Relation de lIslande | Page 9

Isaac de la Peyrère
divine. Leur principal soin estoit, de pourvoir à la necessité des pauvres, qui est tres grande dans un pa?s pauvre. D'empescher que les pauvres d'une Repe, ne courussent à l'autre; & de refrener la li?ànce des Mandians volontaires, contre lesquels les loix estoient rigoureuses. Car il estoit permis de les tuer, ou de les chastrer, impunément; de peur qu'ils ne multipliassent, & ne fissent d'autres coquins comme eux. Il estoit mesme defàndu, sur pêne de l'exil, à un homme pauvre de se marier avec une fàme pauvre comme luy. Et il n'estoit pas permis sur la mesme pêne, à celuy qui n'avoit dequoy que pour luy seul, de pràndre une fàme qui n'avoit pas dequoy pour elle.
XVIII. Cet ordre Aristocratique de gouvernemànt, & de Justice, a duré parmy les Islandois, jusques à l'an de Grace 1263. que les Roys de Norvege se firent ma?tres de l'Isle, & la ràndirent tributaire, par la mauvaise intelligence des Islandois, qui faisoient entr'eux, des brigues, & des seditions, pour le gouvernemànt. Les Roys de Danemarck, ayant reduit en suite le Royaume de Norvege en Province, ont donné des Viceroys à ces peuples, qui n'ont retenu depuis ce temps-là, qu'une ombre legere de leur anciene forme d'Estat. La demeure de ces Viceroys est à la partie Occidàntale de l'Islande, dans un Chasteau, nommé Besestat. Ils ne sont pourtant pas obligez à faire residànce actuele dans l'Isle, qu'en cas de necessité; & n'y vont qu'une fois l'année, pour en recevoir les trib?s, qui consistent aux mesmes choses, dont j'ay dit cy dessus que les Islandois font commerce & eschange avec les Estrangers: Et dont le Roy de Danemark pourvoit une bonne partie de ses navires, soit pour nourrir, soit pour habiller ses matelots. Le dernier Viceroy d'Islande, estoit M. Prosmont, Amiral de la derniere flote Danoise, que les Suedois défirent sur cete mer, il y a environ trois mois. Il se batit vaillamment, & mourut sur son bord l'espée à la main, ayant refusé le quartier que les Enemis de son Roy luy voulurent donner.
XIX. Angrimus Jonas ne pose l'Islande Chrestiene, qu'en l'an 1000. de n?tre salut. Ce n'est pas qu'il n'y ait eu des Chrestiens long temps devant, dans cete Isle. Mais il dit que le Paganisme n'en f?t absolument bany qu'en ce temps-là. Les Islandois payens ont adoré entr'autres Dieux, Thor, & Odin. Thor, estoit comme le Jupiter; & Odin, comme le Mercure des anciens Grecs & Latins. Ils nomment encore leur Jeudy, Thorsdag, qui est le dies Jouis, & le Mercredy, Odensdagur, qui est le dies Mercurii. Les Autels consacrez à ces Dieux estoient revestus de fer, où bruloit un feu perpetuel. Et sur l'Autel, il y avoit un vase d'airain, dans lequel on versoit le sang des sacrifices, & dont on aspergeoit les assistans. Il y avoit au costé de ce vase un aneau d'argent, du poids de vint onces, qu'ils frotoient du sang de l'hostie, & qu'ils empoignoient quand ils vouloient faire quelque sermànt, ou solànnel, ou d'importance. Leurs Annales portent, qu'ils ont sacrifié des hommes à leurs Idoles. Ils les escrasoient sur des rochers, ou les jetoient dans des puis profons, creusez, & destinez pour cela, à l'entrée de leurs Tàmples. Et comme les Islandois payens avoient basty deux principaux Tàmples, dediez à leurs faux Dieux, aux deux parties, Septàntrionale, & Meridionale, de leur Isle. Les Islandois Chrestiens ont estably les deux, & les seuls Eveschez qu'ils ont, aux mesmes endroits de leur Isle: Savoir, l'Evesché de Hole, au Nort; & celuy de Schalhold, au Midy. Ils professent maintenant la mesme confession d'Ausbourg, que professe tout le Danemarck.
XX. Les anciens Islandois estoient de haute stature, forts, adroits, & vaillans; grans gladiateurs, & grans Pyrates. La Monomachie estoit autorisée parmi eux; & ils ne refusoient qui que ce fust, qui les voulust combatre seul à seul. Ils vuidoient leurs procez par le duel; Auquel celuy qui estoit vaincu, perdoit la chose contestée; & qui refusoit le combat, la perdoit comme s'il eust esté vaincu. C'estoit un moyen legitime pour aquerir des possessions parmi eux. Car de deux Gladiateurs qui se batoient, celuy qui avoit tué ou vaincu son homme, estoit ma?tre de son bien. Il n'y avoit qu'une resource pour les heritiers legitimes du defunt, ou du vaincu, qui estoit; que l'on menoit un grand Toreau au victorieux, & s'il ne l'assommoit pas d'un seul coup, il ne tenoit rien.
XXI. Avec ce que les Islandois estoient de grande force, & de grand coeur; ils estoient spirituels, & si curieux, qu'ils conservoient avec soin les memoires qu'ils recueilloient de toutes parts, des choses memorables qui se passoient dans tous les Royaumes voisins. Ce qui a obligé le bon Angrimus à dire dans son Specimen Islandicum, parlant de ses compatriotes, qu'ils sont, Ad totius Europ? res historicas lyncei.Et de fait, Saxo Grammaticus dans
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