de la science. Elle appelle sans doute mort le travail de la 
gestation, puisqu'elle appelle maladie mortelle le travail de la 
fécondation. Il n'y a pas à dire: si jusque-là tout est avortement, 
atrophie, efforts trompés, le rôle de la vie est fini au moment où la vie 
se complète. La nature est une cruelle insensée qui ne peut procéder 
que par un enchaînement de fausses expériences et de vaines tentatives. 
Elle développe à seule fin de déformer, de mutiler, d'anéantir; toutes les 
richesses qu'elle nous présente sont des appauvrissements successifs. 
La plante veut se former en boutons, elle vole la substance de son 
pédoncule pour se faire un calice dont les pétales vont devenir les 
voleurs à leur tour, et ainsi de suite jusqu'aux organes, qui sont 
apparemment des monstruosités, et que la mort va justement punir, 
puisqu'ils sont le résultat d'un enchaînement de crimes. 
Pauvres fleurs! qui croirait que votre adorable beauté ait pu inspirer une 
doctrine aussi triste, aussi amère, aussi féroce? 
Rassurons-nous. Tout cela, ce sont des mots. Les mots, hélas! _words, 
words, words!_ quel rôle insensé et déplorable ils jouent dans le monde! 
A combien de discussions oiseuses ils donnent lieu! Et que fais-je en ce 
moment, sinon une chose parfaitement puérile, qui est de réfuter des 
mots? Pas autre chose, car, au fond, les savants ne croient pas les 
sottises que je suis forcé de leur attribuer pour les punir d'avoir si mal 
exprimé leur pensée. Non, ils ne croient pas que la beauté soit une 
maladie, l'intelligence une névrose, l'hymen une tombe; ce serait une 
doctrine de fakirs, et ils sont par état les prêtres de la vie, les 
instigateurs de l'intelligence, les révélateurs de la beauté dans les lois 
qui président à son rôle sur la terre.... Mais ils disent mal; ils ont je ne 
sais quel fatalisme dans le cerveau, je ne sais quelle tristesse dans la 
forme, et parfois l'envie maladive d'étonner le vulgaire par des
plaisanteries sceptiques, comme si la science avait besoin d'esprit! 
Supposons qu'ils eussent retourné la question et qu'ils l'eussent 
présentée à peu près ainsi: 
«Comme la nature a pour but la fécondation et la reproduction de 
l'espèce, la plante tend dès l'état embryonnaire à ce but, qui est le 
complément de sa vie. Ce qu'elle doit produire, c'est une fleur pour 
l'hyménée, un lit pour l'enfantement. Elle commence par un germe, puis 
une tige, puis des feuilles, qui sont, ainsi que le calice, le périanthe et 
les organes, une succession de développements et de perfectionnements 
de la même substance. Il serait presque rationnel de dire que l'effort de 
la plante pour produire des organes passe par une série d'ébauches, et 
que la tige est un pistil incomplet, les feuilles des étamines avortées; 
mais supprimons ce mot d'avortement, qui n'est jamais que le résultat 
d'un accident, et ne l'appliquons pas à ce qui est normal, car c'est 
torturer l'esprit du langage et outrager la logique de la création. Quand 
une fleur nous présente constamment le caractère d'organes inachevés 
qui semblent inutiles, rappelons-nous la loi générale de la nature, qui 
crée toujours trop, pour conserver assez, observons la ponte exorbitante 
de certains animaux, et, sans sortir de la botanique, la profusion de 
semence de certaines espèces. 
»Que l'on suppose la nature inconsciente ou non, qu'on la fasse 
procéder d'un équilibre fatalement établi ou d'une sagesse toute 
maternelle, elle fonctionne absolument comme si elle avait la prévision 
infinie. Donc, si certaines plantes sont pourvues d'organes stériles à 
côté d'organes féconds, c'est que ceux-ci ont pris la substance de 
ceux-là dans la mesure nécessaire à leur accroissement complet. Cette 
plante, en vertu d'autres lois qui sont au profit d'autres êtres, de quelque 
butineur ailé ou rampant, est exposée à perdre ses anthères avant leur 
formation complète. La nature lui fournit des rudiments pour les 
remplacer, et leur avortement, loin d'être maladif, prouve l'état de santé 
de l'organe qui les absorbe. Dirons-nous que la floraison exubérante des 
arbres à fruit est une erreur de la nature? La nature est prodigue parce 
qu'elle est riche, et non parce qu'elle est folle. 
»Nous voulons bien,--je fais toujours parler les savants à ma guise, ne
leur en déplaise,--nous voulons bien ne pas l'appeler généreuse, pour ne 
pas nous égarer dans les questions de Providence, qui ne sont pas de 
notre ressort et dont la recherche nous est interdite; mais, s'il fallait 
choisir entre ce mot de généreuse et celui d'imbécile, nous préférerions 
le premier comme peignant infiniment mieux l'aspect et l'habitude de 
ses fonctions sur la planète. Donc, nous rejetons de notre vocabulaire 
scientifique les mots impropres et malsonnants d'avortement et de 
maladie appliqués aux opérations normales de la vie.» 
Les savants eussent pu exprimer cette idée en de meilleurs termes; mais 
tels qu'ils sont, vulgaires et sans art, ils valent mieux que ceux dont    
    
		
	
	
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