aux républiques, assis à sa place habituelle en tête du banc des 
ministres à gauche de la tribune, à côté du ministre de la justice Marie, 
assistait, silencieux et les bras croisés, à cette installation de l'homme 
nouveau. 
Enfin le silence se fit, le président de l'assemblée frappa quelques coups 
de son couteau de bois sur la table, les dernières rumeurs s'éteignirent, 
et le président de l'assemblée dit: 
--Je vais lire la formule du serment. 
Ce moment eut quelque chose de religieux. L'assemblée n'était plus 
l'assemblée, c'était un temple. Ce qui ajoutait à l'immense signification 
de ce serment, c'est qu'il était le seul qui fût prêté dans toute l'étendue 
du territoire de la république. Février avait aboli, avec raison, le 
serment politique, et la constitution, avec raison également, n'avait 
conservé que le serment du président. Ce serment avait le double 
caractère de la nécessité et de la grandeur; c'était le pouvoir exécutif,
pouvoir subordonné, qui le prêtait au pouvoir législatif, pouvoir 
supérieur; c'était mieux que cela encore; à l'inverse de la fiction 
monarchique où le peuple prêtait serment à l'homme investi de la 
puissance, c'était l'homme investi de la puissance qui prêtait serment au 
peuple. Le président, fonctionnaire et serviteur, jurait fidélité au peuple 
souverain. Incliné devant la majesté nationale visible dans l'assemblée 
omnipotente, il recevait de l'assemblée la constitution et lui jurait 
obéissance. Les représentants étaient inviolables, et lui ne l'était pas. 
Nous le répétons, citoyen responsable devant tous les citoyens, il était 
dans la nation le seul homme lié de la sorte. De là, dans ce serment 
unique et suprême, une solennité qui saisissait le coeur. Celui qui écrit 
ces lignes était assis sur son siège à l'assemblée le jour où ce serment 
fut prêté. Il est un de ceux qui, en présence du monde civilisé pris à 
témoin, ont reçu ce serment au nom du peuple, et qui l'ont encore dans 
leurs mains. Le voici: 
«En présence de Dieu et devant le peuple français représenté par 
l'assemblée nationale, je jure de rester fidèle à la république 
démocratique une et indivisible et de remplir tous les devoirs que 
m'impose la constitution.» 
Le président de l'assemblée, debout, lut cette formule majestueuse; 
alors, toute l'assemblée faisant silence et recueillie, le citoyen 
Charles-Louis-Napoléon Bonaparte, levant la main droite, dit d'une 
voix ferme et haute: 
--Je le jure! 
Le représentant Boulay (de la Meurthe), depuis vice-président de la 
république, et qui connaissait Charles-Louis-Napoléon Bonaparte dès 
l'enfance, s'écria: C'est un honnête homme; il tiendra son serment! 
Le président de l'assemblée, toujours debout, reprit, et nous ne citons 
ici que des paroles textuellement enregistrées au Moniteur:--Nous 
prenons Dieu et les hommes à témoin du serment qui vient d'être prêté. 
L'assemblée nationale en donne acte, ordonne qu'il sera transcrit au 
procès-verbal, inséré au Moniteur, publié et affiché dans la forme des 
actes législatifs.
Il semblait que tout fût fini; on s'attendait à ce que le citoyen 
Charles-Louis-Napoléon Bonaparte, désormais président de la 
république jusqu'au deuxième dimanche de mai 1852, descendit de la 
tribune. Il n'en descendit pas; il sentit le noble besoin de se lier plus 
encore, s'il était possible, et d'ajouter quelque chose au serment que la 
constitution lui demandait, afin de faire voir à quel point ce serment 
était chez lui libre et spontané; il demanda la parole.--Vous avez la 
parole, dit le président de l'assemblée. 
L'attention et le silence redoublèrent. 
Le citoyen Louis-Napoléon Bonaparte déplia un papier et lut un 
discours. Dans ce discours il annonçait et il installait le ministère 
nommé par lui, et il disait: 
«Je veux, comme vous, citoyens représentants, rasseoir la société sur 
ses bases, raffermir les institutions démocratiques, et rechercher tous 
les moyens propres à soulager les maux de ce peuple généreux et 
intelligent qui vient de me donner un témoignage si éclatant de sa 
confiance[1].» 
Il remerciait son prédécesseur au pouvoir exécutif, le même qui put dire 
plus tard ces belles paroles: Je ne suis pas tombé du pouvoir, j'en suis 
descendu, et il le glorifiait en ces termes: 
«La nouvelle administration, en entrant aux affaires, doit remercier 
celle qui l'a précédée des efforts qu'elle a faits pour transmettre le 
pouvoir intact, pour maintenir la tranquillité publique[2]. 
«La conduite de l'honorable général Cavaignac a été digne de la loyauté 
de son caractère et de ce sentiment du devoir qui est la première qualité 
du chef de l'état[3].» 
L'assemblée applaudit à ces paroles; mais ce qui frappa tous les esprits, 
et ce qui se grava profondément dans toutes les mémoires, ce qui eut un 
écho dans toutes les consciences loyales, ce fut cette déclaration toute 
spontanée, nous le répétons, par laquelle il commença:
«Les suffrages de la nation et le serment que je viens de prêter 
commandent ma conduite future. 
«Mon devoir est tracé. Je le remplirai en homme d'honneur. 
«Je verrai des ennemis de la patrie dans tous ceux    
    
		
	
	
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