Poignet-d'acier 
 
The Project Gutenberg EBook of Poignet-d'acier, by Émile Chevalier 
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Title: Poignet-d'acier Ou Les Chippiouais 
Author: Émile Chevalier 
Release Date: June 24, 2006 [EBook #18672] 
Language: French 
Character set encoding: ISO-8859-1 
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POIGNET-D'ACIER *** 
 
Produced by Rénald Lévesque 
 
ÉMILE CHEVALIER 
POIGNET-D'ACIER ou LES CHIPPIOUAIS 
 
PARIS CALMANN-LÉVY, ÉDITEURS 3, RUE AUBER, 3
CHAPITRE PREMIER 
A LORETTE 
--Ma foi, oui, je le répète, j'envie votre sort, mon cher James. 
--Et moi, je le maudis; vrai Dieu! 
--Vous plaisantez? 
--Plaisanter! le diable m'emporte si je plaisante! La belle existence que 
j'ai en perspective! l'hiver, un froid à geler le mercure; l'été une chaleur 
à rôtir tous les poissons de la baie d'Hudson. Pour compagnie, des 
sauvages abominables; pour distraction, des femmes monstres; pour 
horizon, des neiges et des glaces qui durent huit à dix mois de l'année, 
et, brochant sur le tout, la faim, la soif qui vous font trop fidèle et 
constante escorte: voilà le tableau! 
--Bah! vous exagérez! les Indiennes ne sont pas si laides... 
--Pardieu, vous en parlez tout à votre aise, vous qui êtes allé chercher 
dans le désert la plus charmante femme du globe, répondit James avec 
une teinte d'amertume. 
Puis, il ajouta, en glissant sur son interlocuteur un coup d'oeil incisif: 
--Mais comment peut-on regretter la vie d'aventures, quand on a le 
bonheur pour hôte assidu à son foyer? 
L'autre soupira sans répondre. 
James saisit avec avidité ce signe de mécontentement. Comme un éclair, 
la joie brilla une seconde sur son visage; toutefois, il continua 
froidement: 
--Non-seulement vous avez épousé la personne que vous aimiez, mais 
vous êtes riche, considéré, artiste en renom; en faut-il plus pour être
satisfait, mon bon Alfred? 
--J'avoue, dit celui-ci, qui n'avait point remarqué les divers 
mouvements de James, j'avoue qu'aux yeux du monde, je paraîtrais un 
ingrat si je me plaignais. Comme vous le disiez, j'adore Victorine 
autant qu'elle me chérit... 
A ces mots, le jeune homme auquel ils s'adressaient détourna la tête: 
ses sourcils se froncèrent et il se mordit la lèvre inférieure comme pour 
refouler une émotion violente. Alfred poursuivait toujours, sans se 
douter de rien. 
--Nous sommes heureux, fort heureux, et cependant... 
--Cependant? répéta James en tressaillant. 
--Cependant, je vous le confie, je m'ennuie parfois. 
--Vous! allons donc! 
--Ce n'est que trop vrai. 
--Que vous manque-t-il? que vous manque-t-il, jour de Dieu? Madame 
Robin... 
--Oh! je suis sûr de l'amour de ma femme, fit Alfred avec le ton et le 
geste d'une conviction sincère. 
--Eh bien, alors? articula péniblement James, dont le visage s'était 
rembruni tout à coup. 
--Eh bien, mon cher ami, j'ai malgré moi, malgré toute ma félicité 
domestique, la plus ardente envie de faire un nouveau voyage... dans 
les solitudes américaines. 
--Vous dites? s'exclama vivement James. 
--Je dis que je jalouse votre destinée et que je donnerais... Ah! je suis 
fou!
--Je le croirais, si je ne vous savais si sage, fut-il reparti. 
--Mais les voyages! continua Robin, les grandes et puissantes 
impressions que l'on reçoit au milieu de cette nature vierge, loin des 
conventions ridicules, des préjugés étroits, des habitudes mesquines de 
la civilisation, c'est là la vie, c'est là la jouissance pour un homme 
intelligent! 
--Souffrez que je ne partage pas votre avis, dit James en riant. 
--Oh! vous, vous êtes un matérialiste! répondit Alfred avec un 
hochement de tête. 
--Matérialiste ou non, je déteste les Indiens et vous confesse que je ne 
suis rien moins que prêt à me rendre à l'ordre de monsieur mon père. 
--Quelle délicieuse chose pourtant qu'une expédition d'ici au fort du 
Prince-de-Galles! 
--Quelques milliers de milles à travers des terres incultes, fit James en 
haussant les épaules. 
--Je voudrais bien être à votre place, dit Alfred d'un air rêveur. 
--Et moi à la vôtre! 
James laissa tomber ces paroles sans y penser, en manière de réplique; 
mais, à peine les eût-il prononcées qu'il en comprit toute la signification: 
ses prunelles s'allumèrent d'un feu sombre qui embrasa aussi ses joues 
tannées, et un tremblement nerveux parcourut ses membres. 
Absorbé par ses réflexions, Alfred n'avait pas plus entendu la réponse 
qu'il ne soupçonna l'agitation de son ami. 
Dans sa préoccupation, il oubliait même de payer le prix du passage sur 
le pont Dorchester, mais la voix du collecteur [1] le rappela à la réalité. 
[Note 1: Par ce titre, on désigne, au Canada, tous les percepteurs de 
fonds publics.]
Car le dialogue précédent avait eu lieu entre Alfred Robin, jeune 
homme d'une trentaine d'années, et James Mac Carthy, un peu moins 
âgé que lui, dans la voiture du premier,    
    
		
	
	
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