étonnements à la 
compréhension, et qui comporte un état spirituel de ferveur docile et 
lucide, tu vois que cette oeuvre, et, en elle deviné, son objet, sont, l'une, 
un rite de joie rythmé de tremblement, comme, l'autre, l'occasion d'être 
heureux sans espérance. 
Lecteur, c'est le point de vue--il fallait le dire--de ce livre; l'objet de 
l'oeuvre écrite est celui de l'oeuvre peinte, en l'oeuvre peinte perçu, puis 
littérairement (selon, toutefois, et comme le prescrivait le fait de la 
collaboration, des procédés déjà vérifiés par l'expérience de maints 
auteurs* et sans prétentions à de la nouveauté) désigné. 
* Toutefois, je dois noter que la simple alternance de la prose et des 
vers a suffi pour rebuter plusieurs éditeurs; ils affirment qu'il n'y a pas 
de lecteurs pour ce genre d'écrire. Je conserve les autographes où ces 
commerçants ont consigné leur unanime opinion,--documents, dont je 
ne m'exagère pas la valeur, pour l'histoire littéraire de mon temps. 
Le héros, humain, des passions, reste le peintre. 
--Mais ne nous ment-il pas? et pourquoi le croire? Qui nous donnera la 
certitude qu'elle soit vraiment, l'île lointaine où nous ne sommes pas 
allés, cette terre délicieuse et condamnée? Dans le même décor un autre, 
sans doute, eût entendu d'autres paroles.... 
--Par quelle fausse indépendance d'esprit, au lieu d'écouter la seule voix 
qui s'élève, quêterais-tu en des résonances qui n'ont pas vibré les termes 
absents d'une comparaison vaine? 
--... Un autre eût éteint aux premiers plans l'incendie tropical pour en 
réserver les flammes à l'illumination des fonds, laissant sur ce rideau 
clair cette humanité fauve s'agiter, fantomale, ou s'immobiliser dans la 
majesté de son ample statuaire, morte: morte, en effet, ou qui 
bientôt--vous le dites--le sera, grande race épuisée par l'antiquité de son 
sang et les mollesses d'un climat trop clément, ou atteinte, peut-être, 
aux sources de sa vie par le poison latin.... Un autre, fidèle à la gloire
du type occidental de la beauté, nous eût caché le charme dangereux de 
la Vénus dorée, si robuste (ou si grossière?) et qui viole nos habitudes 
éprises de faiblesse gracieuse, d'élégance maladive, de noblesse 
affiliée.... Un autre, curieux seulement de vérité.... 
--Et, chacun selon sa loi propre, tous mentiraient également à ton désir, 
si tu prétends usurper leur rôle au service de cette Vérité, qui n'est pas, 
en soi, qui n'a lieu que dans nos âmes, et qui varie avec elles. 
--Soit, et je sais que deux paires d'yeux ne virent jamais identique la 
même réalité. Encore est-il des limites à l'interprétation de l'art. Ici, je 
sens qu'elles sont franchies. Il y a plus d'invention que d'imitation, plus 
d'arbitraire despotisme que de fidélité, et j'ai, dès lors, le droit de 
discuter le caprice qui groupe des fantasmagories de songes sous cette 
étiquette: Tahiti! 
--Non. 
L'interprétation artistique n'a d'autres limites que les lois de l'harmonie. 
Si, les regards sur l'objet qui suscite son émotion, l'artiste produit une 
oeuvre harmonique en chacune de ses diverses parties comme en son 
ensemble, cette oeuvre est l'expression très fidèle et très vraie de cet 
objet par cet artiste, si vaste qu'entre le modèle et la copie tu constates 
l'écart. L'écart peut être plus ou moins évident, mais il est toujours. Car 
il n'y a pas art s'il n'y a pas transposition. Même celui qui croit copier, 
s'il est un artiste, transpose, puisque c'est colorées par sa vision 
personnelle que nous apparaissent les choses par lui "copiées",--et tu 
avoues qu'un autre, son égal en mérite et avec le même scrupule 
d'exactitude, nous les montrerait autrement colorées. Il arrive que 
l'interprétation la plus lointaine soit la plus vraie: défie-toi de tes yeux, 
passant, et songe que l'artiste a fait un long effort pour tâcher de 
pénétrer au secret profond des choses. 
On n'a jamais rien pris à la nature avec les mains, que pour combler les 
cuisines et les herbiers, les ménageries et les musées d'histoire naturelle. 
Les choses ainsi dérobées à la nature--seules réalités objectives, 
pourtant, sur lesquelles tous les témoins soient d'accord--entre nos
mains s'altèrent, se transforment vite et nous font peu d'honneur. Quel 
Diogène a dit des lions volés au désert que nous sommes leurs 
domestiquer et non pas leurs propriétaires? et la mort ne tarde pas à 
nous les reprendre. Elle ne les reprendra pas au peintre qui sut les 
peindre, c'est lui le seul dompteur. 
La Nature ne nous livre que des Symboles: le sens qu'elle prend en 
nous, la sensation, le sentiment, l'idée que nous avons d'elle. Nous ne la 
possédons que par ce détour et c'est de ces fictions qu'est faite notre 
réalité. Mais le substrat, le prétexte de ces fictions, est inépuisable, 
eucharistique: nous pouvons communier tous à sa richesse infinie; pour 
tous diversement, pour chacun pleinement, la Nature est toujours 
significative. 
Or, l'Art--qui est dans la Nature--participe à ce divin caractère Comme 
elle, contemplé, il rayonne. Selon la    
    
		
	
	
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