répondit Olivier. 
Le chef dirigea vers la tête d'Olivier un coup de sa cuiller à pot, 
l'étreignit dans ses bras, et appela à grands cris le bedeau. 
Le conseil siégeait en séance solennelle quand M. Bumble tout hors de 
lui, se précipita dans la salle, et s'adressant au président, lui dit: 
«Monsieur Limbkins, je vous demande pardon, monsieur, Olivier Twist 
en a redemandé.» 
Ce fut une stupéfaction générale; l'horreur était peinte sur tous les 
visages. 
«Il en a redemandé, dit M. Limbkins? calmez-vous, Bumble, et 
répondez-moi clairement. Dois-je comprendre qu'il a redemandé de la 
nourriture, après avoir mangé le souper alloué par le règlement? 
- Oui, monsieur, répondit Bumble.
- Cet enfant-là se fera pendre, dit le monsieur au gilet blanc; oui, cet 
enfant-là se fera pendre.» 
Personne ne contredit cette prédiction. Une discussion très vive eut lieu; 
Olivier fut mis au cachot, et le lendemain matin, un avis affiché à la 
porte offrait une récompense de cinq livres sterling[2] à quiconque 
voudrait débarrasser la paroisse d'Olivier Twist; en d'autres termes, on 
offrait cinq livres sterling et Olivier Twist à quiconque, homme ou 
femme, aurait besoin d'un apprenti pour n'importe quel commerce ou 
quelle besogne. 
«De ma vie vivante, je n'ai jamais été plus certain d'une chose, disait le 
monsieur au gilet blanc en frappant à la porte le lendemain matin et en 
lisant l'affiche; de ma vie vivante, je n'ai jamais été plus certain d'une 
chose! c'est que cet enfant-là se fera pendre.» 
Comme je me propose, dans la suite de ce récit, de montrer si le 
monsieur au gilet blanc eut raison ou non, je nuirais peut-être à l'intérêt 
de ma narration (si toutefois elle en a), en faisant pressentir si la vie 
d'Olivier Twist eut ou non ce terrible dénoûment. 
CHAPITRE III Comment Olivier Twist fut sur la point d'attraper une 
place qui n'eût pas été une sinécure. 
Après avoir commis le crime impardonnable de redemander du gruau, 
Olivier resta pendant huit jours étroitement enfermé dans le cachot où 
l'avaient envoyé la miséricorde et la sagesse du conseil d'administration. 
On pouvait supposer, au premier abord, que, s'il eût accueilli avec 
respect la prédiction du monsieur au gilet blanc, il aurait pu établir, une 
fois pour toutes, la réputation prophétique de ce sage administrateur, en 
accrochant un bout de son mouchoir à un clou dans la muraille, et en se 
suspendant à l'autre. Il n'y avait qu'un obstacle à l'exécution de cet acte: 
c'est que, par ordre exprès du conseil, signé, paraphé et scellé de tous 
les membres, les mouchoirs, étant considérés comme objets de luxe, 
avaient été, à toujours, interdits aux pauvres du dépôt; l'âge si tendre 
d'Olivier était un second obstacle aussi sérieux; il se contenta de pleurer 
amèrement pendant des journées entières; et, quand venaient les 
longues et tristes heures de la nuit, il mettait ses petites mains devant 
ses yeux pour ne pas voir l'obscurité, et se blottissait dans un coin pour 
tâcher de dormir; parfois il s'éveillait en sursaut et tout tremblant; il se 
collait contre le mur, comme s'il trouvait, à toucher cette surface dure et 
froide, une protection contre les ténèbres et la solitude qui
l'environnaient. 
Il ne faut pas que les ennemis du _Système_ s'imaginent que, pendant 
la durée de son emprisonnement, Olivier fut privé du bienfait de 
l'exercice, du plaisir de la société, ou des consolations de la religion. 
Quant à l'exercice, comme le temps était beau et froid, il avait la 
permission de se laver tous les matins sous la pompe, dans une cour 
pavée, en présence de M. Bumble, qui, pour l'empêcher de s'enrhumer, 
activait chez lui la circulation du sang au moyen de fréquents coups de 
canne. Quant à la société, on l'amenait tous les deux jours dans le 
réfectoire des enfants, et on lui administrait une verte correction, pour 
le bon exemple et l'édification des autres. Bien loin de lui refuser les 
avantages des consolations religieuses, on le faisait entrer, à coups de 
pieds, dans la salle, tous les soirs, à l'heure de la prière, et il avait la 
permission d'écouter, pour sa plus grande consolation, la prière de ses 
camarades, revue et augmentée par le conseil, dans laquelle ils 
demandaient d'être bons, vertueux, contents et obéissants, et d'être 
préservés des fautes et des vices d'Olivier Twist, qu'on présentait ainsi 
comme exclusivement placé sous le patronage et la protection de Satan, 
comme un échantillon direct des produits de la manufacture du diable. 
Tandis que les affaires d'Olivier prenaient cette tournure favorable et 
avantageuse, il advint un matin que M. Gamfield, ramoneur de son 
métier, descendait la grande rue en se creusant la tête pour savoir 
comment il payerait plusieurs termes de loyer, pour lesquels son 
propriétaire devenait fort exigeant. Il avait beau supputer et calculer, il 
ne pouvait arriver au chiffre de cinq livres sterling dont il    
    
		
	
	
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