Nouveaux contes extraordinaires | Page 2

Bénédict H. Révoil
brisait de toutes parts avec un fracas pareil �� celui des mitrailleuses. Les eaux s'��taient subitement ��lev��es, en ��gard au d��bordement du Mississipi gonfl�� par l'Ohio, et les deux courants d'eau se heurtaient avec fureur.
Des blocs congel��s se d��tachaient par larges bandes, se dressaient, retombaient avec un ��pouvantable fracas. Ce qui ��tait curieux �� constater, c'est que la temp��rature, la veille �� 9 degr��s au-dessous de z��ro, ��tait remont��e �� 7 degr��s et amenait le vent et la pluie. L'eau ?jisclait? �� travers toutes les fissures de la glace, et quand le jour parut, lorsqu'il nous fut possible de nous rendre compte de la situation, le spectacle nous parut �� la fois redoutable et grandiose. La masse des eaux ��tait violemment agit��e; les glaces, bris��es en millions de blocs, flottaient sur le courant liquide; et l'homme le plus hardi ne se f?t certes pas risqu�� sur ces morceaux ballott��s par les vagues.
A grands coups de hache, les troncs d'arbres, qui avaient pr��serv�� l'embarcation contre la cong��lation, se d��tach��rent et s'en all��rent �� vau-l'eau; et bient?t notre embarcation se retrouva �� flot et put se mettre en mouvement.
Tout �� coup un horrible craquement nous fit tressaillir: la digue, form��e en amont par la glace, c��da et le courant du Mississipi reprit son cours ordinaire. En moins de quatre heures, la d��bacle avait ��t�� compl��te.
Le soir m��me, nous ��tions en route, emport��s par notre embarcation que le Canadien avait grand'peine �� diriger. Nous avan?ames ainsi pendant toute la nuit, ��clair��s par un admirable clair de lune qui nous permettait de nous diriger �� travers les m��andres du fleuve d��bord��.
Un matin, tandis que mon batelier dormait pour prendre quelque repos, un choc ��pouvantable me renversa au fond de l'embarcation qui venait de toucher sur un chicot[1]. Le Canadien se releva d'un bond et vint se placer pr��s de moi.
[Note 1: Un ?chicot? est une ��pave form��e d'un tronc d'arbre (terme am��ricain).]
--Qu'est-ce? me demanda-t-il.
--Ma foi, je l'ignore! L'essentiel, c'est qu'une voie d'eau ne se d��clare pas, car nous sommes en plein fleuve et il n'y aurait pas moyen de nous tirer d'affaire.
Le bateau ��tait devenu immobile: nous n'avancions plus. Il ��tait enchev��tr�� dans les racines d'un de ces arbres g��ants qui voyagent la t��te en bas dans le ?p��re des eaux.?
Notre matin��e et la plus grande partie de l'apr��s-midi se pass��rent �� renouveler de vains efforts pour d��gager notre demeure flottante. Il ��tait dangereux de passer ainsi la nuit qui allait venir au milieu des glaces flottantes. Il fallait atterrir co?te que co?te.
Il ��tait cinq heures du soir, l'obscurit�� se faisait et je demandai �� mon batelier quel ��tait son avis.
--Etes-vous bon nageur? me dit-il.
--Ma foi! je ne suis pas de premi��re force, mais je pourrai aller pendant un mille, �� moins que le froid ne me saisisse.
--Il n'y a pas �� h��siter. Il faut nous diriger vers la rive gauche du fleuve. Nous allons accrocher au passage une bille de bois semblable �� celle que vous voyez flotter ?�� et l��. Vous en prendrez une, moi l'autre, et nous voyagerons vers la terre ferme. J'aper?ois l��-bas un village: nous irons nous y r��chauffer et faire s��cher nos habits. Buvons un bon verre d'eau-de-vie, et en route!
Ce qui fut dit fut fait. D��s que nous nous f?mes procur�� une bille de bois, nous nous ?affalames? dans le Mississipi, en nous recommandant �� la Providence.
La premi��re impulsion fut terrible: le froid me gla?ait jusqu'�� la moelle des os; mais peu �� peu, grace �� la bonne gorg��e de brandy que j'avais aval��e, la chaleur animale revint, et je regardai �� droite et �� gauche o�� avait pass�� mon Canadien. Il avait disparu. Je le h��lai. Il ne r��pondit pas.
Mon anxi��t�� ��tait fort grande. Je m'aper?us que ma pile de bois s'en allait �� la d��rive et je me mis �� cheval sur ce tronc d'arbre, ce qui n'emp��chait pas que j'avais de l'eau jusqu'�� la ceinture. Le poids de mon corps, plac�� �� l'extr��mit�� de l'arbre-��pave, le faisait pencher en bas, et je me disposais �� m'avancer vers le milieu lorsque je vis, d'une fa?on vague, une forme mouvante �� l'autre bout. Etait-ce mon batelier? Je l'appelai, il ne me r��pondit pas. Peu �� peu mes yeux se firent �� l'obscurit��, et je compris que j'avais une b��te pour compagnon de navigation fluviale.
Une ��claircie de lune me fit voir un double ��clat fulgurant, celui des yeux de la b��te. C'��tait une panth��re de tr��s-forte taille qui me faisait vis-��-vis. Je n'osais faire le moindre mouvement, dans la crainte d'exciter la col��re de cette ?vermine.? Quoique arm�� de mon bowie-knife, ce grand coutelas, dont se servent tous les Am��ricains trappeurs ou pionniers, je me sentais dispos�� �� ne rien dire, �� ne rien faire tant qu'on ne m'attaquerait pas.
Nous voguames ainsi pendant une heure interminable, sans,
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