lui 
permettaient, elle garderait la «dame de qualité» comme elle m'appelait, 
pour lui servir d'aide et donner leçon aux enfants, ce que j'étais très bien 
capable de faire; car j'étais très agile au travail, bien que je fusse encore 
très jeune. 
Mais la bonté de ces dames ne s'arrêta pas là, car lorsqu'elles 
comprirent que je n'étais plus entretenue par la cité, comme auparavant, 
elles me donnèrent plus souvent de l'argent; et, à mesure que je 
grandissais, elles m'apportaient de l'ouvrage à faire pour elles: tel que 
linge à rentoiler, dentelles à réparer, coiffes à façonner, et non 
seulement me payaient pour mon ouvrage, mais m'apprenaient même à 
le faire, de sorte que j'étais véritablement une dame de qualité, ainsi que 
je l'entendais; car avant d'avoir douze ans, non seulement je me
suffisais en vêtements et je payais ma nourrice pour m'entretenir, mais 
encore je mettais de l'argent dans ma poche. 
Les dames me donnaient aussi fréquemment de leurs hardes ou de 
celles de leurs enfants; des bas, des jupons, des habits, les unes telle 
chose, les autres telle autre, et ma vieille femme soignait tout cela pour 
moi comme une mère, m'obligeait à raccommoder, et à tourner tout au 
meilleur usage: car c'était une rare et excellente ménagère. 
À la fin, une des dames se prit d'un tel caprice pour moi qu'elle désirait 
m'avoir chez elle, dans sa maison, pour un mois, dit-elle, afin d'être en 
compagnie de ses filles. 
Vous pensez que cette invitation était excessivement aimable de sa part; 
toutefois, comme lui dit ma bonne femme, à moins qu'elle se décidât à 
me garder pour tout de bon, elle ferait à la petite dame de qualité plus 
de mal que de bien.--«Eh bien, dit la dame, c'est vrai; je la prendrai 
chez moi seulement pendant une semaine, pour voir comment mes 
filles et elles s'accordent, et comment son caractère me plaît, et ensuite 
je vous en dirai plus long; et cependant, s'il vient personne la voir 
comme d'ordinaire, dites-leur seulement que vous l'avez envoyée en 
visite à ma maison.» 
Ceci était prudemment ménagé, et j'allai faire visite à la dame, où je me 
plus tellement avec les jeunes demoiselles, et elles si fort avec moi, que 
j'eus assez à faire pour me séparer d'elles, et elles en furent aussi 
fâchées que moi-même. 
Je les quittai cependant et je vécus presque une année encore avec mon 
honnête vielle femme; et je commençais maintenant de lui être bien 
utile; car j'avais presque quatorze ans, j'étais grande pour mon âge, et 
j'avais déjà l'air d'une petite femme; mais j'avais pris un tel goût de l'air 
de qualité dont on vivait dans la maison de la dame, que je ne me 
sentais plus tant à mon aise dans mon ancien logement; et je pensais 
qu'il était beau d'être vraiment dame de qualité, car j'avais maintenant 
des notions tout à fait différentes sur les dames de qualité; et comme je 
pensais qu'il était beau d'être une dame de qualité, ainsi j'aimais être 
parmi les dames de qualité, et voilà pourquoi je désirais ardemment y
retourner. 
Quand j'eus environ quatorze ans et trois mois, ma bonne vieille 
nourrice (ma mère, je devrais l'appeler) tomba malade et mourut. Je me 
trouvai alors dans une triste condition, en vérité; car ainsi qu'il n'y a pas 
grand'peine à mettre fin à la famille d'une pauvre personne une fois 
qu'on les a tous emmenés au cimetière, ainsi la pauvre bonne femme 
étant enterrée, les enfants de la paroisse furent immédiatement enlevés 
par les marguilliers; l'école était finie et les externes qui y venaient 
n'avaient plus qu'à attendre chez eux qu'on les envoyât ailleurs; pour ce 
qu'elle avait laissé, une fille à elle, femme mariée, arriva et balaya tout; 
et, comme on emportait les meubles, on ne trouva pas autre chose à me 
dire que de conseiller par plaisanterie à la petite dame de qualité de 
s'établir maintenant à son compte, si elle le voulait. 
J'étais perdue presque de frayeur, et je ne savais que faire; car j'étais 
pour ainsi dire mise à la porte dans l'immense monde, et, ce qui était 
encore pire, la vieille honnête femme avait gardé par devers elle vingt 
et deux shillings à moi, qui étaient tout l'état que la petite dame de 
qualité avait au monde; et quand je les demandai à la fille, elle me 
bouscula et me dit que ce n'étaient point ses affaires. 
Il était vrai que la bonne pauvre femme en avait parlé à sa fille, disant 
que l'argent se trouvait à tel endroit, et que c'était l'argent de l'enfant, et 
qu'elle m'avait appelée une ou deux fois pour me le donner, mais je ne 
me trouvais malheureusement pas là, et lorsque je revins, elle était hors 
la condition de pouvoir en parler; toutefois la fille fut assez honnête 
ensuite    
    
		
	
	
	Continue reading on your phone by scaning this QR Code
	 	
	
	
	    Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the 
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.