Port-Tarascon | Page 3

Alphonse Daudet
Tartarin, des d��positions emprunt��es �� la _Gazette des Tribunaux; _et quand vous rencontrerez ?a et l��, quelque tarasconnade par trop extravagante, que le crique me croque si elle est de mon invention[2]!
LIVRE PREMIER
Chapitre I
_Dol��ances de Tarascon contre l'��tat des choses. -- Les boeufs, les P��res blancs. --Un tarasconnais au pays. -- Si��ge et reddition de l'abbaye de Pamp��rigouste._
?Franquebalme, mon bon..., Je ne suis pas content de la France!... Nos gouvernants nous font de tout.?
Prof��r��es un soir par Tartarin devant la chemin��e du cercle, avec le geste et l'accent qu'on imagine, ces paroles m��morables r��sument bien ce qui se pensait et disait �� Tarascon-sur-Rh?ne deux ou trois mois avant l'��migration. Le Tarasconnais en g��n��ral ne s'occupe pas de politique: indolent de nature, indiff��rent �� tout ce qui ne l'atteint pas localement, il tient pour l'_��tat de choses_, comme il dit. Pas moins, depuis quelque temps, on lui reprochait un tas de choses, �� l'_��tat de choses_!
?Nos gouvernants nous font de tout!? disait Tartarin.
Dans ce ?de tout? il y avait d'abord l'interdiction des courses de taureaux.
Vous connaissez sans doute l'histoire de ce Tarasconnais tr��s mauvais chr��tien et garnement de la pire esp��ce, lequel apr��s sa mort s'��tant introduit au Paradis par surprise, pendant que saint Pierre avait le dos tourn��, n'en voulait plus sortir, malgr�� les supplications du divin porte-clefs. Alors, que fit le grand saint Pierre? Il envoya toute une vol��e d'anges clamer devant le ciel autant qu'ils auraient de voix:
?T��! t��!... les boeufs!... T��! t��!... les boeufs!...? qui est le cri des courses tarasconnaises. Oyant cela, le bandit change de figure:
?Vous avez donc des courses, par ici, grand saint Pierre?
-- Des courses?... je crois bien magnifiques, mon bon.
-- O�� donc ?��?... o�� se font-elles, ces courses?
-- Devant le Paradis... Il y a du large, tu penses.
Du coup le Tarasconnais se pr��cipite dehors pour voir, et les portes du ciel se referment sur lui �� tout jamais.
Si je rappelle ici cette l��gende aussi vieille que les bancs du tour-de-ville, c'est afin d'indiquer la passion des gens de Tarascon pour les courses de taureaux et la col��re o�� les mit la suppression de ce genre d'exercice.
Apr��s, vint l'ordre d'expulser les P��res-Blancs de fermer leur joli couvent de Pamp��rigouste, perch�� sur une collinette toute grise de thym et de lavande install�� l�� depuis des si��cles aux portes de la ville, d'o�� l'on aper?oit, entre les pins, la dentelle de ses clochetons carillonnant dans les brises claires du matin avec le chant des alouettes, au cr��puscule avec le cri m��lancolique des courlis.
Les Tarasconnais les aimaient beaucoup, leurs P��res-Blancs, doux, bons, inoffensifs, et qui savaient tirer des herbes parfum��es dont la montagnette est couverte un si excellent ��lixir; ils les aimaient pareillement pour leurs pat��s d'hirondelles et leurs d��licieux _pains-poires[3]_, qui sont des coings envelopp��s d'une pate fine et dor��e, d'o�� le nom de Pamp��rigouste[4] donn�� �� l'abbaye.
Aussi quand l'ordre officiel d'avoir �� quitter leur couvent fut envoy�� aux P��res et que ceux-ci refus��rent de sortir, quinze cents �� deux mille Tarasconnais du commun, portefaix, d��crotteurs, d��chargeurs de bateaux du Rh?ne, ce que nous appelons la rafataille, vinrent s'enfermer dans Pamp��rigouste avec les bons moines.
La bourgeoisie tarasconnaise, les messieurs du cercle, Tartarin en t��te, pensaient bien aussi �� soutenir la sainte cause. Il n'y eut pas une minute d'h��sitation. Mais on ne se jette pas dans une pareille entreprise sans pr��paratifs d'aucune sorte. Bon pour la rafataille, d'agir ainsi ��tourdiment.
Avant tout, il fallait des costumes. Et ils furent command��s; de superbes costumes renouvel��s de la croisade, longues l��vites noires, avec une grande croix blanche sur la poitrine, et partout, devant, derri��re, des entrelacements de f��murs soutach��s. La soutache surtout prit beaucoup de temps.
Quant tout fut pr��t, le couvent ��tait d��j�� investi. Les troupes l'entouraient d'un triple cercle, camp��es dans les champs et sur les pentes pierreuses de la petite colline.
Les pantalons rouges de loin semblaient dans le thym et la lavande une floraison subite de coquelicots.
On rencontrait par les chemins de continuelles patrouilles de cavaliers, la carabine le long de la cuisse, le fourreau de sabre battant le flanc du cheval, l'��tui de revolver �� la ceinture.
Mais ce d��ploiement de forces n'��tait pas pour arr��ter l'intr��pide Tartarin, qui avait r��solu de passer, ainsi qu'un gros de messieurs du cercle.
�� la file indienne, rampant sur les mains et les genoux avec toutes les pr��cautions, toutes les ruses classiques des sauvages de Fenimore, ils r��ussirent �� se glisser �� travers les lignes d'investissement, longeant les rang��es des tentes endormies, tournant les sentinelles, les patrouilles, et de l'un �� l'autre se signalant les passages dangereux par une imparfaite imitation de cris d'oiseaux.
Il en fallait du courage pour tenter l'aventure par ces nuits claires comme un plein jour; Il est vrai de dire que les assi��geants avaient tout int��r��t �� laisser entrer le plus de monde possible.
Ce qu'on voulait,
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