branches 
d'arbres,--jusqu'à ce qu'un glissement furtif sollicite non pas sa crainte 
vers l'anfractuosité profonde où luit le blanc ruban d'une source au delà 
d'un bouquet bas et large,--vers la grotte fraîche où bruit doucement la 
Source--Papemoë--la Source Mystérieuse: et c'est, soudaine, la 
présence réelle! 
Un jeune être, penché, perché sur d'imperceptibles degrés taillés par le 
temps dans le mur stratifié de la montagne que la forêt habille de 
pourpre, un bel être nu boit dans sa main, à la source mystérieuse, à la 
source sauvage comme lui. Et l'artiste frémit dans son âme devant cette 
apparition qui lui révèle la vie secrète, le secret vivant de la Forêt, de la
Montagne, de l'Ile. 
Mais la jeune fille, avertie par la complicité fraternelle, autour d'elle, 
des choses qui lui dénoncent le témoin, se détourne, voit, et d'un essor 
léger s'efface sur le rideau des feuilles et des ramures qui s'entr'ouvrent 
à sa fuite, et se referment silencieusement, impénétrablement. 
La Source mystérieuse continue sa plainte, pure comme une voix de 
femme. Parmi les senteurs vives dont est chargé l'air, s'exhale et 
domine, enivrant, l'esprit même, l'esprit parfumé de l'Ile Heureuse: 
NOA NOA. 
 
III. 
Matamua! 
Il fut un temps, il fut, très jadis, un temps de gloire nationale et de 
féodalité, d'importance sociale, de richesse publique et privée,--il fut, 
dans la nuit ancienne, un temps de Dieux et de héros. 
Matamua! 
Alors la race autochtone régnait sur les Iles et les Eaux réjouies 
d'adorer les Atuas* universels, et Taaroa, leur père, et Téfatou, le roi de 
la terre, et Hina, déesse de la lune. Alors les prêtres sanglants 
prélevaient sur la vie généreuse la dîme essentielle du Sacrifice. Alors 
les femmes étaient honorées, plus d'une ayant été choisie pour le baiser 
divin, et maintes traditions attestaient que les mères de la race lui 
avaient mérité, au prix d'elles-mêmes et de rituels massacres dans le 
temple ouvert au sommet de l'Ile, l'origine céleste: au prix de massacres 
rituels qui ne devaient, à travers les âges, point cesser, afin que ne 
cessât point la Race. 
* Les grands dieux 
Mais les âges s'écoulèrent, et, un jour, l'homme blanc apparut, l'ennemi 
des Dieux. Il interdit les sacrifices, et bientôt l'on vit la race forte
dégénérer, s'étioler. Et bientôt elle ne sera plus. 
A ses derniers survivant les missionnaires chrétiens s'efforcent de faire 
une âme et une chair chrétiennes; et les marchands leur enseignent le 
travail forcé, lucratif, le négoce; et les magistrats leur récitent le Code 
Napoléon; et les arbitres de l'élégance leur montrent à porter des 
faux-cols, des gants, des habits, des corsets, des robes. 
Les Maories écoutent, subissent les nouveaux maîtres, et semblent leur 
obéir. Mais dans ces yeux résignés persiste, invincible, le rêve vers 
Matamua, et chaque jour, par nombreuses théories nostalgiques, les 
Maories s'en vont la bas où sont les aïeux, dans la main de ténèbres des 
Dieux reniés, des Dieux qui se contentaient, jadis, de quelques gouttes 
de sang, et qui prendront tous, maintenant qu'on leur refuse tout. 
Car la race entière périra pour avoir transgressé le serment des Mères. 
Non, les missionnaires n'ont pas conquis au Christ l'âme maorie. Ils 
l'ont seulement, cette âme, amollie et troublée, et chez les femmes leur 
influence, plus active que sur les hommes, a eu le singulier effet 
d'exalter, aux dépens du rude et bon roi de la Terre, leur culte pour la 
divinité féminine, Hina, la Lune, la déesse du mensonge et de la pitié. 
C'est à Hina que le plus volontiers elles font les honneurs du passé, en 
des fêtes au clair de la lune, célébrées par les baisers, les chants et les 
danses, et cette légende: 
Hina disait à Téfatou: 
--Faites revivre l'homme quand il sera mort. 
Le Dieu de la terre répondit à la Déesse de la lune: 
--Non, je ne le ferai point revivre. L'homme mourra; la végétation 
mourra ainsi que ceux qui s'en nourrissent; la terre mourra, la terre 
finira, elle finira pour ne plus renaître. 
Hina répondit:
--Faites comme il vous plaira. Moi, je ferai revivre la lune. 
Et ce que possédait Hina continua d'être. Ce que possédait Téfatou 
périt et l'homme dut mourir. 
Ce goût de la pitié, qui n'était pas dangereux tant qu'il s'équilibrait par 
la pratique auguste du sacrifice où les hommes apprenaient à savourer 
l'extase de l'héroïsme, elles-mêmes les femmes sentent ce qu'il a, 
solitaire, de mortellement équivoque.--Mais rien de plus ne leur reste 
de Matamua, et elles se repaissent de ce vestige. 
Rien de plus,--et leur beauté, et leur âme, inaltérables. 
La jeunesse éternelle des éléments s'affirme, avec les caractères de 
leurs diverses essences, plus nécessairement en la Maorie qu'en toute 
autre femme. La légèreté versatile de l'air est dans sa pensée, dans ses 
sentiments, dans sa parole. La profondeur agitée de l'eau est dans son 
regard. Ses pieds solides tiennent à la terre    
    
		
	
	
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