à la soirée de
Déchelette, rue de Rome, si loin de son quartier Latin. Quand il dit le
nom de l’étudiant qui l’avait amené... «La Gournerie... un parent de
l’écrivain... elle connaissait sans doute...» l’expression de ce visage de
femme changea, s’assombrit subitement; mais il n’y prit pas garde,
ayant l’âge où les yeux brillent sans rien voir. La Gournerie lui avait
promis que son cousin serait là, qu’il le présenterait. «J’aime tant ses
vers... je serais si heureux de le connaître...»
Elle eut un sourire de pitié pour sa candeur, un joli resserrement
d’épaules, en même temps qu’elle écartait de sa main les feuilles
légères d’un bambou et regardait dans le bal si elle ne lui découvrirait
pas son grand homme.
La fête à ce moment étincelait et roulait comme une apothéose de féerie.
L’atelier, le hall plutôt, car on n’y travaillait guère, développé dans
toute la hauteur de l’hôtel et n’en faisant qu’une pièce immense,
recevait sur ses tentures claires, légères, estivales, ses stores de paille
fine ou de gaze, ses paravents de laque, ses verreries multicolores, et
sur le buisson de roses jaunes garnissant le foyer d’une haute cheminée
Renaissance, l’éclairage varié et bizarre d’innombrables lanternes
chinoises, persanes, mauresques, japonaises, les unes en fer ajouré,
découpées d’ogives comme une
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