Pierre Nozière 
 
The Project Gutenberg EBook of Pierre Noziere, by Anatole France 
This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with 
almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or 
re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included 
with this eBook or online at www.gutenberg.net 
Title: Pierre Noziere 
Author: Anatole France 
Release Date: November 21, 2003 [EBook #10160] 
Language: French 
Character set encoding: ISO Latin-1 
*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK PIERRE 
NOZIERE *** 
 
Produced by Walter Debeuf: http://users.belgacom.net/gc782486 
 
PIERRE NOZIÈRE 
par ANATOLE FRANCE 
 
LIVRE PREMIER
ENFANCE 
 
I 
L'HISTOIRE SAINTE ET LE JARDIN DES PLANTES 
La première idée que je reçus de l'univers me vint de ma vieille Bible 
en estampes. C'était une suite de figures du XVIIe siècle, où le Paradis 
terrestre avait la fraîcheur abondante d'un paysage de Hollande. On y 
voyait des chevaux brabançons, des lapins, de petits cochons, des 
poules, des moutons à grosse queue. Ève promenait parmi les animaux 
de la création sa beauté flamande. Mais c'étaient là des trésors perdus. 
J'aimais mieux les chevaux. 
Le septième feuillet (je le vois encore) représentait l'arche de Noé au 
moment où l'on embarque les couples de bêtes. L'arche de Noé était, 
dans ma Bible, une sorte de longue caravelle surmontée d'un château de 
bois, avec un toit en double pente. Elle ressemblait exactement à une 
arche de Noé qu'on m'avait donnée pour mes étrennes et qui exhalait 
une bonne odeur de résine. Et cela m'était une grande preuve de la 
vérité des Écritures. 
Je ne me lassais ni du Paradis ni du Déluge. Je prenais aussi plaisir à 
voir Samson enlevant les portes de Gaza. Cette ville de Gaza, avec ses 
tours, ses clochers, sa rivière, et les bouquets de bois qui l'environnaient, 
était charmante. Samson s'en allait, une porte sous chaque bras. Il 
m'intéressait beaucoup. C'était mon ami. Sur ce point comme sur bien 
d'autres, je n'ai pas changé. Je l'aime encore. Il était très fort, très 
simple, il n'avait pas l'ombre de méchanceté, il fut le premier des 
romantiques, et non certes le moins sincère. 
J'avoue que je démêlais mal, dans ma vieille Bible, la suite des 
événements, et que je me perdais dans les guerres des Philistins et des 
Amalécites. Ce que j'admirais le plus en ces peuples c'étaient leurs 
coiffures, dont la diversité m'étonne encore. On y voyait des casques, 
des couronnes, des chapeaux, des bonnets et des turbans merveilleux.
Je n'oublierai de ma vie la coiffure que Joseph portait en Égypte. C'était 
bien un turban, si vous voulez, et même un large turban, mais il était 
surmonté d'un bonnet pointu, et il s'en échappait une aigrette avec deux 
plumes d'autruche, et c'était une coiffure considérable. 
Le Nouveau-Testament avait, dans ma vieille Bible, un charme plus 
intime, et je garde un souvenir délicieux du potager dans lequel Jésus 
apparaissait à Madeleine. "Et elle pensoit, dit le texte, que ce fust le 
maistre du jardin." Enfin, dans les sept oeuvres de la miséricorde, 
Jésus-Christ, qui était le pauvre, le prisonnier et le pèlerin, voyait venir 
à lui une dame parée comme Anne d'Autriche, d'une grande collerette 
de point de Venise. Un cavalier, coiffé d'un feutre à plumes, le poing 
sur la hanche, cape au dos, chaussé galamment de bottes en entonnoir, 
du perron d'un château aux murs de brique, faisait signe à un petit page, 
portant une buire et un gobelet d'argent, de verser du vin au pauvre, 
ceint de l'auréole. Que cela était aimable, mystérieux et familier! Et 
comme Jésus-Christ, dans un cabinet de verdure, au pied d'un pavillon 
bâti du temps du roi Henri, sous notre ciel humide et fin, semblait plus 
près des hommes, et plus mêlé aux choses de ce monde! 
Chaque soir, sous la lampe, je feuilletais ma vieille Bible, et le sommeil, 
ce sommeil délicieux de l'enfance, invincible comme le désir, 
m'emportait dans ses ombres tièdes, l'âme toute pleine encore d'images 
sacrées. Et les patriarches, les apôtres, les dames en collerette de 
guipure, prolongeaient dans mes rêves leur vie surnaturelle. Ma Bible 
était devenue pour moi la réalité la plus sensible, et je m'efforçais d'y 
conformer l'univers. 
L'univers ne s'étendait pas, pour moi, beaucoup au delà du qui 
Malaquais, où j'avais commencé de respirer le jour, comme dit cette 
tendre vierge d'Alpe. Et je respirais avec délices le jour qui baigne cette 
région d'élégance et de gloire, les Tuileries, le Louvre, le Palais 
Mazarin. Parvenu à l'âge de cinq ans, je n'avais pas encore beaucoup 
exploré les parties de l'univers situées par-delà le Louvre, sur la rive 
droite de la Seine. La rive opposée m'était mieux connue puisque je 
l'habitais. J'avais suivi la rue des Petits-Augustins jusqu'au bout, et je 
pensais bien que c'était le bout du monde.
La rue des Petits-Augustins s'appelle aujourd'hui    
    
		
	
	
	Continue reading on your phone by scaning this QR Code
 
	 	
	
	
	    Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the 
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.
	    
	    
