Paris nouveau et Paris futur | Page 2

Victor Fournel
son aise, apr��s avoir pris la pr��caution d'enclouer ses batteries, et nous ne tenons pas plus �� le subir que nous ne tiendrions �� l'imposer.
[Note 2: Voir, en particulier, plusieurs des innombrables communiqu��s adress��s �� l'Opinion nationale et au Journal des D��bats. M. le pr��fet s'entend mieux que pas un �� se faire une tribune de celle de ses adversaires.]
Ici, qu'on nous permette une r��miniscence classique. Quand un g��n��ral romain montait au Capitole, loin de s'inqui��ter des quelques voix discordantes qui se m��laient aux acclamations de la foule, il voulait les entendre, et les r��clamait au besoin comme un assaisonnement du concert. On organisait une opposition par ordre derri��re le char du triomphateur. C'��tait l��, sans doute, un raffinement de sensualit�� pa?enne qui serait aujourd'hui d��plac��, et je ne demande pas qu'on le ressuscite; chacun sait bien, d'ailleurs, que cette r��surrection serait impossible. Mais, �� une ��poque o�� nous avons emprunt�� tant de choses �� l'histoire du peuple qui a produit Jules C��sar, le souvenir m'a paru tout �� fait de mise.
Les Parisiens, dit-on, admirent beaucoup leur nouvelle ville; on assure que les ��trangers nous l'envient; les provinciaux nous apportent leur extase de tous les bouts de la France. J'ai lu dans le Constitutionnel, et dans plusieurs journaux ��galement accr��dit��s, auxquels un publiciste fameux a pr��t�� r��cemment un concours inattendu, que la transformation de Paris est le miracle du si��cle; il est d'usage de n'en point parler, dans les cantates et dans les discours qui ont gard�� la tradition du grand style oratoire, sans y joindre l'��pith��te de prodigieuse, ou tout au moins d'admirable. Derni��rement, un homme d'esprit, en une com��die fameuse applaudie deux cents fois de suite sur un de nos premiers th��atres, faisait des embellissements de Paris son argument le plus victorieux contre les ganaches qui s'obstinent �� nier le progr��s de toutes choses et les charmes particuliers de l'��poque actuelle. Contre un si rare accord qu'est-ce que la voix d'un contribuable obscur, qui n'est pas m��me fonctionnaire? Je suis honteux d'opposer �� cette mer d'enthousiasme le grain de sable de ma critique. Mais, puisque j'ai le malheur d'��tre une de ces ganaches que l'argument ne suffit pas �� convaincre; puisque j'ai le mauvais go?t de ne point me trouver d'accord avec l'esth��tique des cantates et du Constitutionnel, j'aurai du moins la franchise d'avouer ce ridicule, sans chercher �� l'att��nuer, et de me punir de mes torts en les expiant par une confession publique et sinc��re.

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PARIS NOUVEAU
ET
PARIS FUTUR
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PARIS NOUVEAU

I
COUP D'OEIL G��N��RAL
Il y a quatre cents ans, lorsque Quasimodo, accoud�� sur la balustrade des tours de Notre-Dame, regardait Paris ��tendu sous ses pieds, voici ce qu'il voyait: un oc��an de toits aigus, de pignons taill��s, de clochetons sculpt��s, de tourelles accroch��es aux angles des murs; un luxuriant fouillis de pyramides de pierre, d'ob��lisques d'ardoises, de donjons massifs, de tours a��riennes, de fl��ches brod��es en dentelles; un labyrinthe fourmillant et profond, o�� se confondaient dans un harmonieux p��le-m��le les devantures sculpt��es, les fen��tres histori��es, les portes enjoliv��es, les solives curieusement ouvr��es, les murailles cr��nel��es, les ��glises aux grands porches ogivaux surcharg��s de statues, les h?tels somptueux et s��v��res avec leurs for��ts de chemin��es, de girouettes, de sveltes aiguilles, de pavillons, de herses de fer, de lanternes d��coup��es �� jour, d'arabesques ��tincelantes, de vis, de spirales, de gargouilles et de tournelles en fuseau. Un inextricable enchev��trement de ruelles serpentait d'un bout �� l'autre de la ville, faisant �� travers les hautes maisons pittoresques des perc��es capricieuses et charmantes, m��nageant aux regards des perspectives infinies, o�� l'impr��vu naissait et renaissait �� chaque pas; m��lant sans cesse, dans le plus amusant amalgame, le hideux �� la grace et le grandiose au burlesque.
Par ces mille voies sinueuses marchait une population bariol��e de bourgeois en robes de laine, de seigneurs en robes de drap d'or, de magistrats et de pr��lats en robes de soie, emb��guin��s de velours et d'hermine; d'archers et de sergents de la pr��v?t��, en hoquetons, c?te �� c?te avec les truands de la cour des Miracles; de jongleurs en bas rouges menant un ours en laisse ou une truie savante attel��e �� son rouet; de trouv��res, la harpe au dos et le tambourin pendu �� la ceinture. Ici, une confr��rie s'avan?ait, la banni��re du patron en t��te; l��, un chapitre portait en procession la chasse de son saint; plus loin les chefs d'une corporation se rendaient au lieu de leur s��ance, escort��s des compagnons en grand costume, et pr��c��d��s de la bande joyeuse des m��n��triers. Partout les ��coliers turbulents de l'Universit�� animaient la ville de leurs cris, de leurs rixes et de leurs f��tes. C'��tait un ��blouissement, un r��ve, souvent un cauchemar. Un grand po?te a d��crit ce spectacle magique et prestigieux que pr��sentait chaque jour le Paris du moyen age, et je serais fach�� qu'on p?t croire
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