d'avance une sage distribution, bien raisonnée, de ces bestioles? À qui 
doit mourir du choléra, Dieu dépêche les microbes du choléra, de même 
qu'il décerne le microbe du coup de pied dans le cul à celui qui doit 
recevoir un coup de pied dans le cul. 
Et maintenant, tas de francs-maçons, ne me parlez plus des conflits de 
la Science et de la Religion! 
 
LE DROIT DE BOUCHON 
Selon l'usage et comme tous mes confrères, j'ai fermé Vendredi-Saint 
dernier, ma boutique de charcuterie, et suis parti vers la banlieue, du 
côté de Saint-Ouen, hameau réputé pour sa riche floraison en tessons de 
bouteilles. 
Il faisait un temps superbe, et même un peu trop chaud pour la saison; 
mais qu'importe la haute température, si l'on est libre! 
Être libre, tout est là! 
Il vaut mieux rôtir au soleil de l'indépendance que de goûter la 
fraîcheur au sein des cachots du despotisme et de la tyrannie. 
Du moins, c'est mon avis. 
Donc, nous voilà partis, toute ma famille et moi, la joie au coeur, la 
chanson aux lèvres, en bras de chemise (les messieurs), en léger 
corsage d'indienne (les dames et les demoiselles). 
Une guinguette attira soudain nos regards, et surtout nos gosiers, car il 
commençait à faire une soif terrible. 
Imaginez une de ces guinguettes à tonnelles, à balançoires, à toutes 
sortes de jeux et divertissements, une de ces guinguettes dont la seule 
vue vous fait pousser aux pieds des ailes de pigeon.
Une grosse enseigne: Au rendez-vous des Rigolos se complétait de cette 
condescendance: On peut apporter son manger. 
Ayant déjeuné à la maison avant le départ, nous n'avions pas cru devoir 
emporter d'aliments avec nous, et nous le regrettâmes, car, grâce au 
manger dont il nous eût été si facile de nous lotir, nous aurions 
accompli une collation à la fois économique et réconfortante. 
C'est le patron lui-même de l'établissement qui nous servit. 
Pour dire quelque chose: 
--Alors, on peut apporter son manger? dis-je. 
--Parfaitement, monsieur, le monde sont libre d'apporter leur manger. 
--Et leur boire? 
--Ah! ça non, par exemple! Si le monde apportaient leur manger et leur 
boire, alors, moi, avec quoi que je me les calerais? Avec des briques? 
--C'est trop juste. 
--Il y a bien, parbleu, des gens qui ont le culot d'apporter leur vin, leur 
saint-galmier, leur cognac et tout le tremblement. Mais, moi, je 
n'entends pas de cette oreille-là; je leur fais payer un droit de bouchon 
de dix sous par bouteille introduite dans mon établissement. 
--C'est un peu cher. 
--Si ils ne sont pas contents, ils n'ont qu'à ne pas revenir. 
À ce moment, un homme et une femme, cette dernière chargée d'un 
bébé, s'installèrent à une table du Rendez-vous des Rigolos. 
L'homme demanda une chopine à cinquante et deux verres. 
Pendant qu'ils buvaient, la femme allaita l'enfant.
--Patron, cria l'homme désaltéré, payez-vous! 
Et il jeta une pièce d'un franc sur la table. 
--Ça fait le compte, répondit le patron. 
--Comment, ça fait le compte? Mais je vous donne vingt sous! 
--Eh bien! justement, une chopine cinquante, plus cinquante pour le 
bouchon de votre petit jeune homme! 
Le prolétaire fit une tête! 
 
UNE ÉTRANGE COMPLEXION 
PROLOGUE 
Ayant perdu, fort jeune, son père et sa mère, Georges vivait avec sa 
vieille grand'-maman dont il était la dernière consolation, l'unique souci, 
la seule joie. 
I 
Or, un matin, Georges rencontra dans la rue le type même du charme 
féminin et de l'irrésistible séduction. 
Georges ne songea même pas à résister: abandonnant son itinéraire, il 
suivit la jeune personne jusqu'au moment où elle s'engouffra dans un 
établissement dit de bouillon. 
Une minute ne s'écoula certainement point avant que Georges ne 
pénétrât lui-même dans le restaurant. 
Déjà, la jeune personne ne s'y trouvait plus mais, bientôt, elle 
réapparaissait, affublée d'un joli petit bonnet blanc et d'un tablier de 
même couleur. 
Georges (qui n'est pas une bête) conclut que la jeune femme servait
comme bonne dans la maison. 
S'asseyant à l'une des tables dont le service semblait dévolu à la petite, 
il commanda, quoi donc! un bouillon, naturellement. 
... Abrégeons. 
Dès lors, le coeur de notre pauvre Georges fut pris dans le pire des 
engrenages. 
Vingt fois par jour, il revenait s'asseoir à l'une des tables d'Eugénie (car 
vous avez deviné, n'est-ce pas, qu'elle s'appelait Eugénie) pour absorber 
mille aliments divers qu'il s'appliquait à choisir aussi légers que 
possible, mais dont l'ensemble ne laissait point que de le gaver tout de 
même, et solidement. 
Ce qu'on peut appeler se nourrir de prétextes. 
Aussi, c'était, à chaque repas familial, des désolations sans trêve: 
--Tu ne manges pas, mon pauvre petit! 
--Je n'ai pas faim, bonne maman. 
--Il faut se forcer, mon chéri. 
--Ça me ferait mal. 
--Le plus drôle, c'est que tu ne maigris pas, depuis le temps que tu ne 
manges plus... Tu n'as pas mal quelque part?    
    
		
	
	
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