Maria Chapdelaine | Page 2

Louis Hamon
dit �� demi-voix:
--Et qui va ��tre un foreman �� trois piastres par jour? C'est le bonhomme Lalibert��...
Mais il disait cela plus par moquerie que par malice, et finit par rire aussi.
Toujours les mains dans les poches de son grand manteau, se redressant et carrant les ��paules sur la plus haute marche du perron, Napol��on Lalibert�� continuait �� crier tr��s fort.
--Un arpenteur de Roberval va venir dans la paroisse la semaine prochaine. S'il y en a qui veulent faire arpenter leurs lots avant de rebatir les cl?tures pour l'��t��, c'est de le dire.
La nouvelle sombra dans l'indiff��rence. Les cultivateurs de P��ribonka ne se souciaient gu��re de faire rectifier les limites de leurs terres pour gagner ou perdre quelques pieds carr��s, alors qu'aux plus vaillants d'entre eux restaient encore �� d��fricher les deux tiers de leurs concessions, d'innombrables arpents de for��t ou de savane �� conqu��rir.
Il poursuivait:
--Il y a ?icitte? deux hommes qui ont de l'argent pour acheter les pelleteries. Si vous avez des peaux d'ours, ou de vison, ou de rat musqu��, ou de renard, allez voir ces hommes-l�� au magasin avant mercredi ou bien adressez-vous �� Fran?ois Paradis, de Mistassini, qui est avec eux. Ils ont de l'argent en masse et ils payeront cash pour toutes les peaux de premi��re classe.
Il avait fini les nouvelles et descendit les marches du perron. Un petit homme �� figure chafouine le rempla?a.
--Qui veut acheter un beau jeune cochon de ma grand-race? demanda-t-il en montrant du doigt une masse informe qui s'agitait dans un sac �� ses pieds.
Un grand ��clat de rire lui r��pondit.
--On les conna?t, les cochons de la grand-race �� Hormidas. Gros comme des rats, et vifs comme des _��cureux_ pour sauter les cl?tures.
--Vingt-cinq cents! cria un jeune homme par d��rision.
--Cinquante cents!
--Une piastre!
--Ne fais pas le fou, Jean. Ta femme ne te laissera pas payer une piastre pour ce cochon-l��.
Jean s'obstina.
--Une piastre. Je ne m'en d��dis pas.
Hormidas B��rub�� fit une grimace de m��pris et attendit d'autres ench��res; mais il ne vint que des quolibets et des rires.
Pendant ce temps les femmes avaient commenc�� �� sortir de l'��glise �� leur tour. Jeunes ou vieilles, jolies ou laides, elles ��taient presque toutes bien v��tues en des pelisses de fourrure ou des manteaux de drap ��pais; car pour cette f��te unique de leur vie qu'��tait la messe du dimanche elles avaient abandonn�� leurs blouses de grosse toile et les jupons en laine du pays, et un ��tranger se f?t ��tonn�� de les trouver presque ��l��gantes au coeur de ce pays sauvage, si typiquement fran?aises parmi les grands bois d��sol��s et la neige, et aussi bien mises �� coup s?r, ces paysannes, que la plupart des jeunes bourgeoises des provinces de France.
Cl��ophas Pesant attendit Louisa Tremblay, qui ��tait seule, et ils s'en all��rent ensemble vers les maisons, le long du trottoir de planches. D'autres se content��rent d'��changer avec les jeunes filles, au passage, des propos plaisants, les tutoyant du tutoiement facile du pays de Qu��bec, et aussi parce qu'ils avaient presque tous grandi ensemble.
Pite Gaudreau, les yeux tourn��s vers la porte de l'��glise, annon?a:
--Maria Chapdelaine est revenue de sa promenade �� Saint-Prime, et voil�� le p��re Chapdelaine qui est venu la chercher.
Ils ��taient plusieurs au village pour qui ces Chapdelaine ��taient presque des ��trangers.
--Samuel Chapdelaine, qui a une terre de l'autre bord de la rivi��re, au-dessus de Honfleur, dans le bois?
--C'est ?a.
--Et la cr��ature qui est avec lui, c'est sa fille, eh? Maria...
--Ouais. Elle ��tait en promenade depuis un mois �� Saint-Prime, dans la famille de sa m��re. Des Bouchard, parents de Wilfrid Bouchard, de Saint-G��d��on...
Les regards curieux s'��taient tourn��s vers le haut du perron. Lun des jeunes gens fit �� Maria Chapdelaine l'hommage de son admiration paysanne:
--Une belle grosse fille! dit-il.
--Certain! Une belle grosse fille, et vaillante avec ?a. C'est de malheur qu'elle reste si loin d'ici, dans le bois. Mais comment est-ce que les jeunesses du village pourraient aller veiller chez eux, de l'autre bord de la rivi��re, en haut des chutes, �� plus de douze milles de distance, et les derniers milles quasiment sans chemin?
Ils la regardaient avec des sourires farauds, tout en parlant d'elle, cette belle fille presque inaccessible; mais quand elle descendit les marches du perron de bois avec son p��re et passa pr��s d'eux, une g��ne les prit, ils se recul��rent gauchement, comme s'il y avait eu entre elle et eux quelque chose de plus que la rivi��re �� traverser et douze milles de mauvais chemins dans les bois.
Les groupes form��s devant l'��glise se dispersaient peu �� peu. Certains regagnaient leurs maisons, ayant appris toutes les nouvelles; d'autres, avant de partir, allaient passer une heure dans un des deux lieux de r��union du village: le presbyt��re ou le magasin. Ceux qui venaient des rangs, ces longs alignements de concessions �� la lisi��re de la for��t, d��tachaient l'un apr��s l'autre les
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 61
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.