qui a perdu la tête. 
--Que dois-je faire? s'écria-t-il enfin, au milieu de tous ces avis 
contradictoires, quand je sais que de ma décision dépend non seulement 
mon succès, mais encore la vie de ces pauvres et fidèles paysans et 
gens de métier.
--Avec les humbles égards que je dois à Votre Majesté, dit Lord Grey, 
qui à ce moment même revenait de la manoeuvre de la cavalerie, 
comme il y a fort peu d'escadrons de leur cavalerie de ce côté-ci de 
l'Avon, je conseillerais de faire sauter le pont et de marcher sur Bath, 
d'où nous pourrons passer dans le Comté de Wilts, où nous savons que 
nous serons bien accueillis. 
--Qu'il en soit ainsi, s'écria le Roi, avec la précipitation d'un homme qui 
accepte un plan non point parce que c'est le meilleur, mais parce qu'il 
sent que tous les plans sont également sans issue. Qu'en dites-vous, 
gentilshommes? ajouta-t-il avec un sourire amer. J'ai reçu ce matin des 
nouvelles de Londres. On me dit que mon oncle a mis sous clef deux 
cents marchands et autres personnes suspectes de fidélité à leur religion, 
dans les prisons de la Tour et de la Flotte. Il lui faudra employer la 
moitié de la nation à garder l'autre, d'ici à peu. 
--En somme, Votre Majesté en viendra à le garder, suggéra Wade. Il 
pourrait bien se faire qu'il voie s'ouvrir la Porte des Maîtres un de ces 
matins. 
--Ha! Ha! Croyez-vous? s'écria Monmouth en se frottant les mains, 
pendant que sa figure s'éclairait d'un sourire. Eh bien, vous aurez 
peut-être dit la vérité. La cause d'Henri paraissait perdue le jour où la 
bataille de Bosworth trancha le débat. À vos postes, gentilshommes! 
Nous marcherons dans une demi-heure. Le Colonel Saxon et vous, Sir 
Stephen, vous couvrirez l'arrière-garde et protégerez les bagages. C'est 
un poste honorable, avec ce rideau de cavalerie autour de nos basques. 
Le conseil se dispersa aussitôt. 
Chacun de ses membres regagna à cheval son régiment. 
Tout le camp fut bientôt en mouvement, au son des clairons, au 
roulement des tambours, de sorte qu'en très peu de temps l'armée fut 
déployée en ordre et les enfants perdus de la cavalerie se lancèrent sur 
la route qui mène à Bath. 
L'avant-garde était composée de cinq cents cavaliers avec les miliciens
du Comté de Devon. 
Après eux, et dans l'ordre suivant venaient le régiment des marins, les 
hommes du nord du Somerset; le premier régiment des bourgeois de 
Taunton, les mineurs de Mendip et de Bagworthy, les dentelliers et 
sculpteurs sur bois de Honiton, Wellington et Ottery Sainte Marie; les 
bûcherons, les marchands de bestiaux, les gens des marais et ceux du 
district de Quantock. 
Puis venaient les canons et les bagages, avec notre propre brigade et 
quatre enseignes de cavalerie comme arrière-garde. 
Pendant notre marche, nous pouvions voir les habits rouges de 
Feversham suivant la même direction sur l'autre bord de l'Avon. 
Une grosse troupe de leur cavalerie et de leurs dragons avait passé à 
gué la rivière et voltigeait autour de nous, mais Saxon et Sir Stephen 
couvraient les bagages si habilement, tenaient tête d'un air si résolu et 
faisaient pétiller la fusillade avec tant d'à-propos, quand nous étions 
serrés de trop près, que l'ennemi ne se hasarda point à charger à fond. 
 
II--La Bataille dans la Cathédrale de Wells. 
Me voici maintenant bel et bien lié aux roues du char de l'histoire, mes 
chers enfants, me voici tenu d'indiquer au fur et à mesure les noms, les 
lieux, les dates, quelque alourdissement qu'il en résulte pour mon récit. 
Alors que se déroulait un pareil drame, il serait impertinent de parler de 
moi, si ce n'est comme le témoin ou l'auditeur de ce qui peut vous faire 
paraître plus vivantes ces scènes d'autrefois. 
Il n'est point agréable pour moi de m'étendre sur ce sujet, mais 
convaincu, ainsi que je le suis, que le hasard ne joue aucun rôle dans les 
grandes ou les petites affaires de ce monde, j'ai la ferme croyance que 
les sacrifices de ces braves gens ne furent point perdus, que leurs 
efforts ne se dépensèrent point en pure perte, comme on le dirait 
peut-être à première vue.
Si la race perfide des Stuarts n'est plus maintenant sur le trône, et si la 
religion de l'Angleterre est encore une plante qui se développe 
librement, nous en sommes, selon moi, redevables à ces patauds du 
Comté de Somerset. 
Ils furent les premiers à faire voir combien il faudrait peu de chose pour 
ébranler le trône d'un monarque impopulaire. 
L'armée de Monmouth ne fut que l'avant-garde de celle qui marcha sur 
Londres, trois ans plus tard, lorsque Jacques et ses cruels ministres 
fuyaient, abandonnés de tous, à la surface de la terre. 
Dans la nuit du 27 juin, ou plutôt dans la matinée du 28, nous arrivâmes 
à la ville    
    
		
	
	
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