ans domicilié à Paris, rue 
des Vieux-Augustins, paroisse Saint-Eustache, n° 28._ Fournier 
terminait son mémoire en demandant «qu'il lui fût accordé une marque 
honorifique et distinctive qui annonçât manifestement à ses concitoyens, 
et surtout aux colons de Saint-Domingue, des preuves non équivoques 
de ses services patriotiques.» Les membres du Comité de 
Saint-Eustache repoussèrent cette demande en ces termes: «Le Comité 
de Saint-Eustache, en rendant justice au zèle que M. Fournier a montré 
dans le temps de la Révolution, lui a expédié le brevet de service 
auquel tous les officiers provisoires avaient droit de prétendre. Il n'est 
pas en son pouvoir d'accorder d'actes de distinction, qui pourraient 
mécontenter d'autres citoyens qui ont bien mérité de la patrie.»]
MÉMOIRES SECRETS DE FOURNIER L'AMÉRICAIN[28] 
[Note 28: Fournier modifia ce titre après coup et l'amplifia, dans un des 
deux textes de ses mémoires, de la manière suivante: «La Galerie des 
traîtres ou Mémoires secrets de C. Fournier, Américain, contenant les 
détails de la part active qu'il a eue dans les deux révolutions de France, 
en 1789 et en 1792, contenant aussi l'enchaînement des trahisons de 
Bailly, La Fayette, Louis Capet, Manuel, Petion, Santerre, Carra, et 
plusieurs autres personnages remarqués tant dans les Assemblées 
législatives qu'ailleurs, pour servir de matériaux essentiels à l'histoire.»] 
 
_La postérité saura tout._ 
 
AVANT-PROPOS 
L'histoire des deux révolutions qui ont extirpé la tyrannie du sol de la 
France et qui y ont fait germer la liberté, l'égalité, enfin la République; 
cette histoire ne pourra être bien composée que du rapprochement des 
mémoires isolés que produiront les principaux acteurs de la plus grande 
scène qui ait jamais eu droit d'étonner l'univers. Les journaux du temps, 
le plus souvent, ne peuvent rapporter que sur des aperçus pris au hasard, 
recueillis loin du théâtre des faits et sans montrer la filière des causes 
d'où sont sortis les différents résultats. Le témoin oculaire et le 
coopérateur des grands actes révolutionnaires est dans une position bien 
plus favorable pour transmettre la vérité aux générations futures. 
Si quelqu'un a suivi de près tous les mouvements de deux révolutions, 
je puis bien dire que c'est moi. Français, lisez ces mémoires et vous me 
verrez agissant dans toutes les circonstances éclatantes. Ce n'est point 
une vaine gloriole qui me fait mettre ces circonstances au jour, mais j'ai 
pour but d'utilité d'éclairer plusieurs points importants de l'histoire, de 
vous faire voir se dévoiler des manoeuvres qui vous apprendront à 
connaître les hommes, et que tel traître, dont le masque, au moment que 
j'écris, n'est point encore tombé, n'en a pas moins été une fausse idole à 
qui les contemporaines regretteront bien d'avoir prostitué leur 
encens[29]. Enfin vous observerez plus que jamais qu'au milieu de 
toutes les perfidies qui nous ont assaillis, si l'on croyait encore à 
d'autres prodiges qu'à l'énergie et au courage des âmes libres, on 
affirmerait que ce n'a pu être qu'une puissance merveilleuse qui a sauvé 
la nation.
[Note 29: On verra d'ailleurs, vers la fin de ces mémoires, les raisons 
qui me forcent très impérieusement de leur donner la publicité. (Note 
de Fournier.)--On sait qu'il ne réalisa pas ce projet de publier ses 
mémoires.] 
C'est une vérité reconnue que le sentiment de la liberté est implanté 
naturellement dans tous les coeurs, et que, sous les gouvernements 
tyranniques, tout homme qui ne vit point des abus, soupire secrètement 
après le moment de briser sa chaîne; mais il est encore tout naturel de 
remarquer que les individus qui se trouvent le plus tôt et le mieux 
préparés aux révolutions contre le despotisme sont toujours ceux qui en 
ont le plus souffert. J'étais précisément dans ce cas en France. J'y étais 
revenu, après vingt et un ans de domicile aux colonies, réclamer 
vainement justice auprès du roi et de ses ministres contre l'oppression 
la plus criminelle et la plus inouïe que j'avais éprouvée à 
Saint-Domingue dans ma personne et dans mes biens.[30] 
[Note 30: J'avais à Saint-Domingue une habitation et une guildiverie, 
ou fabrique de tafia, de valeur constatée de plus de cinq cent mille 
livres, voisine de celle des sieurs Guibert frères, sur laquelle elle obtint 
une supériorité de succès; elle éveilla leur jalousie. Ils étaient alliés au 
sieur de Bougars, intendant de la colonie, et ils avaient du crédit auprès 
de tous les officiers civils et militaires de l'île. Ils profitèrent de ces 
avantages pour me vexer impunément. Chicané, d'abord, sous de vains 
prétextes, menacé ensuite, poursuivi par d'infâmes calomnies, accusé, 
emprisonné, je finis par avoir la douleur de voir ma guildiverie et mon 
habitation incendiées. Le crédit des Guibert, qui leur avait fait 
commettre envers moi toutes les scélératesses sans coup férir, passa de 
la colonie en France, où j'étais revenu pour y demander la justice que 
j'avais été loin de pouvoir trouver à Saint-Domingue. Je la sollicitai en 
vain près du dernier roi et de    
    
		
	
	
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