Pierre et Jean

Guy de Maupassant
Pierre et Jean

The Project Gutenberg EBook of Pierre et Jean, by Guy de Maupassant
This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
with this eBook or online at www.gutenberg.net
Title: Pierre et Jean
Author: Guy de Maupassant
Release Date: February 17, 2004 [EBook #11131]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK PIERRE ET
JEAN ***

Produced by Miranda van de Heijning, Renald Levesque and PG
Distributed Proofreaders. This file was produced from images
generously made available by the Bibliotheque nationale de France
(BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr.

PIERRE & JEAN
GUY DE MAUPASSANT

«LE ROMAN»
Je n'ai point l'intention de plaider ici pour le petit roman qui suit. Tout
au contraire les idées que je vais essayer de faire comprendre
entraîneraient plutôt la critique du genre d'étude psychologique que j'ai
entrepris dans Pierre et Jean.
Je veux m'occuper du Roman en général.
Je ne suis pas le seul à qui le même reproche soit adressé par les mêmes
critiques, chaque fois que paraît un livre nouveau.
Au milieu de phrases élogieuses, je trouve régulièrement celle-ci, sous
les mêmes plumes:
--Le plus grand défaut de cette oeuvre c'est qu'elle n'est pas un roman à
proprement parler.
On pourrait répondre par le même argument.
--Le plus grand défaut de l'écrivain qui me fait l'honneur de me juger,
c'est qu'il n'est pas un critique.
Quels sont en effet les caractères essentiels du critique?
Il faut que, sans parti pris, sans opinions préconçues, sans idées d'école,
sans attaches avec aucune famille d'artistes, il comprenne, distingue et
explique toutes les tendances les plus opposées, les tempéraments les
plus contraires, et admette les recherches d'art les plus diverses.
Or, le critique qui, après _Manon Lescaut, Paul et Virginie, Don
Quichotte, les Liaisons dangereuses, Werther, les Affinités électives,
Clarisse Harlowe, Émile, Candide, Cinq-Mars, René, les Trois
Mousquetaires, Mauprat, le Père Goriot, la Cousine Bette, Colomba, le
Rouge et le Noir, Mademoiselle de Maupin, Notre-Dame de Paris,
Salammbô, Madame Bovary, Adolphe, M. de Camors, l'Assommoir,
Sapho_, etc., ose encore écrire: «Ceci est un roman et cela n'en est pas

un», me paraît doué d'une perspicacité qui ressemble fort à de
l'incompétence.
Généralement ce critique entend par roman une aventure plus ou moins
vraisemblable, arrangée à la façon d'une pièce de théâtre en trois actes
dont le premier contient l'exposition, le second l'action et le troisième le
dénouement.
Cette manière de composer est absolument admissible à la condition
qu'on acceptera également toutes les autres.
Existe-t-il des règles pour faire un roman, en dehors desquelles une
histoire écrite devrait porter un autre nom?
Si Don Quichotte est un roman, le Rouge et le Noir en est-il un autre?
Si Monte-Cristo est un roman, l'Assommoir en est-il un? Peut-on établir
une comparaison entre les _Affinités électives de Goethe, les Trois
Mousquetaires_ de Dumas, Madame Bovary de Flaubert, M. de Camors
de M.O. Feuillet et Germinal de M. Zola? Laquelle de ces oeuvres est
un roman? Quelles sont ces fameuses règles? D'où viennent-elles? Qui
les a établies? En vertu de quel principe, de quelle autorité et de quels
raisonnements?
Il semble cependant que ces critiques savent d'une façon certaine,
indubitable, ce qui constitue un roman et ce qui le distingue d'un autre,
qui n'en est pas un. Cela signifie tout simplement, que, sans être des
producteurs, ils sont enrégimentés dans une école, et qu'ils rejettent, à
la façon des romanciers eux-mêmes, toutes les oeuvres conçues et
exécutées en dehors de leur esthétique.
Un critique intelligent devrait, au contraire, rechercher tout ce qui
ressemble le moins aux romans déjà faits, et pousser autant que
possible les jeunes gens à tenter des voies nouvelles.
Tous les écrivains, Victor Hugo comme M. Zola, ont réclamé avec
persistance le droit absolu, droit indiscutable, de composer, c'est-à-dire
d'imaginer ou d'observer, suivant leur conception personnelle de l'art.
Le talent provient de l'originalité, qui est une manière spéciale de

penser, de voir, de comprendre et de juger. Or, le critique qui prétend
définir le Roman suivant l'idée qu'il s'en fait d'après les romans qu'il
aime, et établir certaines règles invariables de composition, luttera
toujours contre un tempérament d'artiste apportant une manière
nouvelle. Un critique, qui mériterait absolument ce nom, ne devrait être
qu'un analyste sans tendances, sans préférences, sans passions, et,
comme un expert en tableaux, n'apprécier que la valeur artiste de l'objet
d'art qu'on lui soumet. Sa compréhension, ouverte à tout, doit absorber
assez complètement sa personnalité pour qu'il puisse découvrir et
vanter les livres même qu'il n'aime pas comme homme et qu'il doit
comprendre comme juge.
Mais la plupart des critiques ne sont, en somme, que des lecteurs, d'où
il résulte qu'ils nous
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 63
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.