plus fermes appuis. 
Avec l'aide d'un compatriote comme Armand Lanusse, certains Créoles 
eussent conservé leur esprit de solidarité, au lieu de courir à l'aventure à 
la recherche d'un destin imaginaire. 
Ce vaillant patriote était doué du double courage physique et moral: ces 
qualités décisives le mettraient à la hauteur des entreprises les plus 
difficiles et des résolutions les plus nobles et les plus efficaces. 
Il y a eu d'autres chefs d'une valeur reconnue: il n'y a rien à retrancher 
du mérite de ces hommes d'élite, mais la différence à établir entre eux 
et M. Lanusse, c'est que ce dernier prenait un intérêt immédiat à la 
formation du caractère et des moeurs, à la situation sociale de la 
population, tandis que les guides du nouveau régime ne s'occupaient 
que de diriger l'action des Créoles dans la sphère civile et politique. 
Armand Lanusse façonnait l'homme, et les conseillers de 1868 
cherchaient à former le citoyen. Son oeuvre était tout-à-fait morale, 
celle des autres était essentiellement politique. Les temps n'étaient pas 
les mêmes. 
=M. ARMAND LANUSSE ET SON TEMPS.= 
L'attitude d'un peuple influe, il n'y a pas à en douter, sur les dispositions 
de ses chefs. 
Les contemporains de M. Lanusse aimaient la littérature, la peinture, la 
musique, le théâtre, les jeux, la chasse, enfin tous les genres de plaisirs 
imaginables. On s'appliquait à inventer sans cesse des récréations 
nouvelles. C'est ainsi que les banquets, les baptêmes, les fêtes de 
Première Communion s'étaient si généralement recommandés au goût 
de notre ancienne population. Les mariages formaient aussi des 
occasions de gaies manifestations. Le "jeu de gage" était l'inévitable 
dans les réunions sociales. Personne ne prenait d'intérêt à la cause de
l'humanité; c'est qu'on ne semblait pas croire possible l'abolition de 
l'esclavage dans un temps prochain. Un grand nombre de personnes de 
couleur possédaient même des esclaves. Tout ceci veut dire que les 
réunions, quoique fréquentes et de nature différente, n'étaient d'aucune 
importance pour la société, sous le rapport du droit et de la liberté. 
On se gardait bien d'y critiquer les institutions existantes: le penchant 
vers les satisfactions ordinaires de la vie matérielle dominait. Nous 
trouvons donc tout naturel que M. Lanusse, dans sa littérature, reflète 
les vues, les coutumes, les sentiments, les inclinations de ses 
contemporains. 
Ce patriote, ne voyant que des poètes autour de lui, n'a pu faire 
autrement que de penser avec eux. Naturellement, il rêvait voir des 
poètes dans l'avenir et non des politiques. 
Il ne pouvait attaquer l'esclavage, ou, du moins, en déplorer l'existence, 
puisque ses amis n'en avaient rien dit dans les Cenelles. En d'autres 
termes, il ne pouvait en aucune façon se faire agitateur, parce qu'il eût 
été le seul à "agiter". 
M. Lanusse n'aimait pas le trivial. Rien ne le rendait plus irritable 
qu'une plaisanterie de mauvais goût. 
Un jour, un ami qui connaissait son côté sérieux s'était donné le plaisir 
de lui dédier une pièce de vers copiée d'un livre dont le titre ne nous est 
pas parvenu. 
Peu de jours après, la réponse de Lanusse était publiée dans les 
colonnes de la Tribune. Nous n'en avons retenu que les quatre lignes 
suivantes: 
Il (Dieu) est, vous dites vrai: tout ici nous l'atteste, La preuve abonde 
autant que le sable en la mer; Mais, dans beaucoup d'esprits si Dieu se 
manifeste Satan, sur d'autres, règne en despote d'enfer. 
On voit ici nettement que le Lanusse de 1865 n'était plus le Lanusse de 
1844. L'influence du milieu n'était plus la même: l'évolution avait
imprimé son cachet à notre poète. 
En 1865, nous voyons chez lui la force, la décision, la réflexion, et cette 
indépendance dans le style, décelant l'affranchissement de sa pensée de 
toute espèce de complaisance et d'enjouement. 
Lanusse était d'abord Louisianais, à peu près dans le même sens que le 
citoyen d'Athènes était Athénien plutôt que Grec, ou, pour mieux dire, 
dans le sens que le célèbre Calhoun était Carolinien avant d'être 
Américain. 
On peut dire qu'il ne se flattait pas de son titre d'Américain. Et l'instinct 
créole était encore plus prononcé chez lui que son attachement au titre 
de Louisianais ou au souvenir de son origine. Toutes ses prédilections, 
tous ses ressentiments partaient de là. 
=L'INSTITUTION COUVENT= 
Par testament fait en 1832, Mme Bernard Couvent avait généreusement 
laissé certains biens à être affectés à l'instruction des orphelins 
indigents catholiques du 3^{ème} district. 
La clause du testament de Mme Couvent qui nous intéresse ici se lit 
comme suit: 
"Je veux et ordonne que mon terrain, à l'encoignure des rues Grands 
Hommes et de l'Union, soit à perpétuité consacré et employé à 
l'établissement d'une école gratuite pour les orphelins de couleur du 
faubourg Marigny. Cette école s'établira sous la surveillance du 
Révérend Père Manehault ou, en cas de mort ou d'absence, se trouvera 
sous la surveillance de ses successeurs en office; en conséquence, 
j'entends que les dits    
    
		
	
	
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