le choix des sujets, dans le style, dans la 
versification, a déployé 'une véritable originalité dans l'idylle.' 
[Footnote 10: Journal des Savants, article sur les oeuvres complètes 
d'André Chénier par Raynouard, 1819.] 
Style incorrect, parfois barbare, idées vagues et incohérentes, manie de 
mutiler la phrase et de la tailler à la grecque, coupes bizarres, prononce 
Victor Hugo[11]. 'Chacun de ces défauts du poète, ajoute-t-il, est 
peut-être le germe d'un perfectionnement pour la poésie.' Victor Hugo 
voit dans l'oeuvre de Chénier une poésie nouvelle. Il y trouve même 
fraîcheur d'idées, même luxe d'images que dans Lamartine. 
[Footnote 11: _Littérature et philosophie mêlées_, par Victor Hugo, 
édition ne varietur_, Hetzel-Quantin, 1882--t. i: Sur André de Chénier_ 
(1819); _Sur un poète apparu en 1820_--c'est-à-dire Lamartine (1820).] 
On voit donc que les premiers critiques d'André Chénier reconnaissent 
en lui un novateur et que, même, leurs habitudes sont vivement 
heurtées par ses innovations.
En 1828--après une nouvelle édition[12], augmentée de quelques 
morceaux inédits, mais qui altère souvent le texte,--c'est encore la 
nouveauté de l'oeuvre que constate Villemain[13]. Chénier a 'une 
manière neuve de sentir et de rendre l'antiquité.' Il a fait pour la poésie 
ce que Bernardin de Saint-Pierre avait fait pour la prose; il lui a rendu 
le coloris par la simplicité. 
[Footnote 12: OEUVRES POSTHUMES D'ANDRÉ CHÉNIER, 
édition nouvelle publiée par D. Charles Robert, Paris, Guillaume, 
1824-26, 2 volumes avec un facsimilé.] 
[Footnote 13: _Tableau de la Littérature du XVIIIe siècle_, par 
Villemain (1828), 3e édition, Didier, 1841 (tome iv, leçons 58, 59, 60).] 
En cette même année Sainte-Beuve, dans son _Tableau de la Poésie 
française au XVIe siècle_[14], donne André Chénier, avec les hommes 
de la Pléiade: Ronsard, Du Bellay, etc., comme ancêtre aux 
romantiques. André Chénier ouvre une époque[15]. Il a retrempé le 
vers flasque du XVIIIe siècle. Son alexandrin n'est celui ni de Racine ni 
de Delille, mais celui de Ronsard, de Baïf et de Régnier[16]. 
Sainte-Beuve se passionne pour André Chénier. Il ne cesse plus de 
s'occuper de lui. Après les fragments inédits donnés par H. de 
Latouche[17] et sa nouvelle édition[18], Sainte-Beuve lui-même publie 
de nouveaux fragments[19], insérés dans l'édition clichée de 1839[20]; 
il entreprend de corriger les éditions de H. de Latouche, se met en 
rapport avec Gabriel de Chénier (fils de Sauveur Chénier) et publie une 
importante étude sur André Chénier[21], où, examinant l'_Hermès_ et 
corrigeant son impression première, il prononce que celui qu'il 
revendiquait naguère comme un précurseur du romantisme était 'un 
homme aussi pleinement et chaudement de son siècle à sa manière que 
pouvait l'être Raynal ou Diderot.' 
[Footnote 14: _Tableau de la poésie française au seizième siècle_, par 
Sainte-Beuve, 1828.] 
[Footnote 15: _Mathurin Régnier et André Chénier_, par Sainte-Beuve 
(août 1829), dans _Portraits Littéraires_, tome i, pp. 159-75.]
[Footnote 16: _Vie, poésies et pensées de Joseph Delorme_, par 
Sainte-Beuve, 1829.] 
[Footnote 17: FRAGMENTS D'ANDRÉ CHÉNIER, publiés par H. de 
Latouche dans la Revue de Paris, décembre 1829, mars 1830.] 
[Footnote 18: ANDRÉ CHÉNIER, POÉSIES POSTHUMES ET 
INÉDITES publiées par H. de Latouche, Paris, Charpentier et Randuel, 
1833, 2 vol. _Revue des Deux Mondes_, 15 juin 1838, article de G. 
Planche.] 
[Footnote 19: FRAGMENTS DE CHÉNIER, publiés par Sainte-Beuve 
dans la Revue des Deux Mondes, 1er février 1839, sous le titre 
_Quelques documents inédits sur André Chénier_.] 
[Footnote 20: POÉSIES D'ANDRÉ, précédées d'une notice par M. 
Henri de Latouche, suivie de notes et fragments, etc. Nouvelle édition. 
Paris, Charpentier, 1839.] 
[Footnote 21: _Portraits littéraires_, par Sainte-Beuve, t. i, pp. 176-208 
(1er février 1839). OEUVRES EN PROSE D'ANDRÉ CHÉNIER, 
_augmentées d'un grand nombre de morceaux inédits et précédées de 
toutes les relatives à son procès devant le tribunal révolutionnaire_... 
Paris, Ch. Gosselin, 1840.] 
André Chénier, que l'on vient de voir revendiquer un moment comme 
ancêtre du romantisme, sera plus tard proclamé précurseur de l'École 
parnassienne. Il est donc curieux d'enregistrer l'appréciation que fit de 
lui en 1840 le jeune Leconte de Lisle[22]: 'La facture de son vers, la 
coupe de sa phrase pittoresque et énergique, ont fait de ses poèmes une 
oeuvre nouvelle et savante d'une mélodie entièrement ignorée, d'un 
éclat inattendu.' 
[Footnote 22: _André Chénier_, par Leconte de Lisle, article publié 
dans la _Variété_, Rennes, 1840-41. 
_Poésies de François Malherbe avec un_ COMMENTAIRE _inédit 
par_ ANDRÉ CHÉNIER, publiées par M. de Latour, Paris, Charpentier,
1842.] 
En avançant dans cette revue de la critique qu'a provoquée l'oeuvre 
d'André Chénier, il semble qu'on s'enfonce dans un fourré d'opinions 
contradictoires. Voici Saint-Marc Girardin[23] pour qui rien, chez 
André Chénier, ne laisse prévoir le romantisme, et qui, tout en 
déclarant, avec une apparente contradiction, que sa poésie annonce 
Lamartine, lui attribue une mélancolie uniquement littéraire. Voici 
Nisard[24] pour qui André Chénier ne fut point de son temps et a égalé 
ses maîtres antiques. 
[Footnote 23: _Cours de littérature dramatique_, par Saint-Marc 
Girardin, Paris, Charpentier, 1843, 5 volumes in-12°(t. IV, ch. liv).]    
    
		
	
	
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