Rome, nominations, mouvement de la 
propagande, échelles des guérisons miraculeuses, etc., etc., au point de 
constituer à lui seul une concurrence appréciable à la Semaine 
religieuse. Beaucoup de fidèles négligeaient depuis qu'il était là de 
s'abonner à cet organe de l'archevêché sous le prétexte que le Frère 
Gédéon avait des renseignements de meilleure main. 
Quand Mlle Cloque arriva pour la messe de neuf heures, au milieu d'un 
sombre remous de vieilles dames, elle risqua un oeil au guichet, malgré 
l'heure avancée. Elle était si avide d'apprendre ce que l'article du 
Journal du Département contenait de fondé! Le Frère Gédéon se leva, 
contrairement à son ordinaire; il ouvrit même la porte de sa petite 
boutique et fit signe à Mlle Cloque: «Entrez donc, Mademoiselle...» 
Le coeur de la pauvre fille battait. Qu'est-ce qu'il pouvait y avoir, mon 
Dieu? 
--Eh bien, fit-elle, nous avons du nouveau? 
--Je le crois bien! lui glissa le Frère, sur un ton confidentiel, et c'est 
pour cela que je ne veux pas vous le dire devant tout le monde: hier soir 
à neuf heures, le sous-lieutenant Marie-Joseph de 
Grenaille-Montcontour s'est rendu aux bureaux du Journal du 
Département, accompagné de deux officiers, et il a souffleté le 
rédacteur en chef. 
--Seigneur Jésus! s'écria Mlle Cloque. 
Et elle ressentit à cette nouvelle un mouvement de soulagement et 
même d'orgueil. Cette affaire était très désagréable à cause des suites 
qu'elle comportait, mais elle lui donnait une haute satisfaction morale, 
contrairement à ses appréhensions. C'était bien, ce qu'il avait fait là, ce 
jeune homme; ce mouvement de bravoure chevaleresque flattait 
immédiatement les plus intimes penchants de Mlle Cloque. Ce ne fut
qu'en se ressaisissant qu'elle se demanda: mais pourquoi a-t-il fait cela? 
Les yeux du Frère bleu brillottaient derrière ses conserves, et l'arc de 
son nez se bandait et se détendait successivement sans qu'il prononçât 
un mot. Enfin, voyant l'anxiété de la vieille fille, il dit tout bas, et d'un 
air qui voulait signifier beaucoup de choses: 
--Ce jeune homme est bien, imprudent... 
Soudain, les yeux de Mlle Cloque chavirèrent. Elle crut comprendre la 
réticence du Frère; elle la rapprocha, ainsi que la provocation du jeune 
Grenaille, de la queue du fameux article. 
--Quoi! fit-elle; c'étaient eux que l'on visait dans l'article? Mais je vais 
me désabonner en sortant de la messe!... Comment c'étaient eux! Mais 
c'est une infamie! 
--Ce jeune homme, répéta le Frère, a été bien imprudent... Vous allez 
manquer le commencement de la messe, Mademoiselle. M. le vicaire 
général est à l'autel; je vous recommande son allocution, elle sera 
intéressante. 
Tout émue, toute frémissante, Mlle Cloque entra dans la chapelle déjà 
entièrement garnie de monde. Elle s'engagea dans une contre-allée 
qu'assombrissaient les tribunes, et se heurta à la chaisière qui lui fit un 
signe de tête amical et, la main en cornet sur la bouche, lui chuchota 
confidentiellement: 
--Le sermon, Mademoiselle, écoutez-le bien: tout le monde en tremble 
déjà! 
Au troisième rang, devant la sainte-table, une seule chaise restait libre, 
avec un prie-Dieu garni d'une petite boîte fermant à clef et d'une plaque 
de cuivre portant gravé: «Mademoiselle Cloque.» Cette chaise était 
placée au bord de l'allée; sa titulaire l'occupa sans déranger personne et 
sans même lever les yeux pour répondre à une foule de petits saluts tout 
prêts, suspendus à ce signe des paupières qu'elle eût pu faire, mais que 
l'on ne se permet plus quand le prêtre en est déjà à l'offertoire.
Cependant elle fit une exception en faveur du comte et de la comtesse 
de Grenaille, en raison de l'abominable calomnie dont ils venaient 
d'être l'objet, et leur adressa en passant un fin sourire à la fois 
douloureux et sympathique. 
A gauche et à droite d'une sorte de balcon faisant face à l'assistance, et 
servant de chaire, deux escaliers de bois conduisaient au choeur très 
surélevé et orné d'une profusion de bannières portant des noms de villes 
de France, adressées en hommage à saint Martin. Contre la balustrade 
du balcon, étaient appendus des sabres et des épées, en ex-voto, 
formant panoplies autour de cadres à fond de velours épinglé de 
nombreuses décorations parmi lesquelles les anciennes croix de 
Saint-Louis et du Saint-Esprit côtoyaient la Légion d'honneur et la 
médaille militaire. Toute la surface des murailles, d'ailleurs, aussi bien 
du choeur que de la grande et unique nef à toiture de bois, que Mariette 
appelait une grange, était couverte de plaques de marbre revêtues 
d'inscriptions chaleureuses et touchantes: «Reconnaissance à saint 
Martin», «Reconnaissance éternelle. Un père sauvé», avec les initiales 
et la date; «Gloire à saint Martin: un mari et un fils conservés, 
1870-71», «Grâce obtenue,» «Grâce obtenue,» etc., etc. Ces murs 
simples et qu'on disait nus avaient la grandeur même et la beauté des 
angoisses humaines et de l'inébranlable foi des créatures. Sous les 
hommages militaires des panoplies et des croix, s'ouvrait une arcade 
grillée donnant sur    
    
		
	
	
	Continue reading on your phone by scaning this QR Code
	 	
	
	
	    Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the 
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.